« bout », définition dans le dictionnaire Littré

bout

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bout [1]

(bou ; le t se lie : de bout en bout, dites : de bou-t en bout) s. m.
  • 1La portion qui termine un corps, un espace. Le bout des rames. Le bout de la queue. Les deux bouts d'une corde. Le bout du champ. Bâton à deux bouts, sorte de bâton avec lequel on peut frapper aussi bien par un bout que par l'autre. Je l'ai trouvé, seigneur, au bout de cette allée, Où la clarté du ciel semble toujours voilée, Corneille, Rodog. V, 4. Un architecte avait bâti une maison dans un bout de la ville de Paris, Fénelon, III, 167. Qui n'a pas besoin de mettre les bras d'un autre au bout des siens, Rousseau, Ém. II. Notre principal avantage est au bout de nos doigts : nos paysans ont eu l'industrie de travailler en horlogerie pour les Génevois, Voltaire, Lett. Fargès, 25 février 1776. [Le nain] Sur un pied danse Au bout d'un flot, Hugo, Orient. 28. Que les Romains, pressés de l'un à l'autre bout, Doutent où vous serez, et vous trouvent partout, Racine, Mithr. III, 1.

    Fig. L'aridité des calculs est presque toujours l'ennemie mortelle de la littérature ; heureux les esprits bien faits qui touchent à la fois à ces deux bouts ! Voltaire, Lettr. de Vaines, 18 mars 1771. Mon Dieu ! nous savons tout. - Quoi ? - Votre procédé de l'un à l'autre bout, Molière, l'Étour. III, 3.

    Aux deux bouts de la terre, par toute la terre. Aux deux bouts de la terre étendre mes travaux, Corneille, Cid, V, 8. Que cent peuples unis des bouts de l'univers, Corneille, Hor. IV, 5. La guerre Que sa fureur [de Rome] envoie aux deux bouts de la terre, Racine, Mithr. III, 1. Rassemblez-vous des bouts de l'univers, Racine, Esth. III, 9. Faites, déesse, que ma lyre… Aux deux bouts du monde aille dire Des chansons dignes de mon roi, Racan, Ode au roi. Mais qu'est-il ce renom ? c'est le bruit du tonnerre Qui, volant tout à coup aux deux bouts de la terre, Dure à peine quelques instants…, Gilbert, Le prince de Salm. D'un bout du monde à l'autre bout L'habit fait tout, Béranger, Vieux habits.

    Au bout de l'univers, dans des contrées très éloignées. Au bout de l'univers, va, cours te confiner, Racine, Bérén. IV, 4. S'il y eût eu un homme comme vous, j'eusse été le chercher au bout du monde, Fontenelle, Apicius, Galilée.

    Par exagération. Être logé au bout du monde, dans un quartier fort éloigné. Dans le temps que nous sommes aux deux bouts de la terre, Sévigné, 227.

    Fig. et familièrement. C'est tout le bout du monde, c'est tout ce que la chose vaut, tout ce qui est possible. Je pars, et si je vous écris encore lundi, c'est tout le bout du monde, Sévigné, 153.

    Terme de manége. Mettre les deux bouts en dedans, faire travailler un cheval, de manière que la tête se rapproche de la croupe.

    Bout à bout, loc. adv. À bouts se touchant. Tuyaux assemblés bout à bout.

    Fig. Les nombres sont bout à bout à la suite l'un de l'autre, Pascal, Pens. div. 69. Quatre Mathusalem bout à bout ne pourraient Mettre à fin ce qu'un seul désire, La Fontaine, Fabl. VIII, 25.

    Mettre bout à bout, au propre et au figuré, rapprocher et réunir de petites portions d'une chose. Mettez bout à bout ces morceaux de ruban. Si l'on mettait bout à bout toutes les heures que l'on perd, on ferait un long espace de temps.

