« beauté », définition dans le dictionnaire Littré

beauté

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

beauté

(bô-té) s. f.
  • 1En général qualité de ce qui est beau. La beauté idéale. Il appartient à l'esprit, c'est-à-dire à l'entendement, de juger de la beauté, parce que juger de la beauté, c'est juger de l'ordre, de la proportion et de la justesse, Bossuet, Conn. I, 8. Dans la solitude de Ste-Fare, où les épouses de Jésus-Christ faisaient revivre la beauté des anciens jours, Bossuet, Anne de Gonz.
  • 2En parlant des êtres animés. Un fils d'une rare beauté. Femme d'une très grande beauté. La beauté de ce cheval, de ce chien, de cet oiseau. Combien de filles à qui une grande beauté n'a jamais servi qu'à leur faire espérer une grande fortune, La Bruyère, 3. L'amour naît brusquement, sans autre réflexion, par tempérament ou par faiblesse : un trait de beauté nous fixe, nous détermine, La Bruyère, 4. De plus secrets et de plus invincibles charmes que ceux de la beauté, La Bruyère, ib. Elle ne sera pas d'une beauté surprenante, Sévigné, 5. Ô beauté qui te fais adorer en tous lieux…, Corneille, Attila, III, 1.

    Attraits, en parlant d'une femme. Le beau feu qu'en leurs cœurs ses beautés ont fait naître, Corneille, Cid, I, 1. Mais au lieu d'offrir à ses beautés Un hymen et des vœux dignes d'être écoutés, Racine, Mithr. I, 1. C'est faire à vos beautés un triste sacrifice, Racine, ib. III, 5.

  • 3Une femme qui est belle. Parmi tant de beautés qui briguèrent son choix, Racine, Brit. IV, 2. Rome contre les rois de tout temps soulevée Dédaigne une beauté dans la pourpre élevée, Racine, Bérén. III, 1. Ciel ! quel nombreux essaim d'innocentes beautés…, Racine, Esth. I, 1. C'est aux gens mal tournés, c'est aux amants vulgaires à brûler constamment pour des beautés sévères, Molière, Mis. III, 1. Avec cette beauté que je t'avais donnée, Corneille, Cinna, V, 3. Ouvre-moi ton cœur, ô ma beauté ! cela fait tant de bien, Chateaubriand, Atala, 254. Que la beauté vous charme et vous attire ; Dans ses bras coulez tous vos jours, Béranger, Mes chev. … ces jeunes beautés qu'elle effaçait encor Croyaient voir [en la fille de Pharaon] la fille de l'onde, Hugo, Odes, IV, 3. Heureuse la beauté que le poëte adore ! Lamartine, Méd. I, 3.
  • 4En parlant des choses inanimées. La beauté de ces lieux. Beauté des couleurs. La beauté des pâturages de la Normandie. La beauté de la nature, d'un ciel étoilé. La beauté constante du temps pendant notre navigation. Des allées qui font une beauté achevée, Sévigné, 543. Mes allées sont propres, et mon parc est en beauté, Sévigné, 69.
  • 5En parlant des choses morales. La beauté morale. La beauté de la vertu. De nos arts, de nos lois, la beauté les offense, Voltaire, Orphel. I, 1. Élevez, ô Seigneur, et mes pensées et ma voix ; que je puisse représenter à cette auguste audience l'incomparable beauté d'une âme que vous avez toujours habitée, Bossuet, Marie-Thér.

    Par ironie. … je voudrais (m'en coûtât-il grand'chose) Pour la beauté du fait avoir perdu ma cause, Molière, Mis. I, 1.

  • 6En parlant des choses d'esprit ou d'imagination. La beauté des oraisons funèbres de Bossuet. Beautés oratoires. Beautés de l'éloquence. Lorsque dans un poëme les beautés prédominent. Ses ouvrages, tout pleins d'affreuses vérités, Étincellent pourtant de sublimes beautés, Boileau, Art poét. ch. II. Recueille-toi, ma lyre ! et ne sors du silence Que pour vaincre en beauté les plus beaux de mes vers, Millevoye, Élég, liv. II. Il se peut aussi que les autres morceaux de ce Gluck ne soient pas de la même beauté, Voltaire, Lettr. Mme du Deffant, 25 janv. 1775.
  • 7Beautés, au plur. Titre de certains livres composés de récits, de traits, de descriptions remarquables. Les beautés de l'histoire romaine.

HISTORIQUE

XIe s. Pour sa beltet dames lui sont amies, Ch. de Rol. LXXV.

XIIe s. E la beauté des femmes se changea, Machab. I, ch. 1. Toute beauté nous est amaneïe [préparée] [en paradis], Ronc. p. 174. Entre merci et biauté Sont pour moi desassemblé [la compassion et la beauté sont séparées], Quant en vous, dame, n'ait trouvé Merci…, Couci, IV. Une beauté m'est venue devant, Qui me semont et prie que je chant [chante], ib. V. Toute biautez qui sur autre resplent Est mise en lui [elle], qu'il n'i a que mesprendre, ib. Douce dame, d'orgueil vous defendez, Ne trahissez vos biens [qualités] ne vos biautez, ib. XI. Car sa biautez me fait tant esbahir, Que je ne sai devant lui [elle] nul langage, ib. XI. Dame, valeur, beauté et courtoisie [il y] A tant en vous qu'on n'i fait qu'amender, ib. XX. Avec beauté vous est bonté donnée ; Si [je] me doi moult louer et cher tenir, Quant j'ai beauté et bonté enamée, Vidame de Chartres, Romancero, p. 115. Sage [elle] fu et courtoise, bele et bien entendanz ; Onc fame de biauté ne fut à li [elle] semblanz, Sax. V. … sa femme od sei mena : Li reis pur sa beauté li toli et roba, Th. le mart. 65. Et cil depanent lor vestures, ki ne soi espargnent mie el deschirement de la deforienne [extérieure] bealteit, Job, 446.

XIIIe s. N'ert [était] fame qui à ele de grant biauté s'afiere, Berte, XI. D'une part se tient orgueilleuse, Por sa grant biauté merveilleuse, la Rose, 6134. Biauté se puet trop poi garder ; Tantost a faite sa vesprée, Com les floretes en la prée, ib. 8359.

XIVe s. C'est, dit li rois, semblance des seigneurs et des dames, Qui soubz un poure abit ont grant biauté des ames, Girart de Rossillon, 2893.

XVe s. Et [Robert Salle] vous commence à escarmoucher et à faire place autour de lui, que c'estoit grand beauté de voir, Froissart, II, II, 114.

ÉTYMOLOGIE

Berry, biauté ; picard, biauté et bieuté ; wallon, baité, nom de la lune ; provenç. beltat, beutat ; espagn. beldad ; ital. beltà ; d'un mot latin qui ne se trouve pas dans nos textes, bellitatem, de bellus (voy. BEAU).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BEAUTÉ. Ajoutez : - REM. Faire beauté est une expression recherchée qu'on employait et dont le Sage se moque dans ce passage : Je veux par un seul trait te faire sentir la différence qu'il y a de la gentillesse de notre diction à la platitude de la leur ; ils diraient, par exemple, tout uniment : les intermèdes embellissent une comédie ; et nous, nous disons plus joliment : les intermèdes font beauté dans une comédie ; remarque bien ce font beauté ; en sens-tu tout le brillant, toute la délicatesse, tout le mignon ? Gil Blas, VII, 13.