« doute », définition dans le dictionnaire Littré
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doute
- 1Incertitude où l'on est sur la réalité d'un fait, la vérité d'une assertion. Avoir du doute. Lever tous les doutes.
Est-ce qu'il peut y avoir du doute à cela ? …Ote-moi d'un doute ; Connais-tu bien don Diègue ?
Corneille, Cid, II, 2.Otez moi donc de doute Et montrez-moi la main qu'il faut que je redoute
, Corneille, Rodog. V, 4.Mille et mille témoins te mettront hors de doute
, Corneille, Nicom. III, 5.Rendez sans différer mes doutes éclaircis
, Gombaud, Danaïdes, I, 2.Des témoins de sa mort viennent à tous moments Condamner votre doute et vos retardements
, Racine, Mithr. I, 3.Un moment quelquefois éclaircit plus d'un doute
, Racine, Iphig. II, 5.Délivrez mon esprit de ce funeste doute
, Racine, Phèd. I, 3.Être en doute, douter.
Vous êtes en doute Ce qu'elle a plus parfait, ou l'esprit, ou le corps
, Malherbe, V, 23.Il vous a obligé de vous expliquer une chose dont je n'étais point en doute
, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 3.En êtes-vous en doute ?
Corneille, Nicom. I, 2.… tu ne meurs point de honte Qu'il faille que de lui je fasse plus de compte, Et que ton père même, en doute de ta foi, Donne plus de croyance à ton valet qu'à toi !
Corneille, Ment. V, 3.Laisser une chose en doute, ne pas l'éclaircir.
Laissez la chose en doute, et du moins hésitez Tant qu'on ait par leur bouche appris leurs volontés
, Corneille, Œd. III, 2.Laisser quelqu'un en doute, ne pas dissiper son incertitude.
Il m'a laissé plus en doute que je n'étais
, Fénelon, Tél. IX.Mettre en doute, révoquer en doute, contester la vérité d'un fait.
Jusques ici, madame, aucun ne met en doute Les longs et grands travaux que votre amour vous coûte
, Corneille, Rodog. II, 3.Je n'ai jamais mis en doute que vous ne m'ayez écrit
, Sévigné, 390.Il ne révoque pas les miracles en doute
, Bossuet, Hist. II, 12.Dans le même sens.
On n'en fait aucun doute
, Corneille, Suréna, I, 2.Mettre en doute signifie aussi contester l'obligation de quelque devoir.
L'obéissance est mise en doute
, Bossuet, Hist. II, 1. - 2 Terme de rhétorique. Figure par laquelle l'orateur paraît douter de ce qu'il doit énoncer. On dit plutôt dubitation.
- 3Scepticisme. Une philosophie qui n'aboutit qu'au doute.
Un doute éclairé peut quelquefois servir de flambeau
, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 140, dans POUGENS.Le doute est bien plus le résultat des lumières vagues que de l'ignorance
, Mirabeau, Collection, t. IV, p. 110.Doute méthodique de Descartes, méthode qui consiste à rejeter provisoirement toutes les idées qu'on a reçues.
Défaut de croyance à. une religion révélée.
Le doute est un blasphème
, Voltaire, Fanat. IV, 3.Il serait à souhaiter qu'un doute universel se répandît sur la surface de la terre, et que tous les peuples voulussent bien mettre en question la vérité de leurs religions
, Diderot, Pensées philos. n° 36. - 4Difficulté, scrupule.
J'ai encore un doute à vous proposer
, Pascal, Prov. 5.Mlle de Duras ayant quelque doute sur la religion
, Bossuet, Conf.Conjecture, soupçon. J'en ai quelques doutes.
Appréhension, crainte. Dans le doute d'un accident fâcheux, il faut prendre ses précautions.
Que si j'avais le moindre doute d'avoir failli et de mériter vos menaces
, Voiture, Lett. 58.Dans le doute mortel dont je suis agité
, Racine, Phèd. I, 1. - 5Sans doute, loc. adv. Assurément, certes. Viendrez-vous demain ? sans doute.
Ironiquement. Me prêterez-vous encore de l'argent ? - Sans doute ; je contribuerai à toutes vos folies.
Selon toutes les apparences.
Sans doute à nos malheurs ton cœur n'a pu survivre
, Racine, Alex. IV, 1.Il est sans doute que, avec l'indicatif, on ne peut douter.
Il est sans doute qu'il suffit d'avoir appris une fois…
, Pascal, Prov. 3.Il est sans doute qu'il ne se servit pas des termes d'acheter ne de vendre
, Pascal, ib. 12.Il est sans doute que je suis un hérétique
, Pascal, ib. 15.Sans doute que s'emploie aussi pour probablement, tout en tête de la phrase. Sans doute qu'il n'y a plus pensé.
- 6Hors de doute, incontestable, certain. Cela est hors de doute. Il est hors de doute qu'il réussira. Son acquittement est hors de doute.