    D'un bout à l'autre, loc. adv. Du commencement à la fin, entièrement. J'ai visité le parc d'un bout à l'autre. J'ai entendu son discours d'un bout à l'autre. Il a pu vous dire ma maladie d'un bout à l'autre, Sévigné, 292.

    De bout en bout, loc. adv. Même sens. Le ciel est noir de bout en bout, St-Amand, Œuvres, 78. Les cris… qui… Firent de bout en bout retentir les déserts, La Fontaine, Psyché, I, p. 34. Lise de bout en bout lui conte le mystère, La Fontaine, Comment l'esprit, etc. Lui dit de bout en bout toute la vérité, La Fontaine, Ch. imp. Contez-lui votre cas De bout en bout, La Fontaine, Fais. Momus, alors présent, reprit de bout en bout De nos deux envoyés les harangues frivoles, La Fontaine, Quinquina, II. Vous saurez tout cela tantôt de bout en bout, Molière, Mélic. II, 7.

    Bout-ci, bout-là, par-ci, par-là.

    Terme de jeu de domino. Le bout ouvert, le bout de la rangée de dominos auquel on peut encore poser des dés.

    À bout portant, loc. adv. C'est-à-dire le bout de l'arme étant mis près de l'objet qu'on vise.

    Fig. On a vu le mot étrange, à bout portant, que Tonnerre, évêque comte de Noyon, lâcha au roi en plein petit couvert, Saint-Simon, 413, 186.

    Au bout de la plume. Voy. Au bout de la langue.

    Ce mot est resté au bout de la plume, il a été oublié.

  • 2Extrémité des parties du corps. Le bout du pied. Le bout de la langue. Le bout de l'oreille.

    Au bout de la langue, au bout de la plume, en parlant de ce qui est dit, écrit avec facilité. Quand ils se trouvent au bout de ma plume, Sévigné, 299. Dès qu'un mot se trouvait au bout de sa langue ou de sa plume, Hamilton, Gramm. 10.

    Avoir un mot sur le bout de la langue, chercher dans sa mémoire un mot qu'on croit tenir et qui ne vient pas.

    Rire du bout des dents, rire sans en avoir envie. On dit aussi rire du bout des lèvres.

    Dire quelque chose du bout des lèvres, le dire par condescendance et sans vouloir être pris au sérieux. Ce que vous m'accordâtes du bout des lèvres et que vous fîtes pour m'obliger, Voiture, Lettr. 75.

    Montrer le bout de l'oreille, un bout d'oreille, laisser pénétrer sa pensée, ses desseins.

    Savoir une chose sur le bout du doigt, la savoir parfaitement, de mémoire.

    Toucher du bout du doigt, toucher légèrement, au propre et au figuré.

    Toucher à une chose du bout du doigt, être près d'y arriver, de l'atteindre. On y touchait du bout du doigt, quand tout a manqué.

    Le bout du sein, ou, simplement, le bout, le mamelon. L'enfant n'a pas encore pris le bout. Elle ne peut nourrir faute de bout.

    Bout de sein, instrument de caoutchouc ou d'ivoire ramolli, destiné à former le bout du sein chez les nouvelles accouchées, ou à préserver le mamelon malade.

    Des bouts d'ailes, les extrémités des ailes de certains oiseaux bons à manger. Une terrine de bouts d'ailes.

    Des bouts d'ailes, des plumes du bout de l'aile des oies dont on se sert pour écrire.

  • 3Le bon bout, le côté par où il convient de prendre une chose. Prendre une chose par le bon bout, la prendre comme il faut. À quiconque le sait prendre par le bon bout, Molière, l'Étour. III, 2. Mais je les veux avoir par le bon bout, La Fontaine, Papef.

    Par quelque bout que vous preniez cette affaire, de quelque façon que vous l'entrepreniez. Prendre quelqu'un par tous les bouts, faire auprès de lui toutes les tentatives imaginables pour le décider, le persuader, etc.

    On ne sait par quel bout le prendre, se dit de quelqu'un dont l'humeur est revêche et difficile.

    Se mettre sur le bon bout, se mettre sur un bon pied, faire plus de dépenses. La cour ne se mit pas seule sur le bon bout ; Et le luxe passa jusqu'à la bourgeoisie ; Chacun fit de son mieux, ce n'était qu'or partout, La Fontaine, Lettr. I.

    Terme de marine. Le bon bout, le bout du câble qui reste à bord.

    Fig. Et toujours retenez le bon bout à la main, De crainte que le temps ne détruise l'affaire, Régnier, Sat. XII.

  • 4Le haut bout, la place la plus honorable. À table, au plus haut bout il veut qu'il soit assis, Molière, Tart. I, 2.

    Fig. Cela avec Escobar les met au haut bout, Pascal, Prov. 9. Peu de gens en leur estime Lui refusent le haut bout, La Fontaine, Fabl. VIII, 13. Les Dominicains en Espagne, comme partout ailleurs où elle [l'inquisition] est établie, tenaient le haut bout, Saint-Simon, 90, 190.

    Le bas bout, une des dernières places. Ils furent admis à sa table au bas bout, sans que le seigneur du château les honorât du regard, Voltaire, Zadig, 20. Je me refuse d'être au bas bout, non parce qu'il est bout…, Pascal, Grand. 21.

  • 5Ce qui garnit l'extrémité de certaines choses. Un bâton qui a un bout de fer, c'est-à-dire qui est ferré par le bout. Des bouts de manche, petites manches qu'on met par-dessus les manches de son habit pour les préserver. Bouts de souliers, morceau de cuir qu'on met à la semelle quand elle est usée. Bout de fleuret, le bouton qui garnit la pointe du fleuret.
  • 6Petite partie, petit morceau. Un bout de lettre. Un bout de corde. Entendre un bout de messe, un bout de sermon.

    Dans un autre sens, un bout de discours, un discours très peu étendu. Il n'a fait qu'un bout de plaidoyer. Il n'avait dans cette pièce qu'un bout de rôle.

    Un bout d'homme, un petit bout d'homme, un homme très petit.

    Des bouts de chandelle, ce qui reste d'une chandelle consumée en partie.

    Familièrement. Une économie de bouts de chandelle, une épargne mesquine et sans utilité. On dit que le contrôleur général a fait retrancher… ces ménages de bouts de chandelle ne sont peut-être pas ce qui fait fleurir un État, Voltaire, Lettr. Damilaville, 15 février 1764.

    Bout de boudin, voy. BOUDIN.

  • 7Terme, point où quelque chose cesse. Le bout de l'année. Au bout de huit jours. Le bout du chemin. Et comme au bout d'un an sa santé fut parfaite…, Corneille, Poly. I, 4. On en fait revivre un au bout de vingt années…, Corneille, Héracl. I, 1. Il tomba dans leurs fers au bout de sa poursuite, Corneille, Rodog. I, 1. Savoir discerner… d'un bien qui s'envole un qui n'a point de bout, Malherbe, I, 4. Je ne me suis connu qu'au bout de ma carrière, Voltaire, Alz. V, 7. La moindre taupinée était mont à ses yeux ; Au bout de quelques jours le voyageur arrive…, La Fontaine, Fabl. VIII, 9.

    Être au bout de sa carrière, toucher au terme de sa vie.

    Fig. À tout bout de champ, à tout propos.

    Bout de l'au, service funèbre qui se célèbre un an après le décès de quelqu'un. On fit à St-Denis le bout de l'an du Dauphin et de la Dauphine, Saint-Simon, 340, 208. Je fais des bouts de l'an de tout, Sévigné, 115.

    Fig. Joindre les deux bouts, avoir tout juste de quoi subsister. Le maréchal de Choiseul savait trouver les deux bouts de l'année sans dettes, Saint-Simon, 289, 195. La locution entière est : joindre les deux bouts de l'an, c'est-à-dire aller, sans dépasser son revenu, d'un bout de l'an à l'autre. Fig. Être au bout de son rôle, de son rôlet, de son rouleau, ne savoir plus que dire, que faire. Ils voient à tous moments le bout de leur esprit, Sévigné, 432. Il se voit tous les jours au bout de son fonds, Bossuet, II, Jos. 2.

    Il est au bout de ses écus, il a épuisé ses ressources.

    N'être pas au bout, avoir encore bien des choses pénibles à supporter.

    Et haïe au bout, locution vieillie et hors d'usage, qui se disait pour signifier : et quelque chose de plus. Il a dix mille livres de rente, et haïe au bout. Haïe paraît ici une simple exclamation pour désigner quelque chose vaguement, quelque chose qu'on ne peut ou ne veut désigner précisément.

    Jusqu'au bout, loc. adv. Jusqu'à la fin. Vous êtes généreux, soyez-le jusqu'au bout, Corneille, Poly. IV, 5. Sa vertu jusqu'au bout ne s'est pas démentie, Corneille, Héracl. III, 3. Voyons si ta constance ira jusques au bout, Corneille, Cinna, V, 1. Je veux voir jusqu'au bout quel sera votre cœur, Et si de me trahir il aura la noirceur, Molière, Mis. IV, 3. Pousser l'examen jusqu'au bout, Bossuet, Hist. II, 13. Jusqu'au bout il a poussé l'outrage, Racine, Andr. V, 2. Suivons jusques au bout ses ordres favorables, Racine, Brit. II, 8.

    À bout, loc. adv. Être à bout, être épuisé. Mais je sens que bientôt ma douceur est à bout, Racine, Athal. II, 5. Un reste de respect en pouvait être cause, Mais c'est trop me pousser, ce respect est à bout, Molière, le Dép. V, 8. Je me trouve à bout de ma subtilité, Molière, l'Étour. III, 1. Sa patience et son espoir furent à bout, Hamilton, Gramm. 8. Les valets enrageaient, l'époux était à bout, La Fontaine, Fabl. VII, 2. À bout sur un frère si extravagant [que d'Aubigné], Mme de Maintenon fit tant par St-Sulpice qu'on lui persuada de quitter ses débauches, Saint-Simon, 51, 100.

    Terme de manége. Être à bout, se dit d'un cheval outré de fatigue.

    Terme de vénerie. Être à bout de voie, se dit d'un limier qui se perd ; et fig. ne plus savoir que faire.

    Mettre à bout, vaincre, réduire. Les Grecs… Par mille assauts, par cent batailles, N'avaient pu mettre à bout cette fière cité, La Fontaine, Fabl. II, 1. Nous mettrons autant de cœurs à bout Que nous voudrons en entreprendre, La Fontaine, Joc. Pour mettre à bout les plus cruelles…, Molière, Amph. Prologue.

    Mettre à bout, irriter, fatiguer, impatienter. Et tu me mets à bout par ces contes frivoles, Molière, l'Étour. I, 2. Il met sa patience à bout, Bossuet, Obl. 1. Il n'y a point de patience que vous ne mettiez à bout, Pascal, Prov. 10. Sitôt qu'il aura mis ma patience à bout, Corneille, Agésil. II, 6.

