« pauvreté », définition dans le dictionnaire Littré

pauvreté

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pauvreté

(pô-vre-té) s. f.
  • 1Manque de biens. Encore qu'ils [les riches] voient tous les jours non tant des pauvres et des misérables, que la misère elle-même et la pauvreté en personne, pleurante et gémissante à leur porte, Bossuet, Sermons, Impénit. fin. 3. La pauvreté n'était pas un mal pour eux [les Romains] ; au contraire, ils la regardaient comme un moyen de garder leur liberté plus entière, n'y ayant rien de plus libre ni de plus indépendant qu'un homme qui sait vivre de peu, Bossuet, Hist. III, 6. D'où il est arrivé qu'un homme peut être pauvre, et néanmoins ne manquer de rien de ce que la nature désire : la pauvreté n'est plus opposée à la nécessité, mais au luxe, Bossuet, Pensées chrét. 34. Que ne puis-je révéler les secrets de la charité de M. de Montausier ? vous verriez ici l'éducation d'une fille à qui la pauvreté pouvait donner de mauvais conseils…, Fléchier, Duc de Mont. Et conclus avec moi Que la pauvreté mâle, active, vigilante, Est, parmi les travaux, moins lasse et plus contente Que la richesse oisive, Boileau, Épître X. L'occasion prochaine de la pauvreté, c'est de grandes richesses, La Bruyère, VI. Si la pauvreté est la mère des crimes, le défaut d'esprit en est le père, La Bruyère, XI. La pauvreté honteuse fut-elle jamais si ingénieuse à se cacher que sa charité à la découvrir ? la pauvreté publique fut-elle jamais si empressée à se produire, qu'il le fut lui-même à la prévenir ? Massillon, Or. fun. Villeroy. Je puis bien enrichir la pauvreté d'état, mais il m'est impossible d'enrichir la pauvreté de luxe, Montesquieu, Ars. et Ismén. Et qui craint la pauvreté N'est pas digne de l'opulence, Voltaire, Lett. Déf. du Mondain. Ce n'est point la pauvreté qui est intolérable, c'est le mépris ; je sais manquer de tout, mais je veux qu'on l'ignore, Voltaire, Écoss. I, 5. La pauvreté engendre la pauvreté, ne fût-ce que par l'impossibilité où se trouve le pauvre de donner aucune sorte d'éducation ou d'industrie à ses enfants, Raynal, Hist. phil. XII, 11. J'aime la pauvreté qui n'est pas la misère, Delille, Imag. VI. Une pauvreté libre est un plaisir si doux ! Il est si doux, si beau de s'être fait soi-même…, Chénier, Élégies, XVI.

    Il s'attache à lui comme la pauvreté à un pauvre homme, il ne le quitte pas.

  • 2 Terme de dévotion. Pauvreté évangélique, la renonciation volontaire aux biens temporels. J'aime la pauvreté, parce que Jésus-Christ l'a aimée, Pascal, Pens. XXIV, 69, éd. HAVET. Enfin, de la manière dont nous avons vu commencer cette hérésie [des Vaudois], il semble que Valdo ait eu d'abord un bon dessein ; que la gloire de la pauvreté dont il se vantait ait séduit et lui et ses sectateurs, Bossuet, Variat. XI, § 9.

    Pauvreté d'esprit, le détachement entier des biens de la terre.

    Pauvreté d'esprit, se dit aussi, dans le langage général, du manque d'esprit. Cette manœuvre suppose tant de pauvreté d'esprit, une vanité si puérile…, Rousseau, 2e dialogue.

  • 3 Fig. La pauvreté de la langue, l'absence des termes et des tours nécessaires pour exprimer la pensée. L'extrême pauvreté des langues américaines annonce l'imperfection des peuples qui les parlent, Bonnet, Causes prem. VI, 17.
  • 4 Fig. État de ce qui est chétif, de peu de valeur. Tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens par l'importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure ! Beaumarchais, Mar. de Figaro, III, 5. Si Lucrèce eût exprimé ce qu'on savait alors de positif, nous aurions aujourd'hui le plaisir, en le lisant, de comparer la pauvreté des connaissances anciennes avec la richesse des connaissances modernes, Delille, Trois règnes, Préface.
  • 5 Fig. Au plur. Chose basse, sotte, ridicule, qu'on dit ou qu'on fait. Vous dites contre nous certaines pauvretés Qui me faisant rougir… Je dis des vérités, Hauteroche, Bourg. de qual. II, 6. Et les soins où je vois tant de femmes sensibles, Me paraissent aux yeux des pauvretés horribles, Molière, F. sav. I, 1. Je vous manderai toutes mes actions ; j'aime que vous aimiez ces pauvretés ; cela me rapproche de vous, Sévigné, 13 déc. 1688. Les pauvretés dont je remplis ma lettre, Sévigné, 13 oct. 1675. La nation a été souvent plus malheureuse qu'elle ne l'est, mais elle n'a jamais été si plate ; tâchez, madame, de rire comme moi de tant de pauvretés en tout genre, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 6 août 1760.

