« mater », définition dans le dictionnaire Littré

mater

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mater [1]

(ma-té) v. n.
  • 1Terme du jeu des échecs. Faire mat. Il le mata avec une tour.
  • 2 Fig. Ôter force et ressort. Le sort se plaît à dispenser les choses De la façon ; c'est tout mal ou tout bien ; Dans ses faveurs il n'a point de mesures ; Dans son courroux de même il n'omet rien Pour nous mater…, La Fontaine, Orais. Quoique la mauvaise fortune vous ait tellement maté toute votre vie, que votre bon naturel n'a pas eu toute son étendue ; je crois que vous entendez le mot de mater, Sévigné, à Bussy, 31 mai 1687.

    Par extension. Mater son corps, le dompter. Une partie essentielle de la pénitence est de mater sa chair et de la crucifier avec ses vices, Bourdaloue, Myst. Nativité de J. C. t. I, p. 22.

    Terme de fauconnerie. Dresser un oiseau de proie, ainsi dit parce qu'on le dompte.

  • 3 Fig. Humilier, abattre. Il faut mater ce caractère opiniâtre. Je suis bien aise après tout de faire mourir un philosophe ; ces gens-là ont une certaine fierté dans l'esprit qu'il est bon de mater un peu, Voltaire, Socrate, III, 1.

HISTORIQUE

XIe s. Le grant orguil se jà povez matir, Ch. de Rol. CCXXXI.

XIIe s. Et s'il vous fait requerre chevage ne treü, Ne soiomes pour ce maté ne recreü, Sax. XXVIII. Tis orgueilz [ton orgueil] est venus devant moi ; pour ce te vueil des or mater, Rois, p. 414. Kar li reis nel fait pas pur nului deposer, Mais pur ce qu'il voldroit l'arcevesque mater, Th. le mart. 25.

XIIIe s. Ainsinc cum il va du mater, Puisque des eschiés me sovient, la Rose, 6702.

XIVe s. À Gloriant son frere isnelement joua ; Par force de science quatre fois le mata, Baud. de Seb. IX, 724.

XVe s. Il [Demosthène] tant mit peine à matter le vice de sa langue, que il prononça souverainement ses mots, Bouciq. IV, 10.

XVIe s. Les herbes trop humides ont besoin, avant que les distiller, d'estre un peu mattées au soleil, De Serres, 890. Toutes ces rencontres là ne matterent pas entierement les vaincus, Amyot, Pélop. 29. Usant de remedes à mater, affoiblir et refroidir le corps, Montaigne, III, 37. Le temps matte toutes choses, Rabelais, Pant. III, 28.

ÉTYMOLOGIE

Mat 1 ; provenç. matar ; ital. mattare. Ce verbe vient de mat des échecs, comme l'emploi le prouve dans l'historique ; mais à côté de ce mater et se confondant avec lui, il y avait un autre mater, signifiant tuer, parallèle à l'espagnol matar, et venant du latin mactare : XIe s. Se truis [si je trouve] Rolant, ne lerrai que [je] nel mat, Ch. de Rol. LXIX. XIIe s. Jo ki sui tis serfs, m'i cumbaterai, e od l'aïe Deu [l'aide de Dieu] le materai, Rois, p. 65.