« tutoyer », définition dans le dictionnaire Littré

tutoyer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tutoyer

(tu-to-ié ; plusieurs disent tu-toi-ié ; l'y grec se change en i devant l'e muet : je tutoie, je tutoierai) v. a.
  • 1Dire à quelqu'un tu et toi, au lieu de vous, qui est la forme polie dans notre langue. Pour moi, j'aimerais mieux traiter un valet de vous que de tutoyer un prince, Bussy-Rabutin, dans Dict. de Trévoux, tu. Pardonnez, ma divine comtesse, Pour duper le barbon il faut vous tutoyer, Th. Corneille, Comt. d'Org. v, 6. Vous ne tutoierez plus un gendre de ma sorte, Destouches, Glor. III, 9. Le grand-prieur de Froulay m'a dit que Louis XIV n'aimait pas du tout que les faiseurs d'épîtres et de prologues, ni les auteurs de dédicaces le tutoyassent en vers pas plus qu'ils n'auraient fait en prose : Le roi François Ier ne le souffrit jamais, disait-il un soir chez Mme de Montespan, qui répondit à cela que Despréaux n'avait jamais été qu'un mal-appris, Souv. de Mme de Créquy, t. I, p. 23. Le philosophe est très familier avec le baron ; car il le tutoie, Grimm, Corresp. t. I, p. 52. Monsieur le maire est gentilhomme par sa femme née demoiselle ; voilà pourquoi il nous tutoie et rudoie nous autres paysans, Courier, Gaz. du village. Don Ricardo [au roi] : Seigneur, vous m'avez tutoyé, Me voilà grand d'Espagne [les grands d'Espagne étaient tutoyés par le roi], Hugo, Hernani, IV, 1.

    Les quakers emploient le tutoiement avec tout le monde. Penn fut obligé d'aller tutoyer Charles II et ses ministres plus d'une fois pour son payement, Voltaire, Dict. phil. Quakers.

    Absolument. En Allemagne, supprimer le monsieur et le madame serait une grossièreté pareille à tutoyer parmi nous, Saint-Simon, 70, 154. On tutoyait alors au théâtre…, Voltaire, Comm. Corn. rem. Ment. II, 3.

  • 2Se tutoyer, v. réfl. Employer entre soi les tu et les toi. Bourguignon, ne nous tutoyons plus, je t'en prie, Marivaux, Jeux de l'am. et du has. II, 9. Nous nous tutoierons, quand nous serons ivres, Diderot, Neveu de Rameau.

    Avec ellipse du pronom personnel. Jamais Molière n'a fait tutoyer les amants, Voltaire, Comm. Corn. rem. Ment. II, 3.

REMARQUE

Tutayer, prononciation normande, a été usité ; on l'entend encore quelquefois. Il tutaye, en parlant, ceux du plus haut étage, Molière, Mis. II, 5. Il a encore une autre mauvaise habitude, c'est de tutaïer tout le monde ; il tutaye jusqu'à des femmes qu'il n'a jamais vues, Dufrény, Espr. de contrad. sc. 6.

HISTORIQUE

XIVe s. Et après ce, Jehan Maras eust dit à Phelipot escuier très arrogamment : me tutoies-tu ? J'ai une preude femme espousée, Du Cange, tuisare.

XVe s. Le suppliant dit à icellui commandeur, qu'il ne faisoit pas son honneur de le tutoyer, attendu qu'il estoit marié, Du Cange, Tuisare.

XVIe s. Si je tuttioie quelque gros mi-lourd, qui me donnast un coup de poing, Bonivard, De noblesse, p. 242.

ÉTYMOLOGIE

Tu et toi ; génev. tutayer. Montaigne a dit tuoyer : Des nations où les enfants tuoyent leurs pères, I, 207. L'ancienne langue disait aussi atuteer, atuiser ; le bas-latin, tuisare, tibissare.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TUTOYER.
2Se tutoyer, v. réfl. Ajoutez :

Se tutoyer avec quelqu'un, établir avec quelqu'un l'habitude du tutoiement. Un jour B…, qui venait déjeuner dans son établissement pour la première fois, se tutoya tout de suite avec Marie et la traita de cousine, Gaz. des Trib. 28 nov. 1875, p. 1146, 4e col.