« froisser », définition dans le dictionnaire Littré

froisser

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

froisser

(froi-sé) v. a.
  • 1Frotter fortement, de manière à produire un commencement d'écrasement. Froisser des cailloux les uns contre les autres.

    Froisser des épis, en faire sortir le grain par la pression. Si vous entrez dans les blés de votre ami, vous en pourrez cueillir des épis et les froisser avec la main ; mais vous n'en pourrez couper avec la faucille, Sacy, Bible, Deutéron. XXIII, 25.

  • 2Chiffonner, faire prendre des plis irréguliers. Froisser du drap, du papier.
  • 3Meurtrir par une pression violente, par un choc. À grands coups de gaule Le pèlerin vous lui froisse une épaule, La Fontaine, Coc. Pour donner la perfection au sacrifice que devait le divin Jésus à la justice divine, il fallait qu'il fût encore froissé de ce dernier coup ; et c'est ce que le prophète a voulu dire dans ce passage qui s'entend de lui à la lettre : Dominus voluit conterere eum in infirmitate, Bossuet, 1er sermon, Passion de J. C. 3. L'un me heurte d'un ais dont je suis tout froissé, Boileau, Sat. VI.

    Se froisser un membre, avoir un membre froissé par. Ragotin, suivant la pente naturelle des corps pesants, se trouva sur le cou du cheval et s'y froissa le nez, Scarron, Rom. com. I, 19.

  • 4 Fig. Offenser, choquer. Ces mesures froissent beaucoup d'intérêts. Pour froisser mon attente, en ce bord étranger, Régnier, Sat. III.
  • 5Se froisser, v. réfl. Être froissé, être presque écrasé, meurtri. Et que tout se froissât d'une étrange tempête, Régnier, Sat. XVI.

    Fig. Se piquer, prendre de l'humeur. Il s'est froissé pour peu de chose.

HISTORIQUE

XIe s. E qui fruisse la pais le roi, Lois de Guill. 3. Od [avec] vos caables [machines de guerre] avez fruisset ses murs, Ch. de Rol. XVI. [Ils] Fruissent images et toutes les idoles, ib. CCLXVIII.

XIIe s. D'une oevre en autre [il] lui a fraite et froissie [sa targe], Ronc. p. 136. Là veïssiés fier estor et pesant ; Tant escu fendre, tante lance froissant, Et desrompu tant hauberc jazerant, Raoul de C. 158.

XIIIe s. Qui me tient que je ne vous froisse Les os cum à poucin en paste, à ce pestel [pilon] ou à cest haste [broche] ? la Rose, 9398.

XIVe s. Et firent lever leurs engins, Et froesser grant part des chemins, Le liv. du bon duc Jehan, 1005.

XVe s. Et vous dis que du jet d'amont le chanoine de Robersart reçut maint dur horion, dont il fut durement blessé et froissé, Froissart, II, II, 131. Firent tant les Sarrazins que ils froisserent une des echelles des grands fais des pierres qu'ils lançoient, Bouciq. I, 23. Ce bahut me semble bien petit pour y mettre vos robes bien à l'aise sans les froisser, Louis XI, Nouv. XXVII.

XVIe s. Il alla donner de la teste tant qu'il peust contre un des degrez où l'on se seit au theatre, cuidant se froisser toute la teste pour mourir promptement, Amyot, Timol. 45. Les autres [navires] venoient à se froisser et briser contre les rochers, Amyot, Marcell. 24. …Le son diabolique des canons et harquebuses, qui font trembler la terre, froisser l'air d'alentour, Ronsard, 587. …Maniant doucement les abricots sans les froixer, De Serres, 861.

ÉTYMOLOGIE

Berry, freusser, faire du bruit à travers les branches (le gibier est là, l'entendez-vous freusser dans le bois ?) ; wall. frohî ; namur. frochì ; Hainaut, frossier. On le tire ordinairement du latin fressus, brisé, concassé, de frendere, ou de frictiare, forme fictive dérivée de fricare, frotter ; mais cela ne rend pas compte de ui ou oi qui appartiennent à ce verbe. Les deux ss paraissent indiquer st, comme dans brosse ; or on trouve dans le bas-latin frussura domus, bris de maison, frussura, terre mise en culture, frustrare, racler, mettre en pièces, frustura terræ, morceau de terre, dit aussi fraustrum et frostrum. Tout cela indique, ce semble, que fruisser ou froisser provient du latin frustum, morceau, d'où barbarement, frustrare, mettre en morceaux.