    Il se dit aussi en ce sens au singulier. Nous ne voulons point d'une amie qui veut vieillir et mourir par sa faute ; il y a de la misère et de la pauvreté à votre conduite ; il faut venir dès qu'il fera beau, La Fayette, Lettr. Œuvr. t. III, p. 224, dans POUGENS.

  • 6Il se dit de ce qui est commun, plat, mauvais dans les ouvrages littéraires. [Elle] Pèse sans passion Chapelain et Virgile, Remarque en ce dernier beaucoup de pauvretés, Boileau, Sat. x. Le public pardonne ces pauvretés aux gens à talent, parce que le public ne songe qu'à s'amuser, Voltaire, Dict. phil. Critique. Vous m'allez dire qu'il faut que j'aie une terrible santé, puisque je fais tant de pauvretés à mon âge [la tragédie de Minos], Voltaire, Lett. Richelieu, 25 mai 1772.

    Dans les beaux-arts, les formes petites, les détails minutieux, les accidents vulgaires qu'il est de l'essence de l'art d'agrandir ou de négliger.

PROVERBES

En grande pauvreté n'y a pas grande loyauté.

Pauvreté n'est pas vice, mais c'est une espèce de ladrerie, tout le monde la fuit.

Pauvreté n'est pas vice, c'est-à-dire il ne faut pas reprocher à un homme sa pauvreté.

HISTORIQUE

XIIe s. [Gens] ki un petit enfant aorent, ki despitaules [méprisable] est… par la poverteit des siens, Saint Bernard, 550.

XIIIe s. Je Engerrans… ai vendu bien et loiaument… cheste [cette] devant dite vente j'ai fait par poverté et pour le [la] soustenanche de moi, de me femme et de nos enfans ; lequele [la quelle] poverté fu souffisamment prouvée en le [la] court noble homme le conte de Pontieu, Du Cange, paupertas. Dont doi je prendre en gré se j'ai froid et pouverte, Berte, XXX. La terre meïsmes s'orgoille Por la rousée qui la moille, Et oublie la poverté, Où ele a tot l'yver esté, la Rose, 57. …Et sont autres choses que chascuns redoute, si comme est mort, dolor et poureté, Latini, Trés. p. 281.

XVe s. Se meirent aux champs et dedans un bois, pour eux detourner, tant qu'ils ne fussent ratteins ; et eurent cette nuit tant de pauvreté, que nul ne la pouroit penser ; car ils cheminerent plus de sept lieues, tout à pié, et si avoit gelé tellement qu'ils decirerent tous leurs piés, Froissart, liv. I, p. 406, dans LACURNE. Excuse moy aucunement, Et sçaches qu'en grand pauvreté (Ce mot dit on communement) Ne gist pas trop grand loyauté. Villon, Grand testam. Aucuns d'iceulx jeunes gens se vergonnoient de jouer l'esbattement, pour ce qu'il se falloit descouvrir jusques au ventre et montrer ses pauvretés, Du Cange, paupertas.

XVIe s. Honneste povreté est clair semée, Génin, Récréat. t. II, p. 240. De pauvreté, fatigue et peine, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 285. Il n'est pauvreté que d'ignorance et maladie, Leroux de Lincy, ib. p. 316. Pouvreté prend tout en gré, Leroux de Lincy, ib. p. 369. Faire la pauvreté [avoir des rapports avec une femme], Oudin, Curios. franç.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, povrité ; picard, pauverté ; Berry, paureté, pauverté, poureté ; bourguig. pôvretai ; provenç. paupretat, paubretat, pauretat ; anc. catal. pobretat ; anc. espagn. pobredad ; ital. povertà : du lat. paupertatem. L'ancien français a deux formes : povreté et poverte ; le 1er vient de paupertátem, accent sur  ; le 2e, de paupértas, accent sur pér.