Jusqu'à ce qu'elle ait vu votre hymen hors de doute
, Corneille, Perthar. II, 3.PROVERBE
Dans le doute abstiens-toi, c'est-à-dire quand une action est douteuse, il est plus prudent, plus sage, plus honnête de s'en abstenir.Le doute est le commencement de la sagesse.
REMARQUE
1. Mettre en doute, dans une phrase négative ou interrogative, suivi de que, demande la particule ne : Lorsqu'on me trouvera morte, il n'y aura personne qui mette en doute que ce ne soit vous qui m'aurez tuée
, Molière, G. Dand. III, 8. Cependant le ne peut se supprimer : Je ne mets pas en doute que cela soit.
2. Doute a été longtemps féminin ; il l'est encore dans Malherbe : Nos doutes seront éclaircies, Et mentiront les prophéties… III, 1. La seule chose Qui m'empêche la mort, c'est la doute que j'ai, V, 13. Rotrou aussi le fait féminin : Son mépris paraît trop, ma doute n'est point vaine, Bélis. I, 6.
HISTORIQUE
XIIe s. Sans doute [crainte] de perir
, Couci, XVIII.
XIIIe s. Là s'aresterent-il à grant doute, car il douterent [craignirent] ceus de fors, et autant doutoient-il ceus dedens
, Villehardouin, CXXXVII. Et pour chou [ce] qu'il ot paour et doute que ses chevaus ne feust mors ou meshaignés, il s'en tourna le petit pas
, H. de Valenciennes, IV. Car donc, quel part la pointe [de l'aiguille aimantée] vise, La tresmontaigne [le nord] est là sans doute
, Lais inédits, p. IV. Et li autre [larrecins] sont en doute, à savoir se c'est larrecins ou non
, Beaumanoir, XXXI, 1.
XIVe s. Eustrace fait ici une doubte…
, Oresme, Eth. 51. Une doubte semble apparoir en ce qu'il dient
, Oresme, ib. VI, 11.
XVe s. Pour la doute [crainte] des rebellions
, Froissart, II, II, 27. Sans doute, si ce n'eust esté… le roy n'eust jamais souffert…
, Commines, VI, 2. Et y mettoient grans doubtes aucuns, veu que à leurs dos n'avoyent nulles places pour eux retirer
, Commines, I, 2. Le duc [de Bourgongne] lui fist faire [à Louis XI] son logis [à Péronne], et l'asseura fort de n'avoir nulle doubte (le roy estoit entré en grant paour apprenant l'arrivée de ses malvueillans auprès du duc de Bourgongne)
, Commines, II, 5.
XVIe s. N'en faictes doubte aucune
, Marot, J. V, 21. Cela ne se peut revoquer en doute
, Calvin, Instit. 784. Il n'y a nulle doute que c'est une exhortation que Dieu lui fait
, Calvin, ib. 266. Vous m'en avés escript si honnestement que jamais je n'en ay faict une seule doubte
, Marguerite de Navarre, Lett. 101. Puisqu'on est en doubte du plus court chemin, il fault tenir le droict
, Montaigne, I, 132. Il n'y a point de doubte qu'il ne soit plus beau de pardonner…
, Montaigne, I, 132. Qui y peult faire doubte [qui peut en douter] ?
Montaigne, I, 174. La chose est de soy tant notoire, que la doute en seroit trop plus deraisonnable, que la preuve necessaire
, Amyot, Préf. XVIII, 47. Non seulement le commun peuple flottoit et branloit en ce doubte, mais aussi les senateurs
, Amyot, Numa, 4. Les reformez, eslevez de leur droict, estimoient toutes doutes effacées
, D'Aubigné, Hist. I, 129. On l'empeschoit, tant sur la reverence du traitté, comme sur le doute de l'execution
, D'Aubigné, ib. I, 185.
ÉTYMOLOGIE
Substantif abstrait de douter ; bourguig. d"te ; proven. dopte, dubte, s. m. ; catal. dubte ; espagn. duda ; portug. duida ; ital. dotta. Doute a été d'abord féminin dans la langue ; c'est vers la fin du XVIe siècle que le genre en commence à devenir incertain, et que quelques-uns le font tantôt féminin, tantôt masculin. Palsgrave, p. 26, remarque qu'on écrit doubte, et qu'on prononce doute. Ce mot, dans l'ancienne langue, à côté du sens de doute, a aussi celui de crainte.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
DOUTE. - REM. Ajoutez :3. J. J. Rousseau a employé doute au sens de crainte ; c'est un archaïsme. Je suis ainsi toujours dans le doute de manquer à vous ou à moi, d'être familier ou rampant,
† Lettre au maréchal de Luxembourg, 30 avril 1759.
4. On trouve aussi dans des textes anciens : doute que, pour : de peur que. Mais doute qu'autres le voulussent faire imprimer…
, Privilége en 1636, dans BAYLE, article Neufgermain, note A.