« plainte », définition dans le dictionnaire Littré

plainte

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

plainte

(plin-t') s. f.
  • 1Paroles et cris par lesquels on exhale sa peine. De quelque désespoir qu'une âme soit atteinte, La douleur est toujours moins forte que la plainte, La Fontaine, Matrone. Pour moi, je comprends qu'il y a quelque sorte de plaisir dans la plainte, plus grand qu'on ne pense, Sévigné, 389. Alors, triste messager d'un événement si funeste [la mort d'un jeune enfant de Louis XIV], je fus aussi le témoin, en voyant le roi et la reine, d'un côté, de la douleur la plus pénétrante, et, de l'autre, des plaintes les plus lamentables, Bossuet, Mar.-Thér. Qui pourrait exprimer ses justes douleurs ? qui pourrait raconter ses plaintes ? Bossuet, Reine d'Anglet. La plainte surfait toujours un peu les afflictions, Diderot, Claude et Nér. I, 31.
  • 2Plainte amoureuse, les doléances de l'amour. ou même de la simple amitié. Chantez, petits oiseaux ; nul danger, nulle crainte N'interrompe jamais votre amoureuse plainte, Segrais, Églog. IV. L'éloignement de cette favorite [Mme de Jalez auprès de la duchesse de Lesdiguières] a surpris tout le monde ; on laisse entendre qu'elle était jalouse, difficile, curieuse, épilogueuse, faisant des plaintes amoureuses et des reproches dont les cœurs secs sont embarrassés, Sévigné, 11 mai 1683.
  • 3Ce qu'on dit, ce qu'on écrit pour témoigner son mécontentement, son regret. C'est l'unique sujet qu'il m'a donné de plainte, Corneille, Sertor. III, 2. Je n'entends résonner que des plaintes frivoles, La Fontaine, Fabl. X, 13. Tandis qu'on vous verra d'une voix suppliante Semer ici la plainte et non pas l'épouvante, Racine, Brit. I, 4. Elle fit des plaintes amères à Jupiter, Fénelon, Tél. IX. La reconnaissance parle si bas, et la plainte déclame si haut, qu'on n'entend plus que la dernière, Marmontel, Cont. mor. Misant. corr.

    Faire ses plaintes à quelqu'un, lui exposer les griefs qu'on a. Il me faut de ce pas aller faire mes plaintes au père et à la mère, Molière, G. Dand. I, 3. C'est un mauvais parti que d'avoir toujours des ennemis dont on fait ses plaintes à la cour, Sévigné, 611.

  • 4Ancien terme de littérature. Pièce de poésie sur la mort d'une personne vivement regrettée, ou sur un accident quelconque, sorte d'élégie.
  • 5Exposé d'un grief en justice. Porter plainte. Rendre plainte en justice. M. le Prince [Condé] fit sa plainte, et demanda qu'il fût informé de l'assassinat qu'on avait voulu commettre contre sa personne, Retz, Mém. livre III, t. II, p. 104, dans POUGENS. Non sans faire un notable dommage Dont je formai ma plainte au juge du village, Racine, Plaid. I, 7.

HISTORIQUE

XIe s. E ne face hom pleinte al rei…, Lois de Guill. 41.

XIIIe s. Grains et marriz, [il] fist tant par sa maistrise [adresse], Que à sa dame en un destour A fait sa plainte et sa clamour, Audefroi le Bastard, Romancero, p. 6. Maistres Pierres de Chapes et Quenes de Bethune… alerent aux cinc nés [navires], et proierent à plaintes et à pleurs à ceus qui dedens estoient, que…, Villehardouin, CXLVII. Or peüst oïr la crie e la plante e le plorer mult grant de celz qe estoient cheü à la terre ennavrés à mort, Marc Pol, p. 745.

XVIe s. Si me vient dire en plaincte bien dolente…, Marot, I, 339. Il n'en est aucun [plaisir] exempt de quelque meslange de mal… nostre extreme volupté a quelque air de gemissement et de plainte, Montaigne, III, 85.

ÉTYMOLOGIE

Plaint. À côté de plainte, l'ancienne langue avait plaint, masculin ; provenç. planch ; catal. plant ; espagn. planto ; portug. pranto ; ital. pianto ; du lat. planctus.