« brûler », définition dans le dictionnaire Littré
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brûler
- 1Consumer par le feu. Les Romains brûlèrent Carthage.
Tout est en feu jusque sur les bords de la rivière d'Oise ; nous pouvons voir de nos faubourgs la fumée des villages qu'ils nous brûlent
, Voiture, Lett. 74.Brûlons ce Capitole où j'étais attendu
, Racine, Mithr. III, I.Lisez ce qu'il cite d'Aristote, et vous verrez qu'après une autorité si expresse il faut brûler les livres de ce prince des philosophes ou être de notre opinion
, Pascal, Prov. 4.Fig. Brûler ses vaisseaux, s'engager dans une affaire de manière à ne pouvoir reculer.
Brûler ses livres, tout faire pour réussir. Locution tirée de l'alchimiste, qui, ayant tout tenté, brûle ses livres, désespéré de ne pas réussir, ou, ayant tout dépensé, brûle jusqu'à ses livres pour chauffer ses fourneaux.
J'y brûlerai mes livres ou je romprai ce mariage
, Molière, Pourc. I, 3.J'y brûlerai mes livres
, Racine, Plaid. I, 7.Je vous la rendrai saine et entière, ou j'y brûlerai mes livres
, Sévigné, 1. - 2 Fig. Mille convoitises le brûlent.
Mais quelque ambition, quelque amour qui me brûle
, Racine, Baj. II, 5.Vous me connaissez mal, la même ardeur me brûle
, Corneille, Poly. I, 1.N'imputez qu'à ce feu qui brûle encor mon âme…
, Voltaire, Zaïre, IV, 6.Si ton ardeur est extrême, Même ardeur vient me brûler
, Béranger, Chatte. - 3 Terme de métier. Brûler les métaux, leur ôter leurs qualités en les laissant trop chauffer.
- 4En parlant de quelques substances chimiques, corroder, consumer. Les acides concentrés brûlent la peau comme le fer rouge.
Brûler la terre, en parlant d'engrais, la rendre trop chaude et l'empêcher par là de produire ; en parlant des plantes, l'épuiser rapidement.
En parlant du froid, causer un effet assez semblable à celui de la brûlure. La gelée brûle la racine des arbres. La neige brûle les souliers.
- 5Employer comme combustible. Brûler du bois, du charbon de terre, de la tourbe.
Se servir d'une chose pour s'éclairer. Brûler de la chandelle, de la cire, de l'huile.
Fig. Brûler la chandelle par les deux bouts, c'est-à-dire compromettre sa fortune par des dépenses de tout genre, ou sa santé par des excès de tout genre.
- 6Faire subir le supplice du feu. On a longtemps brûlé les hérétiques.
On prétend qu'il y a un conflit de juridiction, entre le Parlement et le Châtelet, à qui fera brûler le livre et l'auteur
, Voltaire, Lett. Morellet, 23 fév. 1776. - 7Brûler des parfums.
En vain sur les autels ma main brûlait l'encens
, Racine, Phèd. I, 3.Fig. Brûler de l'encens devant quelqu'un, le flatter avec de grandes démonstrations de respect.
Brûler de l'eau-de-vie, mettre le feu à de l'eau-de-vie, faire du punch.
Brûler du vin, distiller du vin pour en faire de l'eau-de-vie.
Brûler du café, le torréfier avant de le moudre.
Brûler l'amorce d'un fusil, d'un pistolet, y mettre le feu.
Sans brûler une amorce, sans tirer un seul coup de fusil. La ville fut prise sans brûler une amorce.
Brûler la cervelle à quelqu'un, le tuer d'un coup de feu tiré dans la tête et de très près. Se brûler la cervelle, se tirer un coup de feu dans la tête.
- 8Échauffer beaucoup, dessécher par un excès de chaleur. Un soleil ardent brûlait la campagne.
Par extension. Il a une fièvre qui le brûle. La soif les brûlait.
Fig. Brûler le pavé, courir, marcher très vite.
Brûler le papier, écrire avec beaucoup de verve et une grande chaleur.
Brûler les planches, jouer un rôle d'une manière vive et entraînante.
Brûler les yeux, faire mal aux yeux par une excessive lumière.
La première fois que je lus votre ouvrage, je fus frappé d'une lumière qui éclairait mes yeux et qui devait brûler ceux des sots et des fanatiques
, Voltaire, Lett. Chatellux, 7 déc. 1772. - 9Brûler la politesse à quelqu'un, le quitter brusquement, rompre une affaire.
