« sucer », définition dans le dictionnaire Littré
Définition dans d'autres dictionnaires :
sucer
- 1Tirer une liqueur, un suc avec les lèvres et à l'aide de l'aspiration. Sucer la moelle d'un os.
Regardez les abeilles sur le thym ; elles y trouvent un suc fort amer ; mais, en le suçant, elles le convertissent en miel
, St François de Sales, Introd. à la Vie dévote, ch. 2.Ce héros [Achille] … si l'on nous fait un fidèle discours, Suça même le sang des lions et des ours
, Racine, Iphig. IV, 1.Ces vampires étaient des morts qui sortaient la nuit de leurs cimetières pour venir sucer le sang des vivants
, Voltaire, Dict. phil. Vampire.Par extension.
Afin que vous suciez et que vous tiriez de ses mamelles le lait de ses consolations
, Sacy, Bible, Isaïe, LXVI, 12.Fig.
Il ne songeait… qu'à sucer le sang des malheureux
, Fénelon, Tél. II.L'envie, qui ne cesse de sucer le sang que quand on n'en a plus
, Voltaire, Lett. d'Argental, 28 nov. 1750.Fig. Sucer avec le lait une doctrine, un sentiment, en être de bonne heure imbu.
Cette haine des rois que depuis cinq cents ans Avec le premier lait sucent tous ses enfants [de Rome]
, Corneille, Cinna, II, 1.Je vous apprends, quand vous en devriez enrager, que je suis accouchée d'un garçon, à qui je vais faire sucer la haine contre vous avec le lait
, Sévigné, à Bussy, 15 mars 1648.Nos rebelles condamnaient les siècles passés, et ne cherchaient qu'à détruire la religion où leurs pères étaient morts, quoique eux-mêmes ils l'eussent sucée avec le lait
, Bossuet, 5e avert. 25.C'est peu qu'avec son lait une mère amazone M'ait fait sucer encor cet orgueil qui t'étonne
, Racine, Phèdre, I, 1.On dit de même : sucer le lait de la doctrine évangélique, des saines doctrines, etc.
- 2Il se dit aussi du corps dont on attire la liqueur. Sucer un os. Sucer un morceau de sucre d'orge. Sucer une orange.
Vois-tu cette Juive fidèle Dont tu sais bien qu'alors il suçait la mamelle ?
Racine, Ath. v, 5.C'est une chose, à mon gré, très curieuse, que les procès-verbaux faits juridiquement concernant tous les morts [vampires] qui étaient sortis de leurs tombeaux pour venir sucer les petits garçons et les petites filles de leur voisinage
, Voltaire, Dict. phil. Vampire.Ils [Romulus et Rémus] sucent sans effroi leur nourrice sauvage [une louve]
, Delille, Én. VIII.Sucer une plaie, en faire sortir par la succion le venin qui peut y être.
- 3 Fig. et familièrement. Tirer peu à peu l'argent d'une personne. Il le suce jusqu'aux os, jusqu'à la moelle des os.
Mme Jourdain : C'est un vrai enjôleux. - M. Jourdain : Taisez-vous donc. - Mme Jourdain : Il vous sucera jusqu'au dernier sou
, Molière, Bourg. gent. III, 4.Vous laisser sucer par des gens qui vous quitteront, quand vous [M. de Grignan] ne leur serez plus bon à rien
, Sévigné, 6 avril 1672.Ainsi les coquettes subtiles Sucent la bourse des nigauds
, Gherardi, Théât. ital. Arlequin mis. III, 9.Les Biron le sucèrent [Noyer] si parfaitement qu'il est mort sur un fumier
, Saint-Simon, 179, 192.
HISTORIQUE
XIIe s. …cil dui lyon forsené Qui de là sont enchaené, Que il ne vos tuent et sucent Le sang des voines…
, la Charrette, 3060.
XIIIe s. Que il suçast miel de la pierre et oile [huile] de la dure roche
, Psautier, f° 187. Là où la mere vuet [veut] son enfant alaitier, Ne trove ele en son pis qu'il en puisse sucier
, Ch. d'Ant. VII, 267.
XIVe s. Et se la doulour [d'une piqûre de serpent] ne se depart par tel maniere, soit le lieu sucié
, H. de Mondeville, f° 86, verso.
XVe s. Pour qui ces mamelles succhastes ?
Mir. de Ste Genev.
XVIe s. Veistes-vous oncques chien rencontrant quelque os medullaire ? si veu l'avez, vous avez peu noter… de quelle diligence il le sugce
, Rabelais, Prolog.
ÉTYMOLOGIE
Bourg. seuçai ; wallon, sussî ; picard, chuker ; prov. succar, sucar ; ital. succiare ; d'une forme fictive suctiare, dérivée de suctum, supin de sugere, sucer, qui n'est qu'une forme pour sucere, de succus ou sucus, suc. Comparez l'anc. hautall. sûgan, l'angl. to suck ; et le celtique : gaél. sug ; kimry, syg ; bas-breton, sygan.