« offusquer », définition dans le dictionnaire Littré
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offusquer
- 1Empêcher l'effet soit de la vue, soit de la lumière, soit de l'une ou de l'autre. Les nuées offusquent le soleil.
Ôtez-vous de devant moi, vous m'offusquez la vue
, Dict. de l'Acad.Mais d'où vient qu'un triste nuage Semble offusquer l'éclat de ses beaux yeux ?
Molière, Psyché, II, 3.Nous ne pouvons un moment arrêter les yeux sur la gloire de la princesse, sans que la mort ne s'y mêle aussitôt pour tout offusquer de son ombre
, Bossuet, Duchesse d'Orléans.Par extension, rendre peu visible.
De plus, elle [une vue] était offusquée par deux bâtiments voisins qu'on vient de construire
, Voltaire, Lettre à Mme de Saint-Julien, 29 mai 1776.Notre théâtre est vide d'action et de grands intérêts, pour l'ordinaire : ce qui fait qu'il manque d'action, c'est que le théâtre est offusqué par nos petits-maîtres ; et ce qui fait que les grands intérêts en sont bannis, c'est que notre nation ne les connaît pas
, Voltaire, Lett. Desfontaines, 14 avr. 1735.Galère trouva mauvais que les chrétiens bâtissent une église qui offusquait son palais
, Voltaire, Philos. Ex. de milord Bolingbr. 27.La jeune fille relève le front, un front pâle et pur ; puis, d'un léger mouvement, l'ayant dégagé des boucles qui l'offusquaient
, D. Stern, Dialogue sur Dante et Goethe, 2, Rev. German. t. XXXI, p. 507. - 2Empêcher de voir, en éblouissant. Le soleil m'offusque les yeux.
Toutes les espèces de hiboux et de chouettes ne sont pas également offusquées par la lumière du jour
, Buffon, Ois. t. II, p. 102.Absolument. Une trop grande clarté offusque.
- 3 Par extension, cacher, voiler, rendre terne.
L'éclat de tes vertus offusque tout savoir
, Régnier, Sat. I.Et vous, grands de la terre qui voulez accroître votre nom, l'étendre à la postérité, et faire tant de bruit dans le monde, qu'il offusque le nom des autres
, Bossuet, Élévat. sur myst. XXIV, 9.Le goût ne paraît-il pas cent fois mieux dans les choses simples que dans celles qui sont offusquées de richesses ?
Rousseau, Hél. V, 2.La philosophie, en m'attachant à l'essentiel de la religion, m'avait détaché de ce fatras de petites formules dont les hommes l'ont offusquée
, Rousseau, Confess. VIII. - 4 Fig. Empêcher, en parlant de la vue de l'esprit et du cœur.
Je me délivrais peu à peu de beaucoup d'erreurs qui peuvent offusquer notre lumière naturelle
, Descartes, Méth. I, 14.Et j'ai devant les yeux toujours quelque nuage Qui m'offusque la vue et m'y jette un ombrage
, Corneille, Nicom. III, 4.La déroute de notre pauvre d'Harouys [qui avait fait de mauvaises affaires]… passionné de faire plaisir à tout le monde, sans mesure, sans raison ; cette passion offusquant toutes les autres, et même la justice…
, Sévigné, 19 févr. 1690.Déjà venaient frapper mes oreilles timides Les affreux cris du chien de l'empire des morts ; Et les noires vapeurs, et les brûlants transports Allaient de ma raison offusquer la lumière
, Chaulieu, Sur la mort.Le régent, pendant la première heure de son lever, était encore si appesanti, si offusqué des fumées du vin, qu'on lui aurait fait signer ce qu'on aurait voulu
, Duclos, Œuvr. t. V, p. 231.La vanité offusquait ses lumières, qui, d'ailleurs peu étendues et peu actives, même pour ses propres intérêts, n'avaient jamais un pressant besoin de s'exercer
, D'Alembert, Éloges, l'abbé de Choisi. - 5 Fig. Donner de l'ombrage, de la jalousie, déplaire. N'offusquez pas sa vanité. Ce rival vous offusque. Il est jaloux, tout l'offusque.
Ce Dion était de Nicée en Bithynie, il s'occupa toute sa vie à décrier le mérite qui l'offusquait
, Diderot, Claude et Néron. I, 99. - 6S'offusquer, v. réfl. Être empêché, en parlant de la lumière de l'esprit, de la raison.
Je ne puis sur aucun [des deux prétendants] porter mon jugement ; Plus ma raison le cherche et plus elle s'offusque
, Hauteroche, l'Amant qui ne flatte point, IV, 4. - 7Être choqué. Il s'offusque de tout.
SYNONYME
OFFUSQUER, OBSCURCIR. Offusquer signifie empêcher de voir ou d'être vu, dans sa clarté naturelle, par l'interposition d'un corps, d'un obstacle. Obscurcir exprime l'action simple et vague de faire perdre à un objet sa lumière ou son éclat. La lumière s'éteint, tout devient obscur, non offusqué ; un nuage voile le soleil, tout devient offusqué, non obscur.
HISTORIQUE
XVe s. Et y avoit si grand foison de traict, que l'air ou le jour en estoit offusqué
, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1380.
XVIe s. Les vices se vont fourrer là où les vertus reluisent ou doyvent reluire, pour tascher de les offusquer
, Lanoue, 494. Cest entremeslement qu'ils font du beau avec le laid, et du bon avec le mauvais, esblouit les yeux et offusque leur jugement
, Lanoue, 503. Soit que mon haut desir trop pront et trop ardant M'offusque les esprits…
, Desportes, Cléonice, XXXIII, Stances. La lune estoit jà fort basse, et encore si peu de clarté qu'elle rendoit estoit offusquée de tant d'hommes qui alloient et venoient
, Amyot, Nicias, 39. Que notre prudence soit offusquée ou par le sommeil ou par quelque maladie…
, Montaigne, II, 23. Aiant accoustumé les gardes à le voir passer le visage tout offusqué de cheveux quand il emportoit le bassin dehors…
, D'Aubigné, Hist. III, 348.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. offuscar ; esp. ofuscar ; ital. offuscare ; du lat. offuscare, de ob, et fuscus, sombre.