« allier », définition dans le dictionnaire Littré

allier

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allier

(a-li-é) v. a.
  • 1Combiner. Allier l'or avec l'argent.
  • 2Réunir dans un intérêt commun, dans une action commune, en parlant des États, des peuples. C'est l'intérêt du commerce qui allie ces deux États.
  • 3 Fig. Réunir, joindre ensemble. Allier la vérité au mensonge. Ils tâchent d'allier le respect qu'ils doivent à la vérité avec la complaisance qu'ils conservent pour Hérode, Massillon, Avent, Épiph. Les raffinements ne sont nécessaires que pour se le dissimuler [le devoir] à soi-même et pour allier les passions avec les règles saintes, Massillon, Carême, Salut. Alliez, si vous le pouvez, cette situation avec des passions dissipées et mondaines, Massillon, Confér. Fuite du monde. Les âmes qui allient les devoirs extérieurs de la piété avec les plaisirs, Massillon, Culte. Ce n'est pas d'aujourd'hui que tu sais allier La vertu, les forfaits, l'amant, le meurtrier, Voltaire, Catil. II, 2.
  • 4Joindre par mariage. Ils témoignèrent l'empressement qu'ils avaient d'allier leur maison à celle du duc.

    Par analogie. Dis-lui que je lui donne Celui que la naissance allie à sa couronne, Voltaire, Zaïre, III, 1.

  • 5S'allier, v. réfl. Ces deux métaux ne peuvent s'allier. Ces deux familles se sont alliées. Il demanda qu'on révoquât la loi des douze tables, qui défendait aux patriciens de s'allier dans des familles plébéiennes, Vertot, Révol. rom. VI, p. 99. Le sang de César ne se doit allier Qu'à ceux à qui César le veut bien confier, Racine, Brit. I, 2. Le déshonneur d'un nom à qui le mien s'allie, Racine, Iphig. III, 3. Que l'orient contre elle à l'occident s'allie, Corneille, Hor. IV, 5. La dévotion chez elles [les femmes] s'allie avec l'amour, avec la politique, avec la cruauté même, Voltaire, Louis XIV, 4.

REMARQUE

Des grammairiens ont dit : Allier avec suppose que les choses que l'on allie sont de nature différente, et qu'elles n'ont en elles-mêmes aucun rapport qui les dispose à être alliées. On dira, par exemple, il est difficile d'allier le fer avec l'or. Allier à suppose que les choses que l'on allie ont un rapport qui les dispose à être alliées : allier l'or à l'argent ; allier les maximes des stoïciens à l'Évangile. Cette distinction subtile n'a aucun fondement dans l'usage ; ce qui le prouve, c'est qu'avec alliance, qui ne comporte pas la préposition à, on se sert, dans tous les cas, de la préposition avec, sans que le sens en souffre : l'alliance de la douceur avec le courage.

HISTORIQUE

XIe s. Le dragon [il] porte à qui la gent s'alie [se rallie], Ch. de Rol. CXII.

XIIe s. Alium nous par serement Nos aveir et nous desfendum, Et tuit ensemle nous tenum, Wace, Rou, 5975, 6074. Li reis Salomun fud afermez en sun regne ; si se aliad par amur et par priveted à Pharaün le rei de Egypte, Rois, p. 233. Car il cremi forment que li fiers reis Henris Ne desist qu'il se fust e aliez e mis Tut pur le guerreier od le rei Loewis, Th. le Mart. 97. E les leis que vus dites, à quei li reis s'alie, Ne sunt de leauté, ainz sunt de felunie Contre Deu e raisun, pur destruire clergie, ib. 40. Car se nul plait valsist [il voulût] vers les clers comencier, Les evesques verreit tuz ensemble aliez, N'ensi ne purreit pas l'arcevesque plaissier, ib. 39.

XIIIe s. Et li dona Alexis sa fille, et s'alierent ensemble en tel maniere, Villehardouin, CXV. Car si tost cum li portier sorent Que si grant ost encontre eux orent, Ensemble tretuit trois s'alient Et s'entre jurent et affient, Qu'à lor pooir s'entr'aideront, la Rose, 15317. Li Turc en Antioche sunt dolent del destrier ; Isnelement sonerent un grant cor montanier, à la porte de fer font lor gent aloier [assembler], Ch. d'Ant. IV, 260. Sarrasin et Paien s'alerent allier, Bien furent trente mil à l'estour comencier, ib. VI, 899. Puisque ele est aliie par mariage, ele n'a nule poesté de soi, de ses convenances acomplir, Beaumanoir, XXXIV, 50. Quant le soudanc de Damas sot que nous estions aliez à ceulz d'Egypte, Joinville, 268.

XVe s. Et si bien le servirent [leur roi] et si avant se bouterent sur les Anglois, que tous y demeurerent, ni onques nul ne s'en partit ; et furent trouvés lendemain sur la place autour de leur seigneur et leurs chevaux tous alloiés ensemble, Froissart, I, I, 288. [Urbain] sentoit le royaume d'Espaigne contraire à ses opinions et aloyé à Clement avecques le roi de France, Froissart, II, II, 207. Les ditz alliez, comme me fut dit par ceulx qui y estoient, pouvoient bien estre trente mil hommes de pied…, Commines, V, 3.

XVIe s. Il ne devoit pas s'allier [par mariage] de celuy, non duquel l'alliance luy estoit plus honorable, mais plus aisée et plus facile à avoir, Amyot, Arist. et Cat. comp. 12. Et si luy arriva encore de renfort le secours de alliez Lucaniens et Samnites, Amyot, Pyrrh. 37.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. aliar, alhiar ; espagn. aliar et alear, dans le sens d'allier des métaux ; ital. allegare ; du latin alligare, de al pour ad, à, et de ligare, lier (voy. LIER).