    Pousser à bout, irriter, et aussi réduire à ne pouvoir répondre, mettre à quia. Ils lui conseillent de ne le point pousser à bout, Corneille, Ex. du Cid. La reine… Sachant ce que je puis, me pousse trop à bout, Corneille, Nicom. II, 3. Faut-il pousser à bout une reine obstinée ? Corneille, Sertor. IV, 3. On pousse ma douleur et mes soupçons à bout, Molière, Mis. IV, 3. Voilà donc comme parle cet amant outré et poussé à bout, Bossuet, Or. 10. Les esprits poussés à bout par tant d'injustices, Bossuet, Hist. II, 12. C'est pousser l'amour à bout, que…, Bossuet, Lett. Corn. 99. Ce raisonnement pousse à bout la subtilité de nos adversaires, Bossuet, Déf. comm, On dit, à ce propos, qu'un jour ce dieu bizarre, Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois, Inventa du sonnet les rigoureuses lois, Boileau, Art p. II. Poussons à bout l'ingrat, Racine, Baj. IV, 4. Il fallait pousser à bout de tels imposteurs, Pascal, Prov. 16.

    Pousser à bout, porter à l'extrémité, exagérer. Il pousse à bout toutes les décisions, Bossuet, Rem. Poussant à bout ses maximes, Bossuet, Var. 2. Si l'on voulait pousser à bout la subtilité, Bossuet, Or. 10.

    Venir à bout d'un dessein, d'une entreprise, réussir. Il croit que son remède viendra à bout de tout, Sévigné, 412. Sans pouvoir en venir à bout, Sévigné, 536. Ils n'entreprennent rien qu'ils n'en viennent à bout, Régnier, Sat. III. En viendrons-nous à bout ? Corneille, le Ment. IV, 7. Mettez à bout l'effet qu'amour a commencé, Rotrou, Vencesl. IV, 6. Thalès disait que [de toutes les choses] la plus forte était la nécessité parce qu'elle venait à bout de tout, Fénelon, Thalès. Le père, pour venir à bout D'une précaution sur qui roulait la vie De celui qu'il aimait…, La Fontaine, Fabl. VIII, 16. Je ne viendrais jamais à bout De nombrer les faveurs que l'amour leur envoie, La Fontaine, Joc. L'Église est enfin venue à bout d'exterminer cette superstition, mais il lui a fallu du temps, Fontenelle, Oracles, chap. 18.

    Venir à bout de, triompher, vaincre. Par là de nos mutins le feu roi vint à bout, Corneille, Pomp. III, 2. Je vous plains fort tous deux s'il vient à bout de moi, Corneille, D. San. III, 2. Mais quand j'ai bien mangé, mon âme est ferme à tout, Et les plus grands revers n'en viendraient pas à bout, Molière, Sgan. 7. Je me porte à merveille, quoique je fasse tout ce qu'il faut pour venir à bout de ma santé, Diderot, Lett. à l'abbé Lemonier. Ah ! certes celui-là l'emporte et vient à bout De toute ma raison, Molière, Dép. II, 1.

    Fig. Au bout du compte, loc. adv. Tout bien considéré. On vous fait de grandes promesses ; mais, au bout du compte, qu'avez-vous obtenu ?

  • 8 Terme de marine. L'avant, la proue d'un navire. Avoir le vent de bout, se dit quand le vent vient du côté de l'avant.

    Aller bout au vent, aller contre le vent.

    Donner le bout à terre, aborder droit.

    Aborder de bout au corps, aborder un bâtiment par le travers.

    Filer un câble par bout, le laisser sortir tout entier par l'écubier.

  • 9 Terme de serrurerie. Clef à bout, clef dont la tige n'est pas forée.

    Terme de graveur. Bout, outil de graveur en pierre dure.

  • 10Bouts-rimés. Voyez ce mot à son ordre alphabétique.

    Bout-saigneux. Voy. BOUT-SAIGNEUX.

PROVERBES

Au bout le bout, cela durera autant que cela pourra.

Au bout du fossé la culbute, se dit de ceux qui, par insouciance ou perversion de sens, se résignent aux tristes conséquences qui résulteront de leur conduite.

Au bout de l'aune, faut le drap, c'est-à-dire toutes choses ont leur fin.

Brûler la chandelle par les deux bouts, faire des dépenses de toute espèce, et figurément, ruiner sa santé par des excès de différents genres.

