« gent », définition dans le dictionnaire Littré
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gent [1]
- 1 Au sing.
Nation, race, ô combien lors aura de veuves La gent qui porte le turban !
Malherbe, III, 1.Car elle avait appris de la bouche des Parques, Que du haut sang troyen, semence des monarques, Descendrait une gent invincible aux combats
, Card. DUPERRON, Énéide, I.De cette gent farouche adoucira les mœurs
, Segrais, Énéide, v.Cet emploi, dans le style noble, tombe en désuétude ; cela est fâcheux.
- 2 Au sing. Le style familier use aujourd'hui de ce mot pour signifier race, espèce.
Il dit qu'Aenéas et sa gent Ne valait pas beaucoup d'argent
, Scarron, Virg. VIII.La gent à grègues retroussées [les pages]
, Scarron, dans LE ROUX, Dict. comique.Vive la gent qui fend les airs !
La Fontaine, Fabl. II, 5.La gent trotte-menu s'en vient chercher sa perte
, La Fontaine, ib. III, 18.Longtemps entre nos coqs le combat se maintint… La gent qui porte crête au spectacle accourut
, La Fontaine, ib. VII, 13.Ils devraient, ces auteurs, demeurer dans leur grec, Et se contenter du respect De la gent qui porte férule ; D'un savant traducteur on a beau faire choix, C'est les traduire en ridicule Que de les traduire en françois
, Perrault, Parallèle des anciens et des modernes, à la fin de la préface.Pour peu qu'ils fussent au fait de ce qui se passe aujourd'hui chez la gent comique, ils y trouveraient bientôt un sens clair
, Lesage, Diable boit. chap. 16.Contre la gent hypocrite Voyez son malin courroux
, Béranger, Ermite.Fig. La gent moutonnière, ceux qui suivent l'impulsion donnée par les autres.
- 3 Au plur. Le droit des gens, le droit des nations (ici gens s'écrit toujours sans t) ; dans le droit romain, et par suite dans l'ancien droit français et dans beaucoup de locutions qui en proviennent, il signifie droit naturel, c'est-à-dire les règles de l'équité naturelle qui sont communes à toutes les nations.
Aujourd'hui, on entend par droit des gens le droit de nation à nation, tant le droit diplomatique positif résultant des traités, que le droit international, ensemble de règles coutumières ou écrites qui règlent les rapports d'une nation avec les étrangers en temps de paix ou même en temps de guerre.
HISTORIQUE
XIe s. Ne n'ai tel gent qui la sue [la sienne] derompe
, Ch. de Rol. II. S'il ont grant gent [des troupes nombreuses], d'ice, signur, cui chaut ?
ib. CCXLI.
XIIe s. Franc, dit Rolant, bone gent honorée
, Ronc. p. 48. Par le conseil de fausse gent vilaine
, Couci XI. À vous, amans, plus qu'a nule autre gent Est bien raison que ma dolor [je] complaigne
, ib. XXII. Il departi ses oz [armée] et renvoia sa gent
, Sax. XI.
XIIIe s. Et par ce qu'il savent certainement que nule gent n'ont si grant pooir par mer comme vous avés
, Villehardouin, XII. Or vous faites aimer [de] gent letrée et gent laie
, Berte, VIII. Car gent françoise sont de grant beubancerie
, ib. LXXII. Mès vers la gent très bien te cele, Et quier autre achoison [occasion] que cele Qui cele part te face aler
, la Rose, 2399. Si ne croi mie que Dieux l'ost [l'ôte] D'avec les sainz, ainz l'i a mis, Qu'il a toz jors esté amis à sainte Eglise et à gent d'ordre [moines]
, Rutebeuf, 42.
XIVe s. Et voion entre les homes que ceulz qui sont d'une gent ou d'un lignage aiment l'un l'autre
, Oresme, Eth. 229.
XVe s. Avec lui moult belle gent d'armes
, Froissart, I, I, 117. … Si très tost que [le héraut des Anglais] approcha, ces Flamands l'enclouirent, et là l'occirent comme folle gent et de petite connoissance
, Froissart, II, II, 207. Ha ! qu'est-ce que de vaillante gent ! l'un en vault mille, et mille faillis n'en vaillent un bon
, Boucic. II, 20.
XVIe s. Bienheureuse est la gent qui n'est point morte Sans veoir premier vostre ferme unité
, Marot, II, 311. Celuy qui est terrible, qui transfere les couronnes et royaumes d'une gent [nation] à autre
, Amyot, Moral. Épît. p. 4. Pour nous assujettir à cette gent payenne
, Garnier, Bradam. I.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. gent, gen ; espagn. portug. et ital. gente ; du latin gentem, nation, du radical gen, gin qui est dans gignere, engendrer, genitus, engendré ; grec, γίνεσθαι, naître ; irl. gean, engendrer ; sanscrit, jan.