« beaucoup », définition dans le dictionnaire Littré
Définition dans d'autres dictionnaires :
beaucoup
- 1Proprement un beau coup, c'est-à-dire une belle quantité, une grande ou belle chose, un grand nombre. C'eût été beaucoup d'avoir mérité son estime. Celui qui possède beaucoup. Homme qui sait beaucoup. Beaucoup de sang répandu. Beaucoup de gens. Il a beaucoup d'autorité sur moi.
Joindre beaucoup d'honneur à bien peu de rudesse
, Corneille, Nicom. II, 1.C'était beaucoup pour moi, ce n'était rien pour vous
, Racine, Brit. IV, 2.On lui promit beaucoup, c'est tout ce que j'ai su
, Racine, Esth. II, 3.Il comptait pour beaucoup de l'avoir auprès de lui
, Hamilton, Gramm. 5.N'eût [Il] voulu pour beaucoup en être soulagé
, La Fontaine, Fab. I, 4.Toutes vos lettres me font plaisir et beaucoup, mais non pas toutes autant que la dernière
, Courier, Lett I, 10.C'est beaucoup, c'est faire beaucoup, se dit quelquefois par ironie, pour à peine, à grand' peine. C'est beaucoup qu'il daigne vous parler. C'est beaucoup s'il vous regarde. C'est faire beaucoup que de réussir à lui plaire.
À beaucoup près, locution par inversion qui est pour près à beaucoup, c'est-à-dire s'en manquant beaucoup pour être près, et qui signifie : avec une grande différence, avec une grande distance ; en plus si la phrase est affirmative, en moins si elle est négative. Il n'est pas, à beaucoup près, aussi riche qu'on le dit. Je suis son aîné, à beaucoup près.
De beaucoup, en quantité notable.
Son dernier état deviendra de beaucoup pire que le premier
, Massillon, Inconst.Il s'en faut de beaucoup exprime une différence de quantité. Il s'en faut de beaucoup que vous ne m'ayez payé tout ce que vous me devez.
Le pays n'est pas peuplé à proportion de son étendue, il s'en faut de beaucoup
, Voltaire, Hist. de Russ. I, 2.Il s'en faut beaucoup, exprime une différence de qualité. Il s'en faut beaucoup qu'il soit aussi sage que son frère. Il s'en faut beaucoup que cette étoffe soit aussi bonne que l'autre.
Il s'en fallait beaucoup, avant Pierre le Grand, que la Russie fût aussi puissante
, Voltaire, Hist. de Russie, I, 2.L'auteur n'est pas l'ami du comte Lally, il s'en faut beaucoup
, Voltaire, S. de Louis XIV, ch. 34.Il s'en faut beaucoup que nos commerçants nous donnent l'idée de cette vertu dont nous parlent nos missionnaires ; on peut les consulter sur les brigandages des mandarins
, Montesquieu, Esp. ch. XX.Il s'en faut beaucoup que Don Garcie soit une pièce indigne d'estime
, Auger, édit. de Mol. - 2Plusieurs. Beaucoup d'entre eux.
Beaucoup en ont parlé, mais peu l'ont bien connue
, Voltaire, Henr. ch. II. - 3Avec l'art. le. Le beaucoup.
Séparer le peu d'avec le beaucoup
, Bayle, Dict. hist. Chrys. Rem. O. - 4Pris adverbialement. Grandement. Il ne parlait pas beaucoup. Je l'aime beaucoup. Je m'appliquais beaucoup à l'étude. Chemin beaucoup plus facile. J'aimerais beaucoup mieux.
Je vous suis beaucoup obligé
, Molière, Pourc. III, 9.Leur savoir à la France est beaucoup nécessaire
, Molière, F. sav. IV, 3.
REMARQUE
1. L'usage ne permet guère qu'on joigne point à beaucoup ; et c'est pécher que de dire : je n'en ai point beaucoup ; dites : je n'en ai pas beaucoup.
2. Beaucoup employé pour plusieurs doit être le sujet du verbe : beaucoup s'en plaignaient. Ou bien, s'il est régime, il doit être précédé de en : j'en connais beaucoup qui prétendent…
3. Quand beaucoup se joint à un comparatif, si on le met après l'adjectif, il faut intercaler de avant beaucoup : il est beaucoup plus diligent que son frère ; ou il est plus diligent de beaucoup que son frère.
4. Beaucoup, suivi de la préposition de, veut que le substantif qui suit n'ait point d'article : il a beaucoup d'instruction, et non de l'instruction ; il fait beaucoup de fautes, et non des fautes.
5. Beaucoup, d'après sa formation, est un substantif employé comme nom de quantité, quand il est sujet de verbe ou complément, puisqu'il n'y a que les noms qui puissent remplir cette fonction ; et employé comme adverbe quand il modifie un verbe ou un adjectif.
HISTORIQUE
XIIIe s. Nos engins getoient aus leurs ; et les leurs aus nostres ; mès onques n'oy dire que les nostres feissent biau cop
, Joinville, 221.
XIVe s. Et si [j'] avoie des esbattemens biau cop ; car, en tout le chemin, on ne faisoit que chanter et veoir dames et damoiselles
, Machaut, p. 147.
XVe s. Et ne luy veis jamais tant de gens ensemble à beaucoup près
, Commines, II, 2. Et si luy manda que on l'avoit volu trahir, et qu'il y avoit eu deux Bourguignons prins dont l'un estoit pendu, et l'autre avoit requis qu'on luy saulvast la vie, et qu'il diroit des choses beaucop
, Bibl des Chartes, 4e série, t. II, p. 566.
XVIe s. C'est beaucoup si la fortune y arrive une fois en trois siecles
, Montaigne, I, 207. Quand le peu suffit, le beau-coup devient superflu
, Lanoue, 263.
ÉTYMOLOGIE
Bourguig. beacô ; ital. bel copo ; de beau et coup, c'est-à-dire un grand coup, un coup heureux, et de là une grande quantité. Cette locution ne paraît bien s'établir que dans le XIVe siècle, car biau cop dans Joinville est au propre ; et il s'agit de beaux coups faits avec les engins de guerre. Mais, dès le XIIIe siècle, on disait grand coup au sens de beaucoup, ce qui est évidemment la même chose : Le roy ot, par la paix fesant, grant coup de la terre le comte
, Joinville, 206. Et dans le XIVe siècle : L'en [on] estoit en conseill souvent ; Grant coup avoit de sage gent ; Là oïssiez de beaux langages
, Le livre du bon Jehan, 1549.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
BEAUCOUP. - REM. Ajoutez :6. Au XIVe siècle on a dit grant cop : un grant boais [bois] où il y a grant cop des larrons,
Rev. critique, 5e année, 2e sem. p. 386.
7° Beaucoup pour beaucoup de gens a été employé par Corneille : Saint Polyeucte est un martyr dont, s'il m'est permis de parler ainsi, beaucoup ont plutôt appris le nom à la comédie qu'à l'église,
† Abrégé du mart. de S. Poly. Vaugelas dit que beaucoup ne doit pas être ainsi employé seul ; malgré cet arrêt, la tournure condamnée, qui est commode, est restée en usage.
HISTORIQUE
XIVe s. Ajoutez : Pluseurs princes et barons… et biacop d'aultres que je ne sçai nommer
, J. le Bel, Vrayes chroniques, t. I, p. 154.