« ombrage », définition dans le dictionnaire Littré
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ombrage
- 1Réunion d'arbres, de branches, de feuilles qui donnent de l'ombre.
Les cerfs sont étonnés d'y perdre leurs ombrages
, Rotrou, Herc. mour. V, 1.Mes arrière-neveux me devront cet ombrage
, La Fontaine, Fabl. XI, 8.Je trouve des promenades que j'ai faites, et dont le plant me donne un ombrage qui me fait souvenir que je ne suis pas jeune
, Sévigné, Lettre à Bussy, 9 oct. 1675.Je reposais sous l'ombrage, Quand Néris vint m'éveiller
, Béranger, Double ivr.Poétiquement. Les ombrages verts, l'ombre que font les arbres quand ils sont garnis de leurs feuilles.
- 2 Par analogie. Obscurcissement, absence de lumière.
Prenez garde comme l'art de la peinture y est bien observé, soit aux raccourcissements, soit aux ombrages ou aux proportions
, D'Urfé, Astrée, I, 11.Et j'ai devant les yeux toujours quelque nuage Qui m'offusque la vue et m'y jette un ombrage
, Corneille, Nicom. III, 4.Nos sens sont des trompeurs dont les fausses images à notre entendement n'offrent rien d'assuré, Et ne lui font rien voir qu'à travers cent nuages Qui jettent mille ombrages Dans l'œil mal éclairé
, Corneille, Imit. I, 3.Comme le jour des nuits efface les ombrages, Ou comme le soleil dissipe les nuages
, Senecé, Lett. à Mme ***.Faire ombrage, projeter une ombre qui nuit.
Je fais jeter de grands arbres à bas, parce qu'ils font ombrage
, Sévigné, 28 juin 1671. - 3 Fig. Soupçon, défiance (attendu que l'ombre excite la défiance et l'inquiétude, particulièrement chez les chevaux).
Ton esprit amoureux n'aura-t-il point d'ombrage ?
Corneille, Cid, II, 3.L'un conçoit de l'envie et l'autre de l'ombrage
, Corneille, Poly. III, 1.Grâces aux immortels, l'effort de mon courage Et ma grandeur future ont mis Rome en ombrage
, Corneille, Nicom. II, 3.La prudence et l'honnêteté peuvent bien diminuer la jalousie que l'intérêt fait naître entre les égaux ; mais elles ne peuvent jamais ôter tout l'ombrage que met dans l'esprit des supérieurs le soin de leur sûreté
, Retz, Conjur. Fiesque.Quand d'un injuste ombrage Votre raison saura me réparer l'outrage
, Molière, D. Garc. I, 3.Vivez, solennisez vos fêtes sans ombrage
, Racine, Athal. III, 4.Son humeur aigrie et portée à la défiance et aux ombrages par des malheurs continuels
, Rousseau, Corresp. t. VI, p. 392, dans POUGENS.Faire ombrage, causer de l'inquiétude, des soupçons.
Tout vous nuit, tout vous perd, tout vous fait de l'ombrage
, Corneille, Poly. V, 1.Un visir aux sultans fait toujours quelque ombrage
, Racine, Bajaz. I, 1.Il pourrait même, sans un grand raffinement d'amour-propre, être humilié de cette bienveillance dédaigneuse, et se plaindre de ne faire à personne assez d'ombrage pour mériter au moins un ennemi
, D'Alembert, Élog. St-Aulaire.On murmure, on m'alarme, et tout me fait ombrage
, Voltaire, Oreste, II, 3.Prendre ombrage, devenir jaloux, se chagriner, s'inquiéter.
Si bien que le sénat, prenant un juste ombrage D'un empire si grand sous un si grand courage…
, Corneille, Nicom. I, 5.Et mon mari, de vous, ne peut prendre d'ombrage
, Molière, Tart. IV, 4.Tout autre aurait pour moi pris les mêmes ombrages
, Racine, Phèd. II, 5.Donner ombrage, donner de la jalousie, de l'envie, de l'inquiétude.
Le moindre vaisseau dans la plage Nous donne aussitôt de l'ombrage
, Scarron, Virg. I.Je sais qu'Idoménée a eu le malheur de vous donner des ombrages ; mais il est aisé de guérir toutes vos défiances
, Fénelon, Tél. X.Sous Domitien, la religion chrétienne commença à donner quelque ombrage au gouvernement
, Voltaire, Dict. phil. Église.
HISTORIQUE
XIIIe s. Fai nous œil à œil sans ombrage, Face à face, non par image, Ton fill veoir en majesté
, le Miserere du reclus de Moliens, dans GODEFROY, Lex. de Corneille.
XVIe s. Un cler ruisseau bruyant près de l'umbrage
, Marot, III, 293. Ils ont aperceu seulement de loin et en ombrage ce que nous voyons aujourd'hui en pleine clarté
, Calvin, Instit. 268. Ce sont des ombrages qui leur viennent de quelques conceptions informes
, Montaigne, I, 188. Cette femme sentant les premiers ombrages de grossesse…
, Montaigne, II, 14. Ils sacrifioient des pourceaux en figure, payants Dieu en peincture et en umbrage
, Montaigne, II, 136. Epicurus tient l'homme sage n'avoir qu'un umbrage et similitude du bonheur
, Montaigne, II, 268. Les dogmatistes les plus fermes sont contraints en cet endroit, de se rejecter à l'abry des umbrages de l'Academie
, Montaigne, II, 304. Tes bois Dont l'ombrage incertain lentement se remue
, Ronsard, Forêt de Gastine.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. umbratge ; du lat. umbraticus, qui vient de umbra, ombre. Dans l'ancienne langue, ombrage est adjectif et signifie soit ombreux, obscur : La prison onbrage
, Quesnes, Romanc. p. 94. ; soit ombrageux : Gardés que vous ne soiiez ombrage vers lui, ne changeans de vostre talent
, H. de Valenciennes, XII.