« route », définition dans le dictionnaire Littré
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route
- 1Grande allée percée dans une forêt, pour la commodité du charroi, de la chasse, de la promenade (cela est le sens propre). Ouvrir des routes dans une forêt. On a percé une route dans ce bois.
Ces spéculatifs qui visent d'ordinaire au delà du but, qui quittent les chemins pour prendre les routes, qui s'égarent pour arriver plus tôt où ils vont
, Guez de Balzac, De la cour, 3e disc.Comme on voit qu'en un bois que cent routes séparent, Les voyageurs sans guide assez souvent s'égarent
, Boileau, Sat. IV.Terme de vénerie. Une bête va à la route quand elle suit le grand chemin.
- 2Voie pratiquée pour aller d'un lieu à un autre. Une route dégradée, enfoncée, mal pavée.
Je pris une route de traverse pour ne pas me retrouver dans les mêmes auberges où j'avais séjourné avec lord Clarendon
, Genlis, Vœux témér. t. I, p. 239, dans POUGENS. Smolensk, il [Napoléon] se trouve au nœud des routes de Pétersbourg et de Moscou, à vingt-neuf marches de l'une de ces deux capitales, et à quinze de l'autre
, Ségur, Hist. de Nap. VI, 9.Route royale, impériale, route entreprise et exécutée aux frais de l'État, par opposition à route départementale.
Il faut nécessairement, lui dit [à un prince] celui qui les enseignait [les mathématiques], que votre Altesse se donne la peine d'étudier pour savoir ; car il n'y a point de route royale en mathématiques
, Staël, Allemagne, III, 6.La grande route, ou la grand' route, se dit de la route principale.
La grande route, afin d'éviter les marais formés par les divers affluents du Dniéper, se détournait à gauche, cherchait les hauteurs, et s'éloignait du bassin de ce fleuve
, Ségur, Hist. de Nap. VI, 7.Fig. La grande route, les errements connus, vulgaires.
Tendre mère qui sus t'écarter de la grande route
, Rousseau, Ém. I.Routes militaires ou stratégiques, chemins qui ont été percés pour faciliter les opérations des troupes, et aux travaux desquels on a fait concourir des corps de l'armée. Routes militaires de l'Ouest, de la Vendée.
- 3Direction qu'on suit pour aller en un lieu. La route de Paris à Bordeaux.
Il [Alexandre] ramena son armée par une autre route que celle qu'il avait tenue
, Bossuet, Hist. III, 5.D'Argos, dans un moment, vous reprenez la route
, Racine, Iphig. II, 5.Ce fut dans ces circonstances que Pierre et son ambassade prirent leur route, au mois d'avril 1697, par la grande Novogorod
, Voltaire, Russie, I, 9.Fig.
Si j'approchais autant de la jeunesse que je m'en éloigne, j'attribuerais à cette agréable route la cessation de mille petites incommodités que j'avais autrefois
, Sévigné, 22 nov. 1688.Mettre en route, faire partir.
Mais une ardeur importune En route met chaque humain
, Béranger, Ad. à des amis.La route de tel lieu à tel autre est très bonne, très mauvaise, dangereuse, peu sûre, etc. on trouve sur cette route des commodités, des incommodités, des dangers, peu de sûreté, etc.
Je n'y suis pas encore [à Rome], La route en est mal sûre, à tout considérer
, Corneille, Nicom. IV, 4.Fig. Être sur la route de quelqu'un, lui faire obstacle.
Quoi que vous en disiez, vous n'êtes sur la route de personne
, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, t. I, p. 166, dans POUGENS. - 4 Terme de marine. Chemin que fait ou doit faire un navire dans une direction donnée.
Je suis bien aise d'apprendre… que les vaisseaux commandés par le sieur de Beaulieu aient mis à la voile par un vent favorable pour leur route
, Colbert, à Levasseur, 3 nov. 1678, dans JAL.Je ferai que le pilote perdra sa route, et qu'il s'éloignera d'Ithaque où il veut aller
, Fénelon, Tél. IX.On voit que c'était la route qu'avait tenue la flotte d'Alexandre
, Montesquieu, Esp. XXI, 9.En route, à la route, commandement fait au timonier pour l'avertir de ne pas dévier de la route qui lui a été indiquée, ou de reprendre la route dont on s'est momentanément écarté.
Faire route, naviguer.
Faire fausse route, s'écarter à dessein de la route qu'on avait prise ou s'écarter de son droit chemin sans le vouloir.
Fig. Faire fausse route, se fourvoyer, employer des moyens contraires au but qu'on se propose.
Donner la route, prescrire à quelle aire de vent l'officier de quart doit faire gouverner.
Être en route, avoir le vent favorable.
Faire valoir la route, manœuvrer le mieux possible.
Porter à la route, se diriger exactement sur un endroit.
Chef de route, se disait, dans la marine marchande, d'un officier ayant à peu près les fonctions de chef d'escadre.
- 5 Terme de chirurgie. Fausse route, accident qui a lieu lorsque, en sondant un malade, l'instrument s'écarte de la direction du canal de l'urèthre, et s'enfonce plus ou moins dans les parties environnantes, après avoir percé les parois uréthrales.
- 6 Terme de guerre. Chemin et logement qu'on marque aux gens de guerre en voyage. Donner une route à des troupes. Indemnité de route.
