« mâcher », définition dans le dictionnaire Littré

mâcher

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mâcher

(mâ-ché) v. a.
  • 1Broyer avec les dents. Mâcher du pain, de la viande. La pythie mâchait du laurier ; elle en jeta en passant sur le feu sacré quelques feuilles mêlées avec de la farine d'orge, Barthélemy, Anach. ch. 22.

    Absolument. S'il avait peine à bien mâcher Faute de dents en la gencive ! Scarron, Poés. div. Œuv. t. VII, p. 193. Les chats ne peuvent mâcher que lentement et difficilement : leurs dents sont si courtes et si mal posées qu'elles ne leur servent qu'à déchirer et non pas à broyer les aliments, Bossuet, Quadrup. t. I, p. 381.

    Familièrement. Mâcher de haut, manger sans appétit.

    Mâcher à vide, mâcher sans avoir rien sous la dent. …Simonide, Qui dit, pour être sain, qu'il faut mâcher à vide, Régnier, Sat. X. Les gens qui sont priés pourront mâcher à vide, Hauteroche, Souper mal apprêté, sc. 1. Nous les attachions au râtelier [les chevaux], où nous les laissions fort bien mâcher à vide, Lesage, Guzm. d'Alf. II, 1. Ne pouvant trouver des pensées nouvelles, ils [les académiciens dans leurs discours de réception] ont cherché des tours nouveaux, et ont parlé sans penser, comme des gens qui mâcheraient à vide, Voltaire, Dict. phil. Société royale.

    Fig. Se repaître de fausses espérances. Cette légère amorce, irritant tes désirs, Fait que l'illusion d'autres meilleurs plaisirs Vient la nuit chatouiller ton espérance avide, Mal satisfaite après de tant mâcher à vide, Corneille, Mél. I, sc. dern. 1re édit.

    Fig. et familièrement. Mâcher à quelqu'un sa besogne, la lui préparer, en faire ce qu'il y a de plus difficile.

    Il faut lui mâcher tous ses morceaux, il faut tout lui mâcher, il a besoin qu'on lui explique les choses les plus simples.

    Mâchez-lui les morceaux, et il les avalera, c'est-à-dire faites-lui le plus difficile de la besogne, et il achèvera le reste.

    Fig. Ne point mâcher une chose à quelqu'un, dire durement, sans adoucissement, une chose désagréable ou fâcheuse. Je vous parle un peu franc, mais c'est là mon humeur ; Et je ne mâche point ce que j'ai sur le cœur, Molière, Tart. I, 1.

    On dit dans le même sens : ne pas mâcher le mot. Là je verrai de quoi il tourne ; je ne leur mâcherai pas le mot, Corresp. de Klinglin, t. I, p. 292.

  • 2Serrer entre les dents sans broyer. Les enfants mâchent les hochets, quand ils sont près de faire des dents. C'était [dans les journées de Juillet 1830] la bouche aux vils jurons Qui mâchait la cartouche, et qui, noire de poudre, Criait aux citoyens : mourons ! Barbier, la Curée.

    Ce cheval mâche son frein, se dit d'un cheval qui joue avec son mors et qui le ronge. Son cheval [du soldat] mâche un frein blanc d'écume, Hugo, Orient. 15.

    Fig. Se mâcher le cœur, se tourmenter, se ronger d'impatience. Qui ronge ses poumons et se mâche le cœur, Régnier, Épît. I.

  • 3 Familièrement. Manger avec sensualité, avec gourmandise. Il aime à mâcher.

    Vieilli en ce sens.

  • 4Se mâcher, V. réfl. Être mâché. Une viande tendre qui se mâche facilement.

    Fig. Avec ellipse de se, laisser mâcher, donner à une chose le temps d'être préparée, acceptée. Les choses en cet état, j'estimai qu'il les fallait laisser reposer et mâcher, ne les point gâter par un empressement à contre-temps, Saint-Simon, t. VIII, p. 233, éd. CHÉRUEL.

    PROVERBE

    Quand on est vieux, il faut mâcher et marcher.

HISTORIQUE

XIIIe s. Bien soit la honte seue [sienne], je nel vous quier [veux] maschier, la Fole et la Sage. Se tu demandes quel la viande [mangée par les anges] devenoit, on puet dire que elle devenoit niens en maskant, Comput, f° 13. Que vaut morsiaus que bien ne mache ? G. de Coincy, p. 485.

XIVe s. La langue tourne la viande par la bouche, à ce qu'elle soit miex maschie, H. de Mondeville, f° 19. La quarte branche de gloutonnie si est quant une personne mengue si gloutement d'une viande qu'elle ne la mache pas, ains l'engloutit, Ménagier, I, 3.

XVe s. Moult rejoui de ce que messire Pierre avoit si franchement parlé et relevé la parole de messire Jean… et dit ainsi [le roi] en riant : Leur a-t-il bien masché ! je n'en voudrois pas tenir vingt mille francs, Froissart, II, II, 46. Ce ne m'est que chose commune ; Obeir fault à ma maistresse Sans machier, soit joye ou tristesse, Orléans, Rondeau. Il le me convient avaller Sans mascher, Patelin.

XVIe s. Ressemblans aux petits oysellets qui baillent tousjours attendans la becquée d'autruy, et voulans que l'on leur baille ja tout masché et tout prest, Amyot, Com. il faut ouïr, 28. Le duc de Maienne s'encourt à la maison de ville, et, maschant les menaces avec les raisons, estonna au commencement ceux qui avoient ainsi parlé, D'Aubigné, Hist. III, 274. … Qui fait le brave, et de sa bouche humide Maschele frein de l'escumeuse bride, Du Bellay, J. IV, 10, recto. Tantost il luy en donnera la moelle et la substance toute maschée, Montaigne, I, 174. Celui qui n'aime que pour mascher [manger], n'estime pour ton ami cher, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 257.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, mausî ; picard, maker ; provenç. mastegar, maschar, machar ; espagn. mascar ; portug. mastigar ; ital. masticare ; du lat. masticare.