SYNONYME

BOUT, EXTRÉMITÉ, FIN. Mots qui expriment l'endroit où une chose se termine. Bout diffère d'extrémité et de fin, en ce qu'il emporte toujours l'idée d'une certaine longueur, d'un bout en un mot, tandis que extrémité et fin n'expriment que la limite abstraite qui borne une chose. Le bout du doigt, c'est une portion de doigt ; l'extrémité du doigt est la surface qui termine le bout du doigt. À un autre point de vue, bout termine une étendue en longueur ; extrémité la termine en tous les sens : le bout d'un bâton ; les extrémités d'une surface ; bout fait considérer une chose dans sa longueur ; extrémité la fait considérer par rapport aux parties centrales. Tandis que bout et extrémité sont relatifs à l'étendue et à l'espace, fin l'est au temps et à la durée ; c'est l'action de finir qu'il exprime : la fin de la vie ; la fin d'un spectacle, d'un concert. Fin a rapport au commencement, comme bout a rapport à un autre bout, comme extrémité a rapport à un centre. Quand fin s'applique à l'étendue, ce qui arrive quelquefois, il exprime, à vrai dire, le temps que l'on met à parcourir cette étendue : un désert sans fin, est un désert qui ne finit pas ; un désert sans bout ou sans extrémité, ne pourrait se dire, car on ne conçoit pas qu'un désert n'ait pas un bout, si on le considère dans sa longueur, ou des extrémités, si on le considère en tous sens. On ne dit pas le bout d'un cercle ; mais, dans une place circulaire, on dirait fort bien qu'on va ou qu'on est au bout, en considérant la ligne à parcourir. Nous disons très bien aller au bout de la terre, parce que nous considérons la distance qui nous sépare d'un point ; et de même au bout du monde. On ne dirait pas au bout du globe, au bout de la sphère, parce qu'un globe, une sphère, n'étant point en longueur, n'ont pas de bout.

HISTORIQUE

XIIe s. Son tinel [il] lieve à loi de bachelier Par tel aïr, que tost le fist branler ; Del bot devant va son mestre hurter, Si qu'il li fist andeus les euz [yeux] voler, Bat. d'Aleschans, 4052. Tut de but se teneient cil tres par tut al rei, Ne il ne voleient faire pur Deu ne ço ne quei, Th. le mart. 69.

XIIIe s. Se marchant font change de chevaus li uns à l'autre bout à bout, Liv. des mét. 316.

XIVe s. Qu'il fasse les tonneaux dessus le bout lever, Et tous les assaillans face bien abruver, Guesclin. 20127. Englois font les vaisseaux [barriques] des charrettes verser, Et puis les vont sur bout tout en l'eure lever, Et pour boire du vin les vont tost defoncer, ib. 22106. Prenez la penne rompue de vostre oysel, et en coppez le bout rompu à unes forces [ciseaux], Modus, f° XCIV, verso.

