« mirer », définition dans le dictionnaire Littré

mirer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

mirer

(mi-ré) v. a.
  • 1Regarder attentivement (peu usité en ce sens). Plus je regarde et mire ta personne, La Fontaine, Lun.

    Mirer des œufs, les regarder, en les plaçant entre son œil et le jour, pour s'assurer qu'ils sont frais.

    Mirer un drap, regarder à contre-jour une pièce de drap déployée, pour en apercevoir les défauts.

  • 2Regarder comme dans un miroir. Vous aimez madame et ses yeux noirs, Vous y venez mirer les vôtres tous les soirs, Hugo, Hernani, I, 2.
  • 3Mettre l'objet que l'on veut atteindre avec une arme à feu, sur la même ligne que la pointe de l'arme. Mirer une pièce de gibier. Toute chose prend fin, et rien n'en est exempt ; Possible que la mort nous mire en devisant, Garnier, Cornélie, II.

    Absolument. Il mira longtemps, et cassa la poupée. Un énorme boulet, qu'on lance avec fracas, Doit mirer un peu haut pour arriver plus bas, Voltaire, Tactique.

    Fig. Mirer une place, un emploi, y aspirer, y viser.

  • 4 V. n. On dit que des diamants et autres pierres mirent, quand elles ont peu d'angles ou de facettes et que la surface en rappelle celle d'un miroir.
  • 5Se mirer, v. réfl. Se regarder dans un miroir ou dans quelque autre chose qui renvoie l'image des objets qu'on lui présente. Ses yeux, qui demi-morts dans les miens se mirèrent, Bien mieux que ses discours de sa foi m'assurèrent, Racan, Berger. I, 3. Dans le cristal d'une fontaine Un cerf se mirant autrefois Louait la beauté de son bois, La Fontaine, Fabl. VI, 9. Le soir retient ici son haleine expirante, De crainte de ternir la glace transparente Où se mire le firmament, Lamartine, Harm. I, 10. … dans les eaux où le cygne se mire, Musset, Nuit de mai.

    Par exagération. On se mirerait dans ce parquet, c'est-à-dire il est fort uni et fort luisant.

    On se mire dans cette vaisselle, c'est-à-dire elle est très nette et très claire. Tout passa par ses mains [de la propreté], et le vin et la glace, Et les carafes de cristal ; On s'y serait miré…, La Fontaine, Tabl.

    Terme de marine. On dit que la terre se mire pour exprimer que les vapeurs font paraître les terres comme si elles étaient élevées sur de bas nuages.

  • 6 Fig. Se voir, se reconnaître. Trouvez-vous bien noble et bien juste de se faire un mérite de dégrader ce beau gouvernement ? n'est-ce pas l'intérêt commun des grands seigneurs, des grands gouverneurs ? ne doivent-ils point se mirer dans cet exemple [de M. de Chaulnes] ? Sévigné, 6 nov. 1689. Je vous laisse digérer ces réflexions, et je vous prie tous deux [M. et Mme de Grignan] de vous mirer, et de voir si vous êtes de la vieille cour [bons à reléguer], Sévigné, 13 mars 1680.

    Se complaire. Se mirer dans son ouvrage. Tes fils se mireront en si belles dépouilles, Régnier, Ép. I. Le moindre rayon de beauté que l'âme y aperçoit [dans le corps] suffit pour l'arrêter ; elle se mire pour ainsi parler, et se considère dans ce corps, Bossuet, la Vallière. On se fait une idole de son esprit : on se mire dans ses pensées, Fénelon, t. XVIII, p. 36. Qu'il se mirait sans cesse dans son opulence, et croyait qu'un millionnaire était le premier homme du monde, Saurin, Mœurs du temps, sc. 1.

    Un paon se mire dans sa queue, se dit d'un glorieux qui fait vanité de sa bonne mine ou de quelque autre avantage qu'il croit avoir.

    On dit dans le même sens : se mirer dans ses plumes.

SYNONYME

MIRER, VISER. Mirer, c'est tourner la mire vers ; viser, c'est tourner le vis, le visage. Ces deux mots, quand il s'agit de pointer une arme à feu, sont synonymes ; seulement, aujourd'hui, viser est plus usité que mirer.

HISTORIQUE

XIIe s. Li duz Miles se pasme, qui en la mort se mire, Sax. X. Mais se vos ieuz où l'on se puet [peut] mirer…, Couci, II.

XIIIe s. Tant ert [elle était] blanche et vermeille qu'on s'i peüst mirer, Berte, III. C'est le mireoirs perilleus, Où Narcissus li orguilleus Mira sa face et ses yex vers, Dont il jut puis mors tout envers, la Rose, 1581.

XVe s. Et à brief dire, tant donne bon exemple de devotion à ceulx qui le voyent, que grands et petits s'y mirent, Boucic. IV, 3.

XVIe s. Tel se mire qui n'est pas beau, et tel se baigne qui n'est pas net, Marguerite de Navarre, Lett. 3. Et comme les gens de guerre qui s'avouoient à lui se miroient à [imitaient] ses inconstances, D'Aubigné, Hist. II, 159. …Que les canoniers ne se lassent de tirer incessamment, sans bracquer ny mirer, mais seulement à coups perdus et en ruyne, Carloix, V, 25. C'est pourquoi je suis miré et recogneu par dessus ceux de ma vocation, et respecté par ceux mesmes qui ne me cognoissent, Paré, au lecteur. Son arc n'est plus faultier, sa fleche est advisée, Qui mire droict au cœur sans y prendre visée, Ronsard, 213. Nature nous a touts figurez de mesme paste, à fin que chascun se peust mirer et quasi recognoistre l'un dans l'autre, La Boétie, Serv. volont. Dame qui trop se mire peu file, Cotgrave Qui bien se mire, bien se void ; qui bien se void, bien se cognoist ; qui bien se cognoist, peu se prise ; qui peu se prise, Dieu l'avise, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Berry, mirer, comparer ; wallon, se murer ; génev. et norm. mirer, viser : il mire une riche veuve ; provenç. et espagn. mirar ; ital. mirare ; du lat. mirari, dont le sens est admirer. Le sens de contempler, sinon d'admirer, se trouve dans les anciens textes, par une atténuation du sens étymologique. Cette atténuation a conduit facilement au sens de regarder dans un miroir, de viser.