« affecter », définition dans le dictionnaire Littré
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affecter
- 1Rechercher avec ambition, rechercher avec soin, rechercher avec trop de soin, avoir une sorte de prédilection pour. L'Angleterre affectait la souveraineté des mers. Cet auteur affecte l'archaïsme. La place que cette dame affecte dans l'église.
Il aimait à emprunter et à faire valoir les idées des autres, et il aurait plutôt affecté que manqué l'occasion de leur en rendre une espèce d'hommage
, Fontenelle, Dodart.L'empire de la mer que leur république affectait
, Bossuet, Hist. I, 8.Il fut soupçonné d'affecter la tyrannie
, Bossuet, Hist. III, 7.Il avait affecté la divinité
, Bossuet, Démons, 2.Les hommes affectent une liberté farouche qui ne connaît aucune règle et ne veut dépendre que de son inclination
, Bossuet, Pensées chrét. 33.Il prit le chemin qu'ont accoutumé de tenir ceux qui affectent la tyrannie
, Vertot, Révol. rom. liv. VII, p. 267.Quel droit as-tu reçu d'enseigner, de prédire, De porter l'encensoir et d'affecter l'empire ?
Voltaire, Fanat. II, 5.Diane même, dont vous affectez tant l'exemple, n'a pas rougi de pousser des soupirs d'amour
, Molière, Princ. d'Él. II, 1.Vous buviez sur son reste et montriez d'affecter Le côté qu'à sa bouche elle avait su porter
, Molière, L'Étour. IV, 5.Je n'ai jamais aimé que vous, et jamais je n'aimerai que vous. C'est vous, madame, qui m'avez enlevé cette qualité d'insensible que j'avais toujours affectée
, Molière, Pr. d'Él. V, 2.Perse en ses vers obscurs, mais serrés et pressants, Affecta d'enfermer moins de mots que de sens
, Boileau, A. P. II. - 2Faire un usage fréquent de.
Le souvenir de la jeunesse est tendre dans les vieillards ; ils aiment les lieux où ils l'ont passée ; ils affectent quelques mots du premier langage qu'ils ont parlé
, La Bruyère, 11. - 3Faire ostentation de. Ils se plaignent que j'affecte de parler contre… On affecta de le montrer aux armées. Certaines qualités dont ils affectent de se parer. Ceux dont il affecte de surpasser les déréglements. Le doute où l'on affectait d'être de sa vertu.
Sommes-nous chrétiens ? ne le sommes-nous pas ? Si nous ne le sommes pas, pourquoi affectons-nous de le paraître ?
Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 176.Pour éblouir les yeux, la fortune arrogante Affecta d'étaler une pompe insolente
, Boileau, Épît. IX.Je serai fort ravi qu'on ne vous trouve point si belle, et vous m'obligerez de n'affecter point tant de le paraître à d'autres yeux
, Molière, Sicil. 7.…leur majesté terrible Affecte à leurs sujets de se rendre invisible
, Racine, Esther, I, 3.S'il fait un payement, il affecte que ce soit dans une monnaie toute neuve
, La Bruyère, Théophr. 21. - 4Feindre, simuler. Il affecte de compter là-dessus. Affecter la douleur.
S'il avait pour cet homme le mépris qu'il affecte… Vous avez affecté de ne me plus connaître
, Racine, Brit. IV, 2.Il affecte un repos dont il ne peut jouir
, Racine, Baj. I, 1.D'une mère facile affecter l'indulgence
, Racine, Brit. I, 2.Oui, je te le confesse, J'affectais à tes yeux une fausse fierté
, Racine, Baj. II, 1.Mais que sert d'affecter un superbe discours ?
Racine, Phèd. I, 1.Il affecte pour vous une fausse douceur
, Racine, Athal. I, 1.Narcisse veut en vain affecter quelque ennui
, Racine, Brit. V, 5.Mais quand on peut sans honte être sans fermeté, L'affecter au dehors est une lâcheté
, Corneille, Hor. III, 5.N'affectez point ici des soins si généreux
, Voltaire, Mér. I, 3.Puis affectant un visage tranquille…
, Millevoye, Mancenilier. - 5En parlant des choses, avoir disposition à. Le sel marin affecte la forme cubique.
- 6Exercer une impression et aussi rendre souffrant, malade. Tout ce qui affecte le sens de la vue. Les fleurs affectent le cerveau. Maux qui affectent la tête. Conditions d'insalubrité et de mauvaise nourriture qui affectent la poitrine.
Il affecte puissamment ces corps naissants
, Rousseau, Émile, I. - 7Faire impression sur l'âme, émouvoir, affliger. J'ai été péniblement affecté de la nouvelle. Voyez comme un rien l'affecte.
- 8S'affecter, v. réfl. Être simulé. Il est difficile qu'une véritable douleur s'affecte.
- 9S'affecter, contracter une lésion. Le poumon s'affecte facilement.
- 10S'affecter, être affligé. Il s'affecta singulièrement de ce départ. C'est un homme qui s'affecte facilement. Ces hommes sentent vivement, s'affectent de même.
Je crus qu'il s'affecterait de mon inconstance
, Rousseau, Confess. III.
SYNONYME
AFFECTER, SE PIQUER. On a discuté la synonymie de ces deux expressions, qui au fond ne sont aucunement synonymes. Celui qui se pique de probité, n'affecte pas la probité, mais il la possède ou croit la posséder, et s'en rend témoignage. Celui qui affecte la dévotion, en fait parade, impose aux autres, mais ne se trompe pas lui-même, et, dans son cœur, ne se pique pas d'être religieux. En un mot, affecter, c'est simuler, faire paraître au dehors ; se piquer, c'est s'attribuer en soi.
HISTORIQUE
XVe s. Et y avoit des presbstres ou curez si affectez à mauldicte inclination, que aucuns les refusoient à baptiser
, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1418.
XVIe s. Affecter l'ignorance de qualités si vulgaires
, Montaigne, I, 288. Je n'ay rien jugé de si rude en l'austerité de vie que nos religieux affectent, que…
, Montaigne, III, 289. M. Manlius affecta depuis la royauté
, Montaigne, IV, 160. Pource qu'est le propre subject de l'histoire traitter de toutes hautes matieres, il semble qu'elle leur [aux rois] soit plus particulierement qu'à nulz autres affectée
, Amyot, Préf. 16, 44. Mais tout cela qu'est-ce sinon amasser des occasions affectées d'ingratitude envers la fortune ?
Amyot, de la Tranq. d'âme, 18. Tous les particuliers d'un parti aussi bien que leurs grands n'affectoient [désiraient] qu'un repos de mesme mesure
, D'Aubigné, Hist. II, 3. Il en rendit surtout innocent Monsieur, du portrait duquel coppié avec une douceur affectée il fit present à toutes les personnes qui avoient pouvoir en l'affaire
, D'Aubigné, ib. II, 64.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. affectar ; espagn. afectar ; ital. affettare ; de affectare, de ad (voy. À), et factare, fréquentatif de facere (voy. FAIRE). Ce mot n'est pas autre qu'une forme moderne et refaite sur le latin affectare, de l'ancien français affaiter, affeter, affaitier. Aussi ne trouve-t-on affecter qu'au XVe et au XVIe siècle.