« moisson », définition dans le dictionnaire Littré

moisson

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

moisson

(moi-son) s. f.
  • 1Action de récolter les grains et principalement les céréales. La moisson de nos champs lassera la faucille, Et les fruits passeront les promesses des fleurs, Malherbe, II, 1. Il [le laboureur] tient par les moissons registre des années, Racan, la Retraite. Il faut qu'avec notre famille Nous prenions dès demain chacun une faucille ; C'est là notre plus court ; et nous achèverons Notre moisson quand nous pourrons, La Fontaine, Fabl. IV, 22. Et laisse en soupirant ses moissons imparfaites, Voltaire, Henr. IX. Je chante les moissons ; je dirai sous quel signe Il faut ouvrir la terre et marier la vigne, Delille, Géorg. I. Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson, Et, comme le soleil, de saison en saison, Je veux achever mon année, Chénier, la Jeune captive. Jouissez, je le veux, du fruit de vos conquêtes ; Mais pour vous seuls faut-il que les moissons soient faites ? Chénier M. J. Gracq. II, 3.

    Fig. Une santé dès lors florissante, éternelle, Vous ferait recueillir d'une automne nouvelle Les nombreuses moissons, Rousseau J.-B. Ode au comte du Luc.

  • 2Le temps de la moisson. La moisson approche. Le semer et la moisson Ont leur temps et leur saison, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 79.
  • 3Les céréales mêmes qu'on récolte. Pour corriger le blé, Dieu permit aux moutons De retrancher l'excès des prodigues moissons, La Fontaine, Fabl. IX, 11. Dieu, cette année, ayant trompé l'espérance de nos moissons, a frappé la terre de stérilité, Bossuet, Panég. St Gorgon, 2. Provinces qu'ils [les ennemis] avaient déjà ravagées dans le désir et dans la pensée, vous avez encore recueilli vos moissons, Fléchier, Turenne. L'un, voyant croître ses moissons, bénit la mémoire de celui à qui il doit l'espérance de sa récolte ; l'autre…, Fléchier, ib. Campagnes qu'engraissa le sang de nos guerriers, J'aime mieux vos moissons que celle des lauriers : La vanité les cueille et le hasard les donne, Voltaire, Poëmes, Voy. Berlin. J'errais parmi les fleurs, les moissons, les ruisseaux, Ducis, Abufar, II, 2.

    Fig. Jeter la faux en la moisson d'autrui, entreprendre sur son métier, sur ses attributions, sur ses droits. On dit dans le même sens et mieux : Il ne faut pas mettre la faucille dans la moisson d'autrui.

  • 4 Fig. Année. Ils s'adorent l'un l'autre ; et ce couple charmant S'unit longtemps, dit-on, avant le sacrement ; Mais, depuis trois moissons, à leur saint assemblage L'official a joint le nom de mariage, Boileau, Lutr. I.
  • 5 Fig. Acquisition en bien ou en mal. Ce savant a fait une riche moisson dans les archives du royaume, il y a recueilli des matériaux précieux. Ce gouverneur avait fait dans sa province une riche moisson, il s'y était enrichi par ses concussions. Cette quêteuse a fait une abondante moisson, sa quête a produit beaucoup d'argent. Les moissons d'or et d'argent, qui lui venaient [à l'Espagne] du nouveau monde, le rendaient [Philippe II] plus puissant que Charles-Quint, qui n'en avait eu que les prémices, Voltaire, Mœurs, 163.
  • 6 Fig. Dans le langage de l'Écriture, conversion des âmes. Ils reviendraient bientôt triomphants et comblés de joie, portant avec eux l'abondante moisson qu'ils avaient cueillie, Bourdaloue, Sur la récomp. des saints, 1er avent, p. 23. Combien de fois, jetant les yeux sur les vastes campagnes des Indiens et des sauvages, et croyant y voir une moisson jaunissante qui n'attendait que la main des ouvriers, pria-t-elle le père de famille d'y en envoyer ! Fléchier, Aiguillon.
  • 7 Fig. Dans le style élevé et poétique, récolte de choses comparées aux moissons. Mars nous fait recueillir d'amples moissons de gloire ; C'est à nos ennemis de craindre les combats, à nous de les chercher, certains que la victoire, Amante de Louis, suivra partout ses pas, La Fontaine, Fabl. VII, 18. Si cette vie est le champ fécond dans lequel nous devons semer pour la glorieuse immortalité, ne devons-nous pas désirer que ce champ soit ample et spacieux, afin que la moisson soit plus abondante ? Bossuet, Yol. de Monterby. C'est là [dans des conversations] qu'après avoir écouté les autres, il reprenait quelquefois les sujets qu'on croyait avoir épuisés, et que, recueillant les épis qu'on avait laissés après la moisson, il en faisait une récolte plus abondante que la moisson même, Fléchier, Lamoignon. Songez, seigneur, songez à ces moissons de gloire Qu'à vos vaillantes mains présente la victoire, Racine, Iph. V, 2. Ces moissons de lauriers, ces honneurs, ces conquêtes, Racine, ib. V, 2. Rappelez-leur que l'aquilon terrible De nos lauriers a détruit vingt moissons, Béranger, Bonne vieille.
  • 8Ancien terme de jurisprudence. Loi de moisson ou d'août, droit de publier le ban de la moisson, ou de vendre du vin en détail, à l'exclusion de toute autre personne pendant le mois d'août.

PROVERBES

Jette son bien de la bonne façon Qui sème et fait la moisson.

Celui qui fait la moisson en doit payer la façon.

En moisson et en vendange, il n'y a ni fête ni dimanche.

HISTORIQUE

XIIe s. Jà ne verrés l'entrée de moison, Que ci verrez Geri et Berneçon ; Sor vos venront as bons destriers gascons, Raoul de C. 242.

XVIe s. Passant dessus la tombe où Lucrece repose, Tu versas dessus elle une moisson de fleurs, Ronsard, 290. Il fault [pour payer tant de taxes] que tu ayes le pouvoir de nous donner deuz estez et deux automnes, deux moissons et deux vendanges, Amyot, Anton. 28. En moissons dames chambrieres sont, Cotgrave Grande moisson l'obeissant recueille, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Wallon, mèhon ; namur. mèchon ; Hainaut, michon, misson ; provenç. meisso, meisho ; du lat. messionem, dérivé de messis, récolte, qui vient de metere, couper, moissonner ; comparez le grec ἀ-μάω, l'allem. mähen, le danois meye. Le Berry dit metive, dérivé directement de metere.