Feuille de route, ou, simplement, route, écrit déterminant le chemin que doit suivre et les logements que doit occuper une troupe ou un militaire qui voyage isolément. Une feuille de route pour trente hommes. La feuille de route tient lieu de passe-port.
Demander route, se disait d'une troupe militaire qui demandait à être renvoyée chez elle.
Les Suisses demandent de l'argent… sinon, ils s'en veulent aller, et même ont demandé route qu'on leur a accordée et promise
, Patin, Lett. t. II, p. 18. - 7 Fig. Espace que parcourent les astres, les eaux, etc. La route du soleil. La route d'un fleuve.
Zéthès et Calaïs, ces héros emplumés, Qu'aux routes des oiseaux leur naissance a formés
, Corneille, Tois. d'or, IV, 4.La lune est dans le ciel, et le ciel est sans voiles… Elle éclaire de loin la route des étoiles, Et leur sillage blanc dans l'océan d'azur
, Lamartine, Harm. I, 10. - 8 Fig. Ce que l'on suit pour arriver à quelque résultat, comme on suit une route pour arriver au terme du voyage.
Je ne m'endors pas auprès de Mme de Coulanges et de l'abbé Têtu ; cette route est bien disposée et fort en notre main
, Sévigné, 13 nov. 1673.Il avait acquis, par ses lectures continuelles, des habitudes dans tous les pays et dans tous les siècles… il connaissait toutes les routes de la vertu et de la gloire ancienne et nouvelle
, Fléchier, Duc de Mont.Chacun suit dans le monde une route incertaine, Selon que son erreur le joue et le promène
, Boileau, Sat. IV.C'est ainsi qu'à son fils un usurier habile Trace vers la richesse une route facile
, Boileau, ib. VIII.De cette passion [l'amour] la sensible peinture Est pour aller au cœur la route la plus sûre
, Boileau, Art p. III.Entre ces deux excès la route est difficile
, Boileau, ib. II.Ô Dieu, par quelle route inconnue aux mortels Ta sagesse conduit ses desseins éternels !
Racine, Esth. III, 8.Je me tins dans la route de la nature, en attendant qu'elle me montrât celle du bonheur ; il s'est trouvé qu'elle était la même, et qu'en n'y pensant pas je l'avais suivie
, Rousseau, Ém. V.Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs que ma gaieté me l'a permis
, Beaumarchais, Mar. de Fig. V, 3.À la faveur de cette méthode, l'art, élevé à la dignité de la science, marcha d'un pas plus ferme dans la route qui venait de s'ouvrir
, Barthélemy, Anach. ch. 73.Ne porte point envie à ceux qu'un autre vent Sur les routes du monde a conduits plus avant
, Lamartine, Harm. II, 12. - 9À vau-de-route, voyez VAU-DE-ROUTE.
SYNONYME
VOIE, CHEMIN, ROUTE. Voie est le terme général ; il se dit de tout ce qui mène en quelque lieu : il n'est pas besoin que la main de l'homme y soit intervenue. Le chemin et la route sont toujours des voies frayées par la main de l'homme. Le chemin est une voie de terre. La route, dont le sens primitif ne se fait pas sentir, se dit aussi des voies par mer et des voies célestes. En général, ces trois mots sont employés indistinctement au sens tropique.
HISTORIQUE
XIIIe s. Ge oi [j'eus] envie seur les felons, veanz la pais des pecheours ; par poi que ne ting leur route
, Psautier, f° 86. J'ai ma route perdue, s' [si] en ai le cuer dolent
, Berte, CX.
XIVe s. Lesdiz religieus avoient vendu les rouptes [bois rompu] et les lignes [bois tombé] et laies…
, Charte datée de Paris, Arch. impér. JJ 84, p. 491 (M. Sim. Luce)
XVIe s. Après diverses opinions conclud de marcher contre les ennemis ; si furent mis espies par chemin, coureurs par la campaigne, charois en voye, pietons en marche, hommes d'armes en la route, et les vivres en erre
, Jean D'Auton, Annales de Louis XII, p. 36, dans LACURNE. Il est vray que les gens de bois et de forests appellent routes ces longues allées et tranchis faits au travers des forests, comme celle que le feu roy François Ier fit faire au partir de Ville-Neufve St-George, pour tirer à Melun au travers de la forest de Senars
, Fauchet, Des origines, II, p. 104, dans LACURNE. Ilz ne laissoient point, pour son hault crier, de fouir toujours aval de roupte
, Amyot, Rom. 28. Mille routes desvoyent du blanc : une y va
, Montaigne, I, 37. Il n'y a route que de vieux regnards
, Cotgrave †
ÉTYMOLOGIE
Bourguig. rôte ; du bas-lat. via rupta, voie rompue, voie qu'on a faite en rompant la forêt et le terrain (voy. ROMPRE). Il ne faut pas confondre ce mot avec l'ancien route qui signifiait bande, ni avec route ou roupte qui signifiait défaite et qui vient aussi de rupta, de rumpere. Si la dérivation latine n'était pas si bien établie, on aurait été tenté d'accepter une étymologie celtique : Roto-magus, Rouen, très probablement la ville du passage, de rod, rut, roto, gué, passage, chemin ; en vieil armoricain, rid, rit, ryt ; même sens en cambrien ; rod, voie, route, en irlandais.