« lire », définition dans le dictionnaire Littré

lire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

lire

(li-r'), je lis, tu lis, il lit, nous lisons, vous lisez, ils lisent ; je lisais ; je lus ; je lirai ; je lirais, lis, lisons ; que je lise, que nous lisions ; que je lusse ; lisant ; lu, lue v. a.
  • 1Connaître les lettres et savoir les assembler en mots. Cet enfant commence à lire des phrases. Une écriture malaisée à lire. Suivant l'opinion commune, moins les yeux ont de la peine à lire un ouvrage, plus l'esprit a de liberté à en juger, Pellisson, Hist. Acad. t. I, p. 26.

    Absolument. Cet enfant apprend à lire. Il ne sait ni lire ni écrire. Cet enfant lisait à quatre ans. On donnera le livre à un homme qui ne sait pas lire, et on lui dira : lisez, et il répondra : je ne sais pas lire, Sacy, Bible, Isaïe, XIX, 12. Son visage était triste et beau ; à la lueur de mon flambeau, Dans mon livre ouvert il vint lire, Musset, Poés. nouv. Nuit de décembre.

    Par exagération. Ne pas savoir lire, être fort ignorant. Nous recevons aujourd'hui [à l'Académie française] l'évêque de Limoges qui ne sait pas lire, et Batteux qui ne sait pas écrire, mais en revanche nous avons un directeur qui sait lire et écrire, qui s'en pique du moins, D'Alembert, Lett. à Volt. 9 avr. 1761.

    Lisez, se met dans les errata pour indiquer ce qu'il faut lire en place de ce qui est fautif. Cet homme faisait imprimer un petit code de persécution, intitulé : l'Accord de la religion et de l'humanité ; c'est une faute de l'imprimeur ; lisez de l'inhumanité, Voltaire, Polit. et législ. De la tolérance, Post-scriptum.

    Terme de typographie. Lire sur le plomb, lire, sur l'œil d'un caractère, le contenu d'une page, ou seulement d'une ligne.

  • 2Prononcer à haute voix ce qui est écrit ou imprimé. Lire haut, tout haut. Il m'a fallu lire ma pièce chez madame la marquise, Molière, Critique, 7. Asseyez-vous donc, monsieur Lysidas ; nous lirons votre pièce après souper, Molière, ib. 7.

    Absolument. Il lit bien. Il lit mal. Il ne lit pas distinctement.

  • 3Prendre connaissance du contenu d'un écrit, d'un livre. Elle [l'Église] voyait tout l'empire conjuré contre elle ; elle lisait à tous les poteaux et à toutes les places publiques les sentences épouvantables que l'on prononçait contre ses enfants, Bossuet, 2e serm. Pentec. 1. Il avait lu cent treize fois le Nouveau Testament de Jésus-Christ avec application et avec respect, Fléchier, Duc de Mont. Lisez, lisez l'arrêt détestable, cruel…, Racine, Esth. I, 3. Sans cesse il faut armer contre leur souvenir Un inflexible vers que lira l'avenir, Chénier M. J. Ép. à Volt.

    Absolument. Lire avec application. Dedans l'oisiveté jamais enseveli, Toujours confère, prie, écris, médite, li, Corneille, Imit. I, 19. Qu'on est heureux d'aimer à lire ! Sévigné, 15 juin 1689. On songe plus à lire beaucoup qu'à lire utilement, Rollin, Traité des Ét. liv. I, ch. 3. On lit très peu ; et, parmi ceux qui veulent quelquefois s'instruire, la plupart lisent très mal, Voltaire, l'Homme aux 40 écus, Des proportions.

    Lire que, trouver dans un écrit, dans un livre que… Nous ne lisons point que ses parents [de Jésus] aient jamais eu de domestiques, semblables aux pauvres gens dont les enfants sont les serviteurs, Bossuet, Élévat. sur myst. XX, 8.

