« ignorer », définition dans le dictionnaire Littré
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ignorer
- 1Ne pas savoir, ne pas connaître.
C'est par la suite de ces conseils que Dieu a fait naître les deux puissantes maisons d'où la reine devait sortir : celle de France et celle d'Autriche, dont il se sert pour balancer les choses humaines, jusqu'à quel degré et jusqu'à quel temps ? il le sait et nous l'ignorons
, Bossuet, Mar.-Thér.Il serait honteux, je ne dis pas à un prince, mais en général à tout honnête homme, d'ignorer le genre humain et les changements mémorables que la suite des temps a faits dans le monde
, Bossuet, Hist. Dessein général.J'ignore de quel crime on a pu me noircir
, Racine, Brit. IV, 2.J'ignore si de Dieu l'ange se dévoilant Est venu lui montrer un glaive étincelant
, Racine, Ath. II, 2.Je lui vendrai si cher ce bonheur qu'il ignore, Qu'il vaudrait mieux pour lui qu'il l'ignorât encore
, Racine, Mithr. II, 1.Le malheureux, il cherchait tour à tour Tous les plaisirs, il ignorait l'amour
, Voltaire, Enfant prod. I, 3.La bonne comédie fut ignorée jusqu'à Molière, comme l'art d'exprimer sur le théâtre des sentiments vrais et délicats fut ignoré jusqu'à Racine
, Voltaire, Lett. sur Zaïre.Ignorer de, avec un verbe à l'infinitif.
Albergoti eut l'art de se mettre bien avec tous ceux de qui il pouvait attendre, bien qu'il n'ignorât pas d'être haï et qu'on se défiait beaucoup de lui
, Saint-Simon, 455, 159.Ignorer que, avec l'indicatif si la phrase est négative, et avec le subjonctif si la phrase est affirmative. Je n'ignore pas qu'il a voulu me nuire. Il ignorait qu'on fît des informations contre lui. On ignore communément qu'il en soit ainsi.
Absolument.
Voilà notre état véritable ; c'est ce qui nous rend incapables de savoir certainement et d'ignorer absolument
, Pascal, Pensées, t. I, p. 248, édit. LAHURE. - 2Il se dit des personnes qui ne sont pas connues.
Jusqu'ici d'un vain titre Octavie honorée, Inutile à la cour, en était ignorée
, Racine, Brit. III, 4.Il s'éleva un nouveau roi dans l'Égypte qui ignorait Joseph
, Voltaire, Philosophie, Bible expliquée, Exode.Ignorer les hommes, ne pas connaître le cœur humain.
- 3Dans le style soutenu. Ne pas connaître, ne pas pratiquer.
Elle ignora toujours l'imposture.
J'ignore ce grand art qui gagne une maîtresse
, Boileau, Sat. I. - 4Neutralement. Ne pas ignorer de, savoir, être instruit.
Il annonça ses intentions, afin que personne n'en ignorât.
Ceux-là même qui sont séparés de nous de toute l'étendue de la mer… n'ignorent point de cette vérité
, Guez de Balzac, le Prince, ch. 5.Quant à vous, je vois bien Qu'en sortant du couvent vous n'ignorez de rien
, Hauteroche, App. trompeuses, III, 7.Monsieur l'abbé, vous n'ignorez de rien, Et ne vis onc mémoire si féconde
, Rousseau J.-B. Épigr. - 5S'ignorer, v. réfl. Ne pas se connaître soi-même.
C'est dans ce doute qui doute de soi et dans cette ignorance qui s'ignore et qu'il [Montaigne] appelle la maîtresse forme, qu'est l'essence de son opinion (voy. IGNORANCE, à l'historique)
, Pascal, Entret. sur Épict. et Mont.Mais souvent un auteur qui se flatte et qui s'aime, Méconnaît son génie et s'ignore soi-même
, Boileau, Art p. I.Dans ces rêves flatteurs que j'ai perdu de jours ! Cherchant à tout savoir et m'ignorant toujours
, Racine L. la Religion, ch. II.On s'ignore dans le ventre de sa mère ; c'est là pourtant que les idées devraient être les plus pures, car on est moins distrait
, Voltaire, Lett. L. C. 23 déc. 1768.Et mon cœur qui s'ignore Peut-il admettre un Dieu que mon amant abhorre ?
Voltaire, Zaïre, I 1.N'avoir point une juste opinion de soi-même, de ses forces.
Objet de la publique estime, Toi seul, tu parais t'ignorer
, Lamotte, Od. t. I, p. 406, dans POUGENS.L'envie n'attaqua point un mérite qui s'ignorait
, Raynal, Hist. phil. III, 15.Être dans l'ignorance de ses propres sentiments.
Je la laisse échapper ! je m'ignore moi-même
, Voltaire, Zaïre, III, 7.Ah ! demeurez, Octar, je me crains, je m'ignore
, Voltaire, Orphel. III, 4.Plein d'un mortel poison dont l'horreur me dévore, Je m'ignorais moi-même et je me cherche encore
, Voltaire, Brutus, V, 7.
HISTORIQUE
XIVe s. Quant li rois la roïne vist si forment plorer, Et il out entendu tout senz rien ignorer…
, Girart de Ross. V. 2564.
XVe s. Et sur ce, le roy d'Angleterre n'avoit pas ignoré [été négligent] ne dormy sur ces besongnes
, Froissart, liv. IV, p. 223, dans LACURNE.
XVIe s. Or, entreprenant à former la vie de l'homme chrestien, je n'ignore pas que je n'entre en une matiere ample et diverse
, Calvin, Inst. 534. Afin d'ignorer la chose [de la cacher], elle et une de ses chambrieres, en qui elle se fioit, porterent le corps mort dedans la rue
, Marguerite de Navarre, Nouv. L.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. et espagn. ignorar ; ital. ignorare ; du lat. ignorare, de i pour in privatif, et d'un radical inusité gnorus, très voisin de gnarus, qui sait.