Brûler l'étape, brûler un gîte, ne pas s'y arrêter. Nous brûlâmes ce village, et allâmes coucher plus loin.
Je pris la résolution de brûler l'étape de *** et de passer tout droit
, Rousseau, Conf. VI.À certains jeux, brûler une carte, la mettre de côté.
En un sens analogue.
Peu à peu elle [la duchesse de Bourgogne] en brûla [quelques-uns de ses cercles], et à la fin ils cessèrent sans qu'ils aient été rétablis depuis
, Saint-Simon, 41, 67. - 10 V. n. Être consumé par le feu. Quand la maison du voisin brûle. La bûche continuait à brûler.
Fig.
Il était indécent qu'il [le duc de Bourgogne] languît dans l'oisiveté à son âge, tandis que sa maison brûlait [périclitait] de toutes parts
, Saint-Simon, 195, 104.Flamber, être allumé. Le feu brûle. Flambeaux qui brûlent. Une lampe brûlait dans le sanctuaire.
Donner du feu, de la lumière. Ce bois brûle bien. Cette lampe brûle mal.
- 11Être brûlant ou très chaud. La tête lui brûle.
Je m'en sens tour à tour et brûler et glacer
, Tristan, Mort de Chrispe, I, 1.Je sentis tout mon corps et transir et brûler
, Racine, Phèd. I, 3.Fig. Les pieds lui brûlent, il est impatient de sortir, de s'en aller.
- 12 En termes de cuisine, être frappé par un feu trop vif ; ce qui se connaît par l'odeur désagréable qui s'exhale. Le rôti brûle. Cette crème brûle.
Fig. Le rôti brûle, c'est-à-dire il n'y a pas de temps à perdre, pas de négligence à se permettre.
- 13 Fig. Être possédé d'une passion violente. Brûler d'amour.
Et si Rome savait de quels feux vous brûlez
, Corneille, Nicom. I, 2.Un juste courroux dont je me sens brûler
, Corneille, Cinna, V, 2.Déjanire brûla de jalousie
, Fénelon, Tél. X.Je brûle, je l'adore…
, Racine, Mithrid. IV, 5.Mon époux est vivant, et moi je brûle encore…
, Racine, Phèd. IV, 6.Mais quelque noble ardeur dont ils puissent brûler
, Racine, Athal. I, 2.Il n'en faut point douter, vous aimez, vous brûlez, Vous périssez d'un mal que vous dissimulez
, Racine, Phèd. I, 1.Mon frère, ayez pitié d'une sœur égarée. Qui brûle, qui gémit, qui meurt désespérée
, Voltaire, Zaïre, III, 4.Près d'un amant qu'elle aime et qui brûle à ses pieds
, Voltaire, Zaïre, IV, 3.Je crois sentir les étincelles De l'amour dont Renaud brûla
, Béranger, Éducation.Brûler pour, se dit de l'amour qu'on éprouve pour une personne.
De la même ardeur dont je brûle pour elle, Elle brûle pour moi
, Malherbe, V, 21.Mais quoique je l'aimasse et qu'il brûlât pour moi
, Corneille, Cinna, V, 2. - 14Désirer ardemment.
Il brûle d'être à Rome, afin d'en recevoir Du maître qu'il s'y donne et l'ordre et le pouvoir
, Corneille, Sertor. I, 2.Elle brûle d'envie de revenir à Paris
, Sévigné, 13.C'est qu'elle sort d'un sang qu'il brûle de répandre
, Racine, Iphig. II, 5.… Vous brûlez que je ne sois partie
, Racine, ib. II, 5.Mais je vois que déjà vous brûlez de me suivre
, Racine, Athal. IV, 3.Il brûlait d'impatience de retrouver Mentor
, Fénelon, Tél. XXII.Voici cet étranger Que vos tristes soupçons brûlaient d'interroger
, Voltaire, Mérope, II, 1.Et du peuple et des grands la colère insensée Brûlait de le punir de sa faveur passée
, Voltaire, Œdipe, I, 3.Peuple accablé de ta tristesse, Tu n'as plus celui qui sans cesse Brûlait de zèle pour ta loi
, Malfilâtre, Ode, Élie enlevé aux cieux.Oui, mon cœur au mérite aime à rendre justice, Et je brûle qu'un nœud d'amitié nous unisse
, Molière, Mis. I, 2. - 15Le tapis brûle, se dit à certains jeux de cartes pour avertir qu'un des joueurs a oublié de mettre au jeu.
