« doucement », définition dans le dictionnaire Littré

doucement

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

doucement

(dou-se-man) adv.
  • 1D'une manière douce, délicate, légère. Frotter doucement. Frapper, toucher doucement. Marcher doucement. La fortune passa, l'éveilla doucement, Et lui dit : mon mignon, je vous sauve la vie, La Fontaine, Fabl. V, 11. Elle voyait facilement sa sœur qu'un rayon de lumière éclairait doucement, Staël, Corinne, XVII, 9.
  • 2Lentement. Pour délasser le soldat que cette expédition avait fatigué, il revint doucement à Babylone, Vaugelas, Q. C. 594. Mon avis c'est d'y aller tout doucement à pied, Sévigné, 193. Si l'on travaille tous les jours aussi doucement qu'aujourd'hui, le procès durera encore un temps infini, Sévigné, Lett. 24 nov. 1664.
  • 3À voix basse, sans bruit. Parler doucement. Je me suis doucement esquivé sans rien dire, Molière, Fâch. I, 1.
  • 4Doucement, tout doucement, c'est-à-dire peu à peu, graduellement. Allez doucement pour les austérités, Bossuet, Lett. Corn. 124. Si elles [vos opinions] paraissaient tout à coup dans leur dernier excès, elles causeraient de l'horreur ; mais le progrès lent et insensible y accoutume doucement les hommes et en ôte le scandale, Pascal, Prov. 13. J'approche tout doucement du moment où les philosophes et les imbéciles ont la même destinée, Voltaire, Lett. d'Argence, 3 sept. 1770.
  • 5D'une manière calme, modérée, sans éclat. Je reçois doucement toutes les réprimandes que vous me faites sur ce sujet, Voiture, Lett. 25. Il l'a, grâces aux dieux, doucement amené [le prince], Corneille, Nicom. I, 5. Et la haine à mon gré les fait plus doucement [les divorces] Que quand…, Corneille, Héracl. III, 1. Mais proposer de front ou vouloir doucement Contre ce qu'il résout tourner son sentiment, C'est ce que nous n'osons ni moi ni pas un autre, Corneille, Attila, IV, 1. L'amour de Perpenna le fera révolter ; Souffrez qu'un peu de temps doucement le ménage, Corneille, Sertor. IV, 2. Je veux… Le chasser avec gloire, et mêler doucement Le prix de son mérite à mon ressentiment, Corneille, Nicom. II, 1. Je prends tout doucement les hommes comme ils sont, Molière, Mis. I, 1. On ne peut pas mieux dire ; en effet il est bon D'aller tout doucement…, Molière, Sganar. 13. Vous voulez doucement m'annoncer mon arrêt, Collin D'Harleville, Optimiste, III, 11.

    Aller doucement en besogne a aussi le sens d'agir mollement.

  • 6Avec bonté, sans sévérité. Reprendre quelqu'un doucement. Aussi furent-ils [les Juifs] toujours doucement traités, Bossuet, Hist. IIe, 5.
  • 7Commodément, agréablement, avec douceur. Passer le temps doucement avec ses amis. C'est mourir doucement, mais enfin c'est mourir, Corneille, Théod. V, 6. On se perd doucement quand on perd ce qu'on hait ; Et qui tue en mourant doit mourir satisfait, Rotrou, Hercule mour. II, 2.

    Dans une certaine aisance. On peut vivre doucement à la campagne sans grande dépense.

  • 8Médiocrement bien. Comment va le malade ? - Tout doucement, bien doucement.
  • 9Doucement s'emploie elliptiquement pour avertir quelqu'un de trop prompt, de trop vif. Doucement, monsieur, vous ne songez pas que vous êtes malade, Molière, Mal. imag. I, 5. Doucement ! diras-tu, que sert de s'emporter ? Boileau, Sat. VIII.

HISTORIQUE

XIe s. Et vers Franceis humbles est dulcement, Ch. de Rol. LXXXIX.

XIIe s. Si doucement ne fu trahis nus [nul] hom, Couci, VI. Là couronna sa fame Guiteclins li poissanz ; Doucement la baisa et estraint par les flans, Sax. v.

XIIIe s. Si vos pri [je vous prie] mout doucement que vos m'i laissiés aler, Villehardouin, CXVI. Au palefroy la montent sa gent mout doucement, Berte, IX. Quant li rois Pepins l'ot [ouït] si doucement parler, ib. CXII.

XVe s. Ce ban fait, on en fit un autre de par la ville de Bruges, que chacun et chacune reçut bellement et doucement en ses hostels les bonnes gens de Gand, Froissart, II, II, 56. Et lors le roy benignement et doulcement luy pardonna et faisoit ce qu'on vouloit, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1407.

XVIe s. Ce lion s'approcha tout doulcement de moy, Montaigne, II, 193. À celle fin que, s'il advient qu'on les perde, qu'on en supporte la peine plus doulcement, Amyot, De la tranquillité, 16.

ÉTYMOLOGIE

Douce, et le suffixe ment ; provenç. dolzament, doussament ; espagn. dulcement ; portug. docemente ; ital. dolcemente.