« hardi », définition dans le dictionnaire Littré

hardi

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

hardi, ie [1]

(har-di, die) adj.
  • 1Qui ose beaucoup. De hardis aventuriers. Hardi comme un lion. Il est très hardi auprès des femmes. Un hardi réformateur. Il ne fallait pas un cœur moins hardi que le sien pour cette entreprise [présenter un hommage à une dame], et je ne sais encore comment elle lui réussira, Voiture, Lett. 4. Un de nos fantassins, très bon nomenclateur, Du titre de hardi baptisant Monseigneur [le fils de Louis XIV], Le fera sous ce nom distinguer dans l'histoire, La Fontaine, Poésies mêlées, LXIV. Stilicon était grand homme de guerre et grand politique, sage dans le conseil, hardi dans l'exécution, adroit à ménager les esprits, Fléchier, Hist. de Théodose, IV, 75. Je laisse aux plus hardis l'honneur de la carrière, Boileau, Épît. I. Il montre aux plus hardis à braver le danger, Racine, Théb. I, 1. Narcisse, plus hardi, s'empresse pour lui plaire, Racine, Brit. V, 8. D'amis et de soldats une troupe hardie Aux portes du palais attend notre sortie, Racine, Baj. IV, 7. Peuple lâche en effet et né pour l'esclavage, Hardi contre Dieu seul…, Racine, Ath. III, 7. Enfin l'adroit scalpel, le verre officieux Trahirent ces secrets ; le hardi botaniste Devint des végétaux l'habile anatomiste, Delille, Trois règnes, VI. Mlle Rose est bien hardie d'être sortie hier avec vous, Picard, Vieille tante, III, 4.

    Hardi à, suivi d'un infinitif. Celui-là [Turenne], d'un air plus froid, sans jamais rien avoir de lent, plus hardi à faire qu'à parler, Bossuet, Louis de Bourbon. Les hommes toujours hardis à juger les autres, sans épargner les souverains, Bossuet, Mar. Thér. Mais un traître qui n'est hardi qu'à m'offenser, Racine, Mithr. II, 4.

    C'est un hardi joueur, se dit d'un homme qui joue gros jeu ou qui tient avec petit jeu.

    On dit dans le même sens : être hardi au jeu.

    Terme de fauconnerie. Rendre le faucon hardi, lui donner goût à la chasse.

  • 2Ferme, intrépide, assuré. Il avait la mine hardie en ce péril.
  • 3En parlant des choses, qui dénote de la hardiesse. Un projet hardi. Une action, une entreprise hardie. Semblable dans ses sauts hardis et dans sa légère démarche à ces animaux vigoureux et bondissants, Bossuet, Louis de Bourbon. …Si de mon propre sang ma main versant des flots N'eût par ce coup hardi réprimé vos complots, Racine, Ath. II, 7.
  • 4Insolent, effronté. Voilà un drôle bien hardi. Hardi comme un page. Un hardi coquin. Cette fille a l'air hardi. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? La Fontaine, Fabl. I, 10. Un fourbe cependant, assez haut de corsage, Et qui lui ressemblait [à l'honneur] de geste et de visage, Prend son temps, et partout ce hardi suborneur S'en va chez les humains crier qu'il est l'honneur, Boileau, Sat. X. Burrhus ose sur moi porter des mains hardies, Racine, Brit. IV, 2. Je sais mes perfidies, Oenone, et ne suis point de ces femmes hardies Qui, goûtant dans le crime une tranquille paix, Ont su se faire un front qui ne rougit jamais, Racine, Phèdre, III, 3.
  • 5Qu'il est dangereux ou difficile de soutenir, en parlant de doctrines, d'opinions, etc. Mettre en avant les idées les plus hardies. Les doctrines hardies des novateurs. Collins, magistrat de Londres, auteur du livre de la liberté de penser et de plusieurs autres ouvrages aussi hardis que philosophiques, Voltaire, Phil. Newt. I, 4. La philosophie de Memmius est quelquefois un peu hardie ; on peut faire même reproche à celle de Cicéron et de tous les grands hommes de l'antiquité, Voltaire, Memmius, préface.
  • 6 Terme de littérature. Heureusement hasardé. Pensée, métaphore hardie. Un style hardi. Il fallait que la scène [dans l'Orphelin de la Chine] fût dans une salle de Confucius… que tout fût neuf et hardi, que rien ne se ressentît de ces misérables bienséances françaises…, Voltaire, Lett. d'Argental, 17 sept. 1755.

    Cela est bien hardi, c'est-à-dire c'est une licence, une alliance de mots qui étonne la critique et qu'elle n'ose ni approuver ni condamner.

    En termes d'art et de littérature, qui hasarde avec succès. Pinceau hardi. Ce maître d'écriture a la plume hardie. Il faudrait une main plus hardie que la mienne pour entreprendre de représenter ce qui est en vous et en elle, Voiture, Lett. 5. Ô toi… Qui, par les traits hardis d'un bizarre pinceau, Mis l'Italie en feu pour la perte d'un seau, Boileau, Lutr. IV.

    C'est une plume hardie, il a la plume hardie, se dit d'un auteur qui a un style hardi, et aussi d'un auteur qui écrit librement sur des matières délicates. Voltaire fut durant une grande partie du XVIIIe siècle une plume hardie.

  • 7Dans certains arts, conçu, exécuté avec une aisance qui ne dénote ni hésitation ni timidité. Le dessin de ce tableau est noble et hardi. Une écriture hardie. Le jeu de ce musicien est hardi. Exécution hardie. Des traits hardis.

    Il se dit aussi de certains ouvrages d'art qui ont quelque chose d'extraordinaire et de grand. Il y a dans ce tableau des poses très hardies.

    En architecture, il se dit des ouvrages qui, malgré leur masse, présentent élégance et légèreté. Les cathédrales gothiques sont hardies. Un clocher hardi. Un escalier hardi. Ces angles, ces fossés, ces hardis boulevards, Voltaire, Alz. II, 6. Ces hardis monuments que l'univers admire…, Voltaire, Sémiramis, I, 5.

  • 8 Terme de manége. Branche hardie, branche du mors dont le levier forme une longue saillie. Les branches hardies servent à ramener la tête du cheval.
  • 9Hardi, loc. interj. qui sert à exciter. Là, hardi ! tâche à faire un effort généreux En le tuant, tandis qu'il tourne le derrière, Molière, Sgan. 21.

    PROVERBE

    Il n'y a rien si hardi qu'une chemise de meunier, parce qu'elle prend tous les matins un larron au collet.

HISTORIQUE

XIe s. Sur tute gent est la tue [tienne] hardie, Ch. de Rol. CXXIV. Li quens [le comte] Rabels est chevaliers hardiz, ib. CCXLIII.

XIIe s. Et de bataille hardis et enseignés, Ronc. p. 65. Car je ne sui si forz ne si hardiz Qu'envers Amor [je] me peüsse contendre, Couci, V. Onc n'i ot si hardi ne tremblast com larron, Sax. XXII. Li plus hardi des trois voussist [voudrait] estre à Paris, ib. XXIV.

XIIIe s. Sachiés qu'il n'i ot si hardi à qui la char ne fremesist, Villehardouin, LXI. Mais plus hardie chose [que Pepin] ne fut onque choisie [vue], Berte, II. Ne cuida pas mes peres li rois au cuer hardit, ib. LIII. Il est establi, et de novel, que nus [nul] sers, ne nule serve ne soit si hardis qu'il face de son fils clerc, ne se [sa] fille metre en religion, Beaumanoir, XLV, 28. Et ce que noz disons qu'il soit hardis, c'est une vertu sans le [la] quele li baillis ne pot fere ce qui apartient à son office, Beaumanoir, I, 6.

XIVe s. Je croi bien que Bertran jà vieil ne vivera, Car il est trop hardis, occire se fera, Guesclin. 15823.

XVe s. …Il y avoit un bourgeois à Gand qui s'appeloit Jean Lyon, sage homme, subtil, hardi, cruel et entreprenant, Froissart, II, II, 52. Bon paintre pour faire banniere, Bon armurier fault que l'en quierre, Chevaucheur qui va main et tart En peril avant et arriere ; Chascun est hardi en son art, Deschamps, Poésies mss. f° 356. Hardi à l'escuelle et couart au baston, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 304.

XVIe s. Deux longs tertres te ceignent, Qui de leur flanc hardi Les aquilons contraignent, Et les vents du midi, Ronsard, 410. Hardi gaigneur, hardi mangeur, Cotgrave Mieux vaut couard que trop hardi, Cotgrave Hardy de la langue, couard de la lance, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 304.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. ardit ; ital. ardito. Hardit est le participe du verbe hardir, que nous disons aujourd'hui enhardir ; hardir répond à l'ancien haut allemand hartjan, endurcir, rendre fort, de l'anc. haut all. harti, dur, en parlant des choses, fort, hardi, en parlant des personnes. La loi de Grimm ramène directement harti au sanscrit kratu, celui qui achève et aussi puissance ; c'est le grec ϰρατὺς, fort.