« figue », définition dans le dictionnaire Littré

figue

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

figue

(fi-gh') s. f.
  • 1Le fruit du figuier. La figue est un fruit à pulpe molle, délicate et sucrée. Figues blanches. Figues violettes. Figues grasses, grosses figues, brunes et visqueuses. On dit qu'après avoir tenu ce discours, il [Caton l'ancien] jeta au milieu du sénat des figues d'Afrique qu'il avait dans le pan de sa robe ; et que, comme les sénateurs en admiraient la beauté et la grosseur, il leur dit : Sachez qu'il n'y a que trois jours que ces fruits ont été cueillis, telle est la distance qui nous sépare de l'ennemi, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 524, dans POUGENS. Les figues sont l'aliment le plus commun en Grèce, en Morée et dans les îles de l'Archipel, comme les châtaignes dans quelques provinces de France et d'Italie, Buffon, Suppl. à l'Hist. nat. Œuv. t. XI, p. 129, dans POUGENS.

    Fig. et familièrement. Moitié figue et moitié raisin, moitié de gré, moitié de force ; bien et mal ; partie sérieusement, partie en plaisantant Il entra dans mes raisons, il courut chez Ninon, et, moitié figue et moitié raisin, moitié par adresse, moitié par force, il retira les lettres de cette pauvre diablesse ; je les ai fait brûler, Sévigné, à Mme de Grignan, 22 avi. 1671. Moitié figue, moitié raisin, avec la fraude en croupe, elle [Mme de Chevreuse] arracha le tabouret pour la princesse de Guémenée, Saint-Simon, 58, 217. Je l'embrassai avec un transport mêlé de tendresse et d'intérêt, moitié figue, moitié raisin, Lesage, Estev. Gonz. 29. Les Vénitiens faisaient autrefois le commerce de raisin de Corinthe qui était rare et cher ; ceux du pays où ils le prenaient, voulant gagner davantage, s'avisèrent de mêler des figues parmi le raisin de Corinthe ; cette fraude donna lieu au proverbe qui veut dire moitié bon, moitié mauvais, Gaignières, dans LEROUX DE LINCY, Prov. t. I, p. 73.

    Faire la figue, mépriser, braver, se moquer. Faisaient par leur savoir… La figue sur le nez au pédant d'Alexandre [Aristote], Régnier, Sat. x. La fraude fit alors la figue au premier âge, Régnier, Sat. VI. Plusieurs se sont trouvés qui, d'écharpe changeant, Aux dangers, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue, La Fontaine, Fabl. II, 5.

    Cette locution vient de la vengeance prise par Frédéric Barberousse des Milanais, qui avaient promené ignominieusement sa femme sur une mule ; une figue fut mise dans les parties de la mule, et chaque captif fut obligé d'en retirer la figue avec les dents, ceux qui refusaient étaient mis à mort ; rappeler par moquerie cette aventure aux Milanais fut dit leur faire la figue, dont le geste était et est encore de montrer le bout du pouce entre l'index et le médius.

  • 2 Terme de botanique. Fruit agrégé, composé d'un grand nombre de caryopses réunis dans un involucre charnu et succulent.
  • 3Figue de Barbarie, le fruit du cactier, ou figuier d'Inde, ou raquette, opuntia vulgaris, L.

    Figue-caque, un des noms vulgaires du diospyre kaki (ébénacées).

HISTORIQUE

XIIe s. Or poez, fait il, esculter Del cher seignor, cum s'humilie ; Or nus cuide peler la fie, Ed ot beau parler endormir, Benoit de Sainte-Maure, II, 9069. Isaias le fist tut issi, puis cumandad que l'um figes li portast, si en fist un emplastre, Rois, p. 417.

XIIIe s. Cil prince nous ont fet la figue, Fables et contes anciens, t. II, p. 314.

XVIe s. Elle nous donne de quoy faire la figue à la force et à l'injustice, Montaigne, I, 83. Faire la figue à un aveugle et dire des pouilles à un sourd, Montaigne, III, 111. Les aubicons sont les plus avancées figues, venans vers le mois de juin et juillet, prisées tant pour leur hastiveté, que pour leur grosseur et passable bonté, De Serres, 700.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. figa, figua, fia ; catal. figa ; espagn. higa ; portug. figa ; du latin ficus, le même que le grec σῦϰον, figue. Peler la figue se disait proverbialement, dans le moyen âge, pour amadouer, tromper en amadouant.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

FIGUE. Ajoutez :
4 Dans les marais salants, fragment de feutre souillant le sel, Enquête sur les sels, t. II, p. 509.

REMARQUE

1. Douce, Illustrations of Shakspeare and of ancient manners, Londres, 1839, p. 302307, pense que l'origine de la locution faire la figue, n'est pas dans la vengeance prise par Frédéric Barberousse du Milanais, et qu'il faut y voir non figue, mais fic, sorte d'ulcère. La forme du mot s'oppose à cette dérivation : c'est en français figue et non pas fi, fica en italien et non pas fico, higa en espagnol et non pas higo. Mais une autre difficulté s'élève : est-ce bien la figue qui est dans la locution. J'ignore si le récit relatif à la figue, à Frédéric Barberousse et aux Milanais est authentique ; en tout cas, dès le XIIIe siècle, les figues et les Milanais étaient réunis dans l'opinion commune, témoin ces vers d'un troubadour, Raimond de Miraval, cité par Raynouard : Preno'l sordeis c'avian soanat, Aissi com fes lo Lombart de la figuas (Prennent la souillure qu'ils avaient méprisée, ainsi comme le Lombard fit des figues). Le français aussi, dans le XIIIe siècle, voit une figue dans la locution : " Cil prince nous ont fet la figue. " De ce côté-ci des Alpes, la figue est en jeu. Mais la chose devient douteuse en Italie, en Espagne et en Portugal. L'italien dit fica : far le fiche, le castagne, faire la figue, la nique ; et le sens propre de fica est la nature de la femme ; le plus ancien exemple italien de la locution est du maître de Dante, Brunetto Latini, qui, dans son Tesoretto, p. 84, dit : Credes i far la croce, Ma el ti fa la fica. Dans un texte de pays italien, Du Cange a ficham facere ; on remarquera que le mot est écrit par une h, ficha. L'espagnol dit : hacer la higa ; higa, en cette langue, signifie amulette. Le portugais a dar figas, faire la figue ; figa, ici aussi, signifie amulette. En regard de ces formes, il devient douteux que fica, higa, figa soient le même mot que l'ital. fico, s. m. figue, l'espagn. higo, s. m. et le portug. figo, masculin aussi. Il semble donc que fica, higa, figa sont les mêmes que le franç. fiche, et le prov. fica, piqûre, appui, se rattachant au lat. figere ; de là on déduit sans peine le sens d'amulette, chose fichée, appendue ; avec plus de difficulté le sens italien de nature de la femme. De la sorte, far la fica, ficham facere serait un geste de maléfice. Mais alors que reste-t-il de la figue et de l'histoire de Frédéric Barberousse et des Milanais ?

2. Le fruit du cactier, que nous appelons figue de Barbarie, est appelé par les Arabes figue du chrétien. C'est qu'en effet ce cactier a été apporté d'Andalousie (il venait primitivement d'Amérique) en la province d'Oran par les Espagnols, L. Chauveau, Monit. universel, 10 déc. 1868, p. 1557, 1re col.