« privilége », définition dans le dictionnaire Littré

privilége

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privilége

(pri-vi-lè-j' ; on prononce avec l'è ouvert, bien que l'Académie conserve l'accent aigu) s. m.
  • 1Avantage accordé à un seul ou à plusieurs, et dont on jouit à l'exclusion des autres, contre le droit commun. Les raisons qui s'élèvent contre les priviléges, Raynal, Hist. phil. v, 35. Les priviléges exclusifs sont les ennemis des arts et du commerce, que la concurrence seule peut encourager, Raynal, ib. x, 19.

    Privilége du roi, autorisation d'imprimer que le gouvernement donnait, après que l'ouvrage avait passé à la censure, et qui était accompagnée de la défense à tous autres d'imprimer ledit ouvrage. La lettre de M. de Saint-Cyran, De la Vocation, imprimée sans approbation ni privilége, Pascal, Lett. à Mme Perier, 1er avril 1648. Il [Boileau] a, pour ses satires et pour son Lutrin, un privilége signé en commandement et prononcé par la bouche sacrée de Sa Majesté, nonobstant l'opposition des principaux de l'Académie, qui étaient fort maltraités dans ces ouvrages, Furetière, 3e factum, t. I, p. 321. Point de privilége, s'il vous plaît [pour le Siècle de Louis XIV] ; on se moquerait de moi, un privilége n'est qu'une permission de flatter, scellée en cire jaune, Voltaire, Lett. Mme Denis, 24 déc. 1751. Il [d'Aguesseau] ne voulait point donner de priviléges pour les romans ; et il ne consentit à laisser imprimer Cleveland qu'à condition que le héros changerait de religion, Voltaire, Vie de Volt.

  • 2Acte qui contient la concession d'un privilége. Enregistrer un privilége. Produire son privilége.
  • 3Droit, avantage attaché à certaines conditions ou emplois. Il n'y a rien à perdre à être noble : franchises, immunités, exemptions, priviléges, que manque-t-il à ceux qui ont un titre ? La Bruyère, XIV. Les priviléges accordés aux maîtrises et aux communautés sont des droits iniques qui ne paraissent dans l'ordre que parce que nous les trouvons établis, Condillac, Comm. gouv. II, 7.
  • 4 Terme de jurisprudence. Droit d'un créancier, établi par la loi, de se faire payer sur certains objets préférablement à tous autres créanciers, à cause de la qualité de sa dette. L'hypothèque peut être conventionnelle et existe sur les immeubles seulement ; le privilége est purement légal et s'étend aux meubles. Être payé par privilége et préférence sur le prix d'un immeuble. Le privilége est un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d'être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires, Code Nap. art. 2095. Les priviléges sont ou généraux ou particuliers sur certains meubles, ib. art 2100.
  • 5 Fig. Droit, prérogative, distinction quelconque. Quand le crime d'État se mêle au sacrilége, Le sang ni l'amitié n'ont plus de privilége, Corneille, Poly. III, 3. Pour comble de malheur, les dieux, toutes les nuits, Vengeant de leurs autels le sanglant privilége, Me venaient reprocher ma pitié sacrilége, Racine, Iph. I, 1. Quand la vertu n'aurait encore que le privilége de diminuer nos douleurs en diminuant nos attachements…, Massillon, Carême, Dégoûts. Je sais mieux que personne quels priviléges d'attention méritent les infortunés, Rousseau, Lett. à Sauttersheim, 21 juin 1764.

    En mauvaise part. Il a le privilége de me déplaire. Le privilége que vous avez de mentir, Pascal, Prov. X. Et croit que devant Dieu ses fréquents sacriléges Sont, pour entrer au ciel, d'assurés priviléges, Boileau, Sat. x. C'est le privilége de l'erreur de donner son nom à une secte ; si Platon avait trouvé des vérités, il n'y aurait point eu de platoniciens, Voltaire, Éloge de Mme de Châtelet.

  • 6Se dit aussi des dons naturels soit du corps soit de l'esprit. La beauté est un heureux privilége.
  • 7Certaine liberté dans les relations. La vieillesse donne des priviléges.

HISTORIQUE

XIIe s. [ô roi] Tes privileges as e leis e poesté, Th. le mart. 73.

XIIIe s. Si fais cheoir dedans mes pieges Le monde par mes privileges, la Rose, 11264. Que se un seignor done à un home un fié, et li en fait un prevelige, et dit el prevelige : je tel doin à tei et à tes heirs…, Ass. de J. I, 218. Et ai renoncié en ce fet à toute ayde de droit, à toz privilieges de croiz prise ou à prendre, Beaumanoir, XXXV, 20.

XIVe s. Cellui est digne de perdre son privilege qui mesuse de la puissance qui lui a esté donnée, Ménagier, I, 9.

XVe s. On dit que ses ans il [le buveur] abbrege ; Ainçois il a grant privilege : …Il ne craint pas que la pepie… Le fasse mourir à l'instant, Basselin, XXXVIII.

ÉTYMOLOGIE

Lat. privilegium, loi exceptionnelle faite au sujet d'un particulier, et, plus tard, privilége, faveur, de privus, privé (voy. PRIVÉ 1), et lex, loi.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PRIVILÉGE. Ajoutez :
8Nom donné, dans les écoles des frères de la doctrine chrétienne, à ce qu'on appelle des exemptions dans les lycées et colléges ; ils sont de tant de points, et servent soit à racheter des punitions, soit à obtenir des faveurs.