XVe s. Quant le roi vit qu'il n'en pourroit venir à bout, Froissart, I, I, 315. Mahieu fut un de ceux eslus d'y aller… et ce bout lui dona Jean Lyon [Jean Lyon lui joua ce tour], Froissart, II, II, 53. Les oncles du roi ne pouvoient avoir bout ni volée ni audience en la cour du roi pour eux, Froissart, II, II, 62. Dont j'ai souffert tant longuement Dure peine, ennuyeux tourment, Qu'il pert [paraît] que je fuz né à tout Et qu'onques ne fu autrement, Et si n'en puis trouver le bout, Chartier, le Débat du Réveille matin. J'en meurs sur bout, et n'euz onques depuis Aise de cueur, bon jour, ne bonne nuiz, Chartier, Le débat des deux fortunes. À ma dame je ne sçay que je dye, Ne par quel bout je doye commencer, Pour vous mander la doloreuse vie Qu'amour me fait chascun jour endurer, Orléans, Ball. 19. Le roy cuidant tousjours perseverer et avoir le bout d'iceulx Bourguignons… se rebouta dedans les dits Bourguignons qui s'estoient fort raliez, J. de Troyes, Chron. 1465. Il est à avoir par beau et par humilité ; et pris par le bon bout, c'est le meilleur des bons, Chastelain, Chron. des ducs de Bourg. II, ch. 25. Et jamais n'en estoit peu venir à bout, Commines, IV, 5. Dieu ne luy permist pas prendre ceste matiere, qui estoit si grande, par le bout qui luy estoit necessaire, Commines, V, 12. En Bourgongne se faisoit la guerre tousjours, et n'en povoit avoir le roi le bout, pource que les Allemands faisoient quelque peu de faveur au prince d'Orenge, Commines, VI, 4. Il l'accola et la baisa doucement, car elle estoit belle et gente, et en bon point, et mise sur le bon bout [bien mise, sur un bon pied], Louis XI, Nouvelles, LXXI.

XVIe s. Soyés seur que sy toust que je serai à bout de ma grosseur [grossesse], ne faudray vous en advertir, Marguerite de Navarre, Lett. 82. Mon nepveu, encore suis je sus bout ; quy m'ennuye plus que le mal que j'ay à passer ne me donne de crainte, Marguerite de Navarre, ib. 83. Il se voulut mettre sur le beau bout [faire l'aimable], Marguerite de Navarre, Nouv. X. Sa resolution arresta sus bout [tout court] la furie de son maistre, Montaigne, I, 2. Si je peux venir à bout de moy à garantir un danger par…, Montaigne, I, 37. À chasque bout de champ ils sont prests, Montaigne, I, 40. Le hault bout d'une table, Montaigne, I, 168. La science qu'il choisira ayant le jugement desjà formé, il en viendra bientost à bout, Montaigne, I, 174. Comme ils commençoient à se desordonner, il en vint ayséement à bout, Montaigne, I, 343. Mon estomach est assez empesché à venir à bout de ce qu'il prend, Montaigne, II, 18. Petit bout d'homme, et honte de nature, Du Bellay, J. V, 8, verso. Il se tint tout de bout sans mot dire, Amyot, Thém. 50. Le senat ne voulut point permettre qu'il se deposast de sa charge avant le bout de l'an, Amyot, Cam. 54. À la fin, au bout de neuf mois, les Samiens furent contraints de se rendre, Amyot, Péric. 63. Les mamelles convertissent dedans soy mesmes la nourriture que prennent les femmes, en lait que puis après elles rendent par les bouts, Amyot, P. Aem. 22. L'infanterie, comme estant des plus vieux soldats de France, tira aussi bien que les autres à bout apuié, D'Aubigné, Hist. I, 331. Le roi de Navarre n'eut de contentemens que par le bon bout [par ironie, il fut maltraité], D'Aubigné, ib. II, 219. Lors les galeres venoient tirer à bout touchant l'equipage de ce vis-amiral, D'Aubigné, ib. II, 302. Les assiegez donc bien tost à bout de munitions, D'Aubigné, ib. II, 305. Espées dorées et argentées, aux fourreaux de velours et bouts d'argent, Carloix, V, 32. Se mettant en despence, et, comme l'on dict, sur le bon bout, pour se faire valoir, Carloix, VI, 36. Aucuns chirurgiens ont bien osé coudre ces tendons bout à bout, afin de les reunir ensemble, Paré, VIII, 37. Arrivé que soit le printemps, la premiere eau qu'elle fera distiller sera des bourgeons et bouts [pousses] de chesne, De Serres, 890. Il nous fait accroire qu'il estoit à la feste, mais il ne sçait pas qui tenoit le hault bout, Palsgrave, p. 713.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, bote (voy. BOUTER) ; ital. botto, botta, coup, botte ; espagn. bote, même sens.