« prévention », définition dans le dictionnaire Littré

prévention

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

prévention

(pré-van-sion ; en vers, de quatre syllabes) s. f.
  • 1 Terme de droit. Action de devancer l'exercice du droit d'un autre.

    Particulièrement. Droit qu'a un juge de connaître d'une affaire dont il a été saisi le premier (vieux en ce sens). Les bailis et les sénéchaux avaient quelquefois le droit de prévention sur les juges subalternes.

  • 2Prévention en cour de Rome, droit que le pape avait de pourvoir à un bénéfice dans les six mois accordés à l'ordinaire pour le conférer. Le roi obtint la nomination des bénéfices ; et le pape eut, par un article secret, le revenu de la première année, en renonçant aux mandats, aux expectatives, à la prévention…, Voltaire, Mœurs, 138.
  • 3 Terme de rhétorique. Figure par laquelle l'orateur prévient ce qu'on pourrait lui opposer.
  • 4Action de prévenir, d'aller au-devant. Ce qui est voulu comme fin est voulu par prévention devant les moyens, Bossuet, Rép. à une lettre de l'archev. de Cambrai. Ils [les bons anges] n'avaient pas besoin dé la prévention de cet attrait indélibéré qui nous incline vers le bien, et qui est, dans les hommes enclins à mal faire, le secours médicinal du Sauveur, Bossuet, Élévat. sur myst. IV, 3.
  • 5Ce qui dispose le jugement ou la volonté à se déterminer, indépendamment des motifs de vérité et de justice. La prévention induisant en erreur, Pascal, Pens. XXV, 80, éd. HAVET. Il faut avouer que la religion chrétienne a quelque chose d'étonnant. - C'est parce que vous y êtes né, dira-t-on. - Tant s'en faut ; je me roidis contre, par cette raison-là même, de peur que cette prévention ne me suborne, Pascal, ib. XXIV, 7. Ce fut une chose rare de voir tour à tour les convulsions de la prévention expirante sous la force de la vérité et de la raison, Sévigné, 344. La prévention, c'est une espèce de folie qui empêche de raisonner, Bossuet, Polit. VIII, v, 2. Il [M. Halley] ignorait ces préventions outrées en faveur d'une nation, injurieuses au reste du genre humain, Mairan, Éloges, Halley. La prévention voit les choses comme elle voudrait qu'elles fussent ; mais la raison ne les voit que telles qu'elles sont, Dumarsais, Œuv. t. v, p. 279. Ceux qui lisent ce livre sans prévention [l'Histoire de l'Académie, par Pellisson] sont bien étonnés de la réputation qu'il a eue ; mais il y avait alors quarante personnes intéressées à le louer, Voltaire, Goût, note 22. La prévention pour la coutume a été, de tout temps, un obstacle aux progrès des arts, Condillac, Conn. hum. II, I, 5. Supporter avec patience les jugements de la prévention, et attendre du temps le moment de la justice, Condorcet, Bucquet.
  • 6En jurisprudence criminelle, état d'un prévenu. Mise en prévention.

SYNONYME

PRÉOCCUPATION, PRÉVENTION. La préoccupation exprime seulement un fait, à savoir que l'esprit est occupé d'avance par une opinion ; la prévention ajoute à ce fait que la préoccupation qui s'est emparée de l'esprit est indépendante des bonnes raisons.

HISTORIQUE

XVIe s. Je [Socrate] ferois honte à nostre ville, en l'aage que je suis, et en telle reputation de sagesse que m'en voicy en prevention, de m'aller desmettre à de si lasches contenances [supplications], Montaigne, IV, 216. La caution et prevention dont les fourmis usent à ronger le grain de peur qu'il ne germe, Montaigne, II, 166. Quant à la prevention, le pape n'en use que par souffrance au moyen du concordat…, P. Pithou, 55. Quant il adviendroit que son bon service n'auroit esté remuneré ou par prevention de mort ou par opportunité non escheue…, Du Bellay, M. Prol.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. prevention ; espagn. prevencion ; ital. prevenzione ; du lat. præventum, supin de prævenire, prévenir.