À certains jeux d'enfants, brûler, se dit pour être tout près de l'objet qui est caché et que l'un des joueurs cherche.
Perdre la partie pour avoir fait trop de points. J'ai brûlé, j'ai deux points de trop.
- 16Se brûler, v. réfl. Sardanapale se brûla lui-même avec ses femmes.
Fig. Se brûler à la chandelle, se jeter dans le péril en s'abandonnant à de trompeuses apparences. Locution prise des papillons qui le soir viennent effectivement se brûler à la chandelle.
Se brûler à la jambe, au pied, être atteint par un corps très chaud.
- 17Se dessécher.
Si on néglige ce premier âge, les enfants deviennent ardents et inquiets pour toute leur vie ; leur sang se brûle, les habitudes se forment
, Fénelon, XVII, 13.PROVERBE
Graissez les bottes d'un vilain, il dira qu'on les lui brûle, c'est-à-dire il y a des gens qui ne veulent pas reconnaître les bons offices qu'on leur rend.
HISTORIQUE
XIIe s. Sicume fus [feu] chi brulle la selve, e sicume flamme brullant les monz
, Liber psalm. p. 118.
XIIIe s. Brulle mes reins et mon cuer de la flambe du Saint esprit
, Psautier, f° 33.
XIVe s. Mucius ha mis sa destre dedens le feu, et, comme se il eust le courage hors du sens, il la brula, ardi et grailla
, Bercheure, f° 32, recto.
XVe s. Et de grace que le poure brullé [le pauvre homme dont la maison avait été brûlée] Retenue ait et confirmacion [de sa pension]
, Deschamps, Supplication au roi.
XVIe s. [Il] Rendoit ma muse lente, Bien qu'elle fust bruslante De s'offrir à vos yeux
, Du Bellay, J. III, 12, recto. Didon se brusle, et de son mal enclos Jà la fureur luy saccage les os
, Du Bellay, J. IV, 9, recto. Ô la fureur d'une bruslante rage, Qui maintenant transporte mon courage !
Du Bellay, J. IV, 17, recto. Qui contrefaict ce Tantale mourant Bruslé de soif au milieu d'un torrent
, Du Bellay, J. VII, 27, verso. Nous brulons le vilage, c'est à dire que nous faisons semblant d'estre fourriers ; nous nous mettons de deux ou trois logis tout en un pour avoir argent des autres
, D'Aubigné, Faen. III, 1. De trop près se chauffe qu se brusle
, Cotgrave † Les criminels se viennent bruler à la chandelle, comme on dit en commun proverbe
, H. Estienne, Apol. d'Hér. p. 147, dans LACURNE SAINTE-PALAYE.
ÉTYMOLOGIE
Bourguig. brelai ; provenç. bruslar ; ital. brustolare. Il y a dans l'ancien espagnol uslar, brûler, qui suppose un bas-latin ustulare, fréquentatif formé de ustum, supin de urere, brûler. Ustulare se retrouve dans l'italien br-ustolare, le provençal br-uslar, le français br-usler. Reste à expliquer br ; Diez le rattache au latin per, dans perustus, brûlé tout à fait, d'où perustulare contracté en brustulare. M. Chavée, voulant éviter le changement du p en b, y voit le préfixe ber, bar ou bre, qui a un sens péjoratif : brûler à mal, brûler tout à fait.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
BRÛLER.Au trésor et ailleurs, ne pas rappeler, écarter, mettre à néant les numéros qui ne répondent pas à l'appel, les articles dont on ne veut pas, etc. Il réclame à la compagnie [d'assurances contre l'incendie] le payement d'une série d'articles qu'il avait présentés à un Journal, et qui, n'ayant pas été jugés bons pour l'insertion, ont, selon la formule connue, été brûlés
, P. Véron, Journ. amusant, du 18 mars 1876.
On dit que le tabac brûle noir, quand la faculté combustible y est peu développée. Le tabac d'Algérie brûle noir.
ÉTYMOLOGIE
Ajoutez : Ce n'est pas seulement l'anc. esp. qui a la forme uslar ; elle est aussi dans l'anc. français : XIIe s. Un grant brandon de fu [il] geta, Qui bien ot deux toises de let ; Trestout a Piercheval urlet Et le sourcil et le grenon
, Perceval le Gallois, V. 39838. Urlet est pour uslet.