    Lire des doigts, parcourir rapidement un livre en le feuilletant. Voici ce que M. Basnage le ministre m'a dit à Rotterdam en 1707, que M. Bayle lisait beaucoup des doigts, c'est-à-dire qu'il parcourait beaucoup plus qu'il ne lisait, et qu'il tombait toujours sur l'endroit essentiel et curieux du livre, D'Artigny, Nouv. mém. t. I, p. 319.

    On dit dans le même sens : lire des yeux.

    Fig. C'est un ouvrage qu'on ne peut lire, se dit d'un ouvrage ennuyeux, ou mal écrit, ou licencieux.

    Familièrement. Ce livre, cet ouvrage se laisse lire, on le lit sans fatigue, sans ennui. Elle [une histoire] se laisse lire en perfection, Sévigné, 17 mai 1680.

  • 4Lire la musique, connaître, en parcourant des yeux une musique notée, les sons que les notes figurent, et les modifications que ces sons doivent recevoir. Il lit facilement la musique. Il lit à livre ouvert.

    Lire la musique, signifie aussi l'exécuter à livre ouvert. Lire beaucoup de musique, l'exécuter sans étude.

  • 5Expliquer. Un régent qui lit Virgile à ses écoliers. Depuis qu'Albert le Grand et saint Thomas principalement se furent donné la peine d'expliquer autant qu'il leur fut possible tous les mystères de notre religion avec les termes de la philosophie péripatétique, nous voyons qu'elle s'est tellement établie partout, qu'on n'en lit plus d'autres par toutes les universités chrétiennes, La Mothe le Vayer, Vertu des païens, II, Aristote.

    On dit dans ce sens à un écolier : Quel auteur vous lit-on dans votre classe ?

  • 6Comprendre ce qui est écrit ou imprimé dans une langue étrangère. Il ne parle pas l'allemand, mais il le lit couramment.
  • 7Lire se dit quelquefois pour suivre une certaine leçon dans un texte qui en a plusieurs. Philoponus, là où il déclare qu'il rapporte les propres termes de Phlégon, lit d'une seconde façon, Maxime d'une troisième, et Madela d'une quatrième, en sorte qu'il s'en faut de beaucoup qu'ils rapportent le passage de la même manière, Voltaire, Dict. phil. Éclipse.
  • 8 Fig. Reconnaître, discerner quelque chose par une espèce de travail que l'on compare à la lecture. Ces tristes vêtements où je lis mon malheur, Corneille, Cid, IV, 1. Il lit au front de ceux qu'un vain luxe environne, Que la fortune vend ce qu'on croit qu'elle donne, La Fontaine, Phil. et Baucis. Le pécheur s'éloigne de Dieu, et il n'y a page dans son Écriture en laquelle il ne lui reproche son éloignement ; mais, sans le lire dans l'Écriture, nous pouvons le lire dans nos consciences, Bossuet, 2e sermon, Jeudi de la sem. de la Pass. I. Soit que je n'ose encor démentir le pouvoir De ces yeux où j'ai lu si longtemps mon devoir, Racine, Brit. II, 2. Dans le secret des cœurs, Osmin, n'as tu rien lu ? Racine, Bajaz. I, 1. Je lis dans vos regards la douleur qui vous presse, Racine, Iphig. III, 5. Lire en un songe obscur les volontés des cieux, Racine, Esth. II, 1. On lit dans ses regards sa fureur et sa rage, Racine, ib. III, 3. Ah ! dans ses yeux confus je lis ses perfidies, Racine, ib. 6. Il n'appartient qu'à elles [aux femmes] de faire lire dans un mot tout un sentiment, La Bruyère, I. Je lis dans l'avenir un sort épouvantable, Voltaire, Œdipe, IV, 1.

    Lire sur. On lit dessus leur front l'allégresse de l'âme, Corneille, Rodog. V, 2. D'où vient ce noir chagrin qu'on lit sur son visage ? Boileau, Épigr. XXXIV. Il se déguise en vain, je lis sur son visage Des fiers Domitius l'humeur triste et sauvage, Racine, Brit. I, 1. Sur ce visage austère, où régnait la tristesse, Henri lut aisément sa honte et sa faiblesse, Voltaire, Henr. IX.

    Absolument. Pensez-vous avoir lu jusqu'au fond de son âme ? Corneille, Cinna, III, 1. Elle a lu dans mon cœur, vous savez le surplus, Corneille, ib. v, 3. Ne devais-tu pas lire au fond de ma pensée ? Racine, Andr. v, 3. Vous lisez de trop loin dans les secrets des cieux, Racine, Iphig. I, 2. …Vous m'avez vue attachée à vous nuire ; Dans le fond de mon cœur vous ne pouviez pas lire, Racine, Phèdre, II, 5. Il a lu dans le cœur de tous les hommes, Massillon, Carême, Évid. Berger, sur cet azur tranquille De lire on te croit le secret, Béranger, Étoiles qui filent.

  • 9Expliquer les motifs des dessins aux ouvriers qui doivent les exécuter dans une fabrique de tissus ouvrés ou imprimés.
  • 10Se lire, v. réfl. Être lu. Il est certain que plusieurs des vers attribués à la sibylle dans l'exhortation qui se trouve parmi les œuvres de saint Justin ne se lisent point dans notre recueil, Voltaire, Dict. phil. Sibylle. Je n'entretiendrai pas Votre Majesté de toutes les sottises qui se font, et qui se disent, et qui se lisent ou ne se lisent pas, dans le séjour que j'habite, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 9 oct. 1778.

    Impersonnellement. Il se lit que…, on lit que… Il ne se lit point que jamais un tableau tout entier ait été produit de cette sorte, Corneille, Mélite, Préface.

    Fig. Sur mes yeux égarés ma tristesse se lit, Régnier, Élég. I. Pour moi, j'aime les gens dont l'âme se peut lire, Gresset, Méchant, I, 5.

REMARQUE

1. Il faut dire : lis-je ? et non lisé-je, qui est un grossier barbarisme.

2. À l'impératif Corneille a dit li, par un archaïsme reçu en poésie.

HISTORIQUE

XIIe s. Veez en ci la chartre, comandez qu'on la lise, Sax. XXIII. Il prist un livre, si i lit sans faillance, Ronsciv. p. 165. Jamais par moi n'ert leüs vers ne lais, Couci, XXII.

XIIIe s. Bele Doette, as fenestres seant, Lit en un livre, mais au cuer [cœur] ne l'entent, Romanc. p. 46. Quant l'evangile fu liz, Blanchandin, ms. de St-Germain, f° 192, dans LACURNE. Cil sains preudom la lettre lut ; Li lires mult li abelut [plut], Rutebeuf, II, 155. La lettre fu liute, Chr. de Rains, 133.

XIVe s. Le sauf conduit a pris, si le fait recorder ; Car lire ne savoit, n'escripre, ne compter, Guesclin. 1610. Plus avoir ne pouvons de leur fait [des anciens] que le lire ; En lisant les veons ; nuls homs n'en puet [peut] plus dire ; Lires est noble chouse…, Girard de Ross. Prologue.

XVe s. Depuis on legy tous ses forfaits pour lesquels il recevoit mort, Froissart, III, IV, 14. Jean Fernando… apporta lettres au chanoine de Robertsart ; le chanoine les lisit, Froissart, II, II, 139.

XVIe s. Arreste-toi, lisant, Ci-dessous est gisant… Ce renommé Langeay, Marot, III, 263. Si bien qu'il lisoit aux quatre langues [français, latin, grec, hébreu] à six ans, D'Aubigné, Mémoires, éd. LALANNE, p. 4. Lisant dans les yeux, Montaigne, I, 4. Pour luy lire sa grace, Montaigne, I, 91. Autant vaut celui qui chasse et rien ne prend, comme celuy qui lit et rien n'entend, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Wallon, lére, choisir ; provenç. legir, ligir ; catal. llegir ; espagn. leer ; portug. ler ; ital. leggere ; du lat. legere, proprement recueillir, puis lire ; grec λέγειν, recueillir et dire. Le participe liz vient de lectus ; le participe leüs ou lu suppose un verbe leir, irrégulièrement formé.