« aveugle », définition dans le dictionnaire Littré
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aveugle
- 1Qui est privé de la vue. Être aveugle. Devenir aveugle. Il fut aveugle pendant sa vieillesse.
Son esprit ne saurait jamais rien produire que des avortons aveugles et imparfaits
, Boileau, Longin, Sublime, 12.Ce n'est pas l'amour qu'il fallait peindre aveugle, c'est l'amour-propre
, Voltaire, Lettr. Damilaville, 11 mai 1764.Poétiquement et par extension.
Sombre nuit, aveugles ténèbres, Fuyez, le jour s'approche, et l'olympe blanchit
, Racine, à laudes, nox. - 2Dont la raison est obscurcie. L'amour rend aveugle. Être aveugle sur ses défauts. Je me trouve bien aveugle d'avoir si peu prévu ce qui nous menaçait.
Je ne suis pas ensemble aveugle et téméraire ; Je connais bien l'erreur que l'amour m'a fait faire
, Malherbe, V, 30.Les hommes sont aveugles et sur le bien et sur le mal
, Fénelon, Tél. XVIII.Les Romains, les Grecs étaient les plus aveugles sur la religion
, Bossuet, Hist. II, 5.[Il] Déchaîne contre moi ce prophète imposteur, Aveugle sur mon sort, sur le sort de l'empire, Mais non sur l'intérêt, le seul dieu qui l'inspire
, Voltaire, Œdipe, II, 2.Ou plutôt trop aveugle ministre
, Racine, Baj. IV, 7.Dieu veut qu'on espère en son soin paternel ; Il ne recherche point, aveugle en sa colère, Sur le fils qui le craint l'iniquité du père
, Racine, Athal. I, 2. - 3Qui offusque l'entendement. Fureur aveugle. Mouvement aveugle. Emportement aveugle. Ambition aveugle et effrénée.
- 4Qui agit sans discernement. La force aveugle.
Le hasard, aveugle et farouche divinité, préside au cercle des joueurs
, La Bruyère, 6.Vous les verrez soumis rapporter dans Bysance L'exemple d'une aveugle et basse obéissance
, Racine, Baj. I, 1.Mais me réponds-tu bien de leur aveugle zèle ?
Voltaire, Mérope, I, 4. - 5 Terme de commerce. Tapis aveugles, grands tapis de Smyrne dont le travail n'a pas bien rendu le dessin.
En anatomie, on a dit quelquefois l'intestin aveugle pour le caecum.
- 6 Substantivement. Les aveugles ont le tact singulièrement exercé.
Si pourtant il est permis à un aveugle de chercher son chemin à tâtons
, Voltaire, Memmius, XI.Aveugle-né, s. et adj. Aveugle de naissance qui n'a jamais vu la lumière. Les aveugles-nés. Un enfant aveugle-né. Une femme aveugle-née.
Jeu des aveugles, jeu analogue au jeu d'oie.
Crier comme un aveugle qui a perdu son bâton, crier bien fort pour peu de chose.
Juger d'une chose comme un aveugle des couleurs, en juger sans y rien connaître.
Fig. C'est un aveugle qui en conduit un autre, se dit d'une personne aussi imprudente et aussi malhabile que celle qu'elle dirige.
- 7Aveugle, s. m. Un des noms vulgaires de l'anguis fragile (ophidiens) dit aussi orvet, serpent aveugle et envoye.
- 8À l'aveugle, en aveugle, loc. adv. Sans réflexion, sans discernement.
Quand une fois on a trouvé le moyen de prendre la multitude par l'appât de la liberté, elle suit en aveugle, pourvu qu'elle en entende seulement le nom
, Bossuet, Reine d'Anglet.Je marche en aveugle, sans savoir ma destinée
, Sévigné, 362.À son mauvais destin en aveugle obéit
, Corneille, Pomp. II, 2.Puisque après tant d'efforts ma résistance est vaine, Je me livre en aveugle au transport qui m'entraîne
, Racine, Andr. I, 1.Quelle ardeur inquiète Parmi vos ennemis en aveugle vous jette ?
Racine, Brit. I, 3.
PROVERBES
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, c'est-à-dire parmi des gens ignorants ou incapables, un peu de savoir ou de capacité suffit pour procurer la prééminence.
Troquer son cheval borgne contre un aveugle, c'est-à-dire faire un mauvais marché, empirer sa condition.
HISTORIQUE
XIIIe s. Si aveugle qu'il ne gardoient à Dieu n'a ses comendemenz
, Psautier, f° 86. Li Dieu des paiens sunt mu et avugle
, ib. f° 117. Longis, qui de Grece fu nés, Aveules fu, bien le savés
, Vie de J. C. dans DU CANGE, avoculatus. Li mort en sont ressuscité, li avule renluminé
, ib. On ne doit laissier le [la] garde des enfans sous-aagiés ne des orfelins à nului qui seit mal renommés de vilain cas, ne à nul fol naturel, ne à nul awgle
, Beaumanoir, XV, 32. Toutes voies ne volons nous pas qu'on mete en tex offices faus [fous], ne mellix [querelleurs], ne sours, n'avegles
, Beaumanoir, LIV, 12.
XIVe s. Nul ne doit improperer ou reprocier à un homme ce que il est aveugley, se il est tel de nature
, Oresme, Eth. 74.
XVIe s. Borgne est roy entre aveugles
, H. Estienne, Précell. p. 180. Il estoit à craindre que, la nuit venant à les surprendre, on ne se battroit qu'à l'aveugle
, Mém. s. du G. ch. 10. L'ignorance oste la veue de l'entendement à ceulx qui en sont entachez, tout ne plus ne moins que ne fait l'aveuglement la veuë des yeux corporelz à ceulx qui sont aveugles
, Amyot, Lysand. 34. Le malade demeurera aveugle de cest œil
, Paré, XV, 10.
ÉTYMOLOGIE
Wallon, aveûle ; rouchi, aveule ; bourguig. éveugle ; picard, aveule, avugle, avule ; ital. avocolo, vocolo ; de ab, marquant privation, et de oculus, œil (voy. ce mot) : sans œil.