« furie », définition dans le dictionnaire Littré
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furie
- 1 Terme de polythéisme gréco-romain. Nom des trois divinités infernales qui tourmentaient les méchants. Le fouet des Furies.
Tes remords te suivront comme autant de Furies
, Racine, Brit. V, 6.Les dieux justes l'ont livré aux Furies
, Fénelon, Tél. V.La vieillesse avait ajouté une affreuse difformité à sa laideur naturelle, et elle ressemblait à une Furie
, Fénelon, t. XIX, p. 15.Ils [les anciens] leur assignèrent [aux enfers] trois conseillers d'État, trois femmes de charge nommées les Furies, trois Parques pour filer, dévider et couper le fil de la vie des hommes
, Voltaire, Dict. phil. Enfer.Le chien à trois têtes, et les trois Parques, et les trois Furies sont des agneaux en comparaison de nos Sylla et de nos Marius
, Voltaire, Memmius, V.Nous rions du mot diable, nous respectons celui de Furie ; voilà ce que c'est que d'avoir le mérite de l'antiquité ; il n'y a pas jusqu'à l'enfer qui n'y gagne
, Voltaire, Ess. poésie ép. ch. 7.Par extension.
La volupté… c'est une Furie qui n'épargne rien
, Massillon, Panég. St J. Bapt.Depuis ce jour funeste [la bataille de Morat] une horrible Furie Habite dans le sein du prince bourguignon, Et, dans les noirs accès de sa mélancolie, Elle agite son âme et trouble sa raison
, Masson, Helvétiens, VII.En ces sens il prend une majuscule.
- 2 Fig. Femme très méchante et très emportée. C'est une furie d'enfer.
Ô trahison conçue au sein d'une furie !
Corneille, Cinna, IV, 1.Quoi ! votre amour se veut charger d'une furie Qui vous détestera…
, Racine, Andr. III, 1.Elles [des femmes qui suivaient l'armée d'Arioviste] lui défendirent de livrer bataille avant la nouvelle lune ; ces furies allaient sacrifier à leurs dieux Procilius et Titius, deux ambassadeurs envoyés par César à ce perfide Arioviste
, Voltaire, Memmius, V. - 3Emportement de colère, ainsi dit à cause de la fureur vengeresse qui animait incessamment les furies.
Que sert de s'emporter à ces vaines furies ?
Corneille, Méd. V, 6.Où fuirais-je de vous après tant de furie ?
Corneille, Rodog. V, 4.Leur effroyable décharge met les nôtres en furie
, Bossuet, Louis de Bourbon.L'enfer s'émeut au bruit de Neptune en furie
, Boileau, Longin, Sublime, VII.Tel qu'on voit un taureau qu'une guêpe en furie A piqué dans les flancs aux dépens de sa vie
, Boileau, Lutr. I.Le désolé vieillard, qui hait la raillerie, Lui défend de parler, sort du lit en furie
, Boileau, ib. IV.Vient-on avec furie Arracher de vos bras votre fils Zacharie ?
Racine, Athal. III, 4.Ah ! j'aime avec transport, je hais avec furie
, Voltaire, Brutus, II, 1.De furie, par un mouvement de furie.
S'il [l'ours] n'est que blessé, il vient, de furie, se jeter sur le tireur
, Buffon, Morc. choisis, p. 240.Par exagération, il se dit d'un simple mécontentement.
Je suis encore ici ; j'en suis en furie
, Sévigné, 52.Elles sont en furie contre ces folles
, Sévigné, 148.Il me met en furie par le sot livre qu'il vient de lire
, Sévigné, 239. - 4Il se dit du mouvement violent et impétueux d'un animal irrité. Le lion en furie. La furie des bêtes sauvages.
- 5Impétuosité de colère, d'attaque. Il faut laisser passer cette première furie.
N'a-t-il pas des mutins dissipé la furie ?
Corneille, Héracl. V, 7.Il a trop écouté son aveugle furie
, Voltaire, Tancr. V, 6.Crois-moi, dans leur furie, Les cœurs les plus ardents ont leur mélancolie
, Ducis, Abufar, III, 2.La furie française, l'impétuosité de la première attaque des troupes françaises.
Ce qui s'appelle deçà les monts la furie française a plus d'une fois réussi très utilement delà les monts
, Guez de Balzac, De la cour, 4e disc.Assaillis par un premier élan de cette furie française si célèbre, ils virent tout à coup les soldats de Morand au milieu d'eux et s'enfuirent déconcertés
, Ségur, Hist. de Nap. VII, 11. - 6Impétuosité d'action, action rapide.
Massinisse en un jour voit, aime et se marie ; A-t-on jamais parlé d'une telle furie ?
Mairet, Sophon. IV, 5.Il écrit, de cette furie, à tout ce qui est hors de Paris
, Sévigné, 226. - 7Passion excessive et déraisonnable.
Et que sert à Cotin la raison qui lui crie : N'écris plus, guéris-toi d'une vaine furie ?
Boileau, Sat. VIII. - 8Grande violence des choses.
La mer répandra contre eux sa vague irritée, et les fleuves se déborderont avec furie
, Sacy, Bible, Sagesse, V, 23.Les remèdes chauds mettent le sang en furie
, Sévigné, 487.La reine ose encore se commettre à la furie de l'océan et à la rigueur de l'hiver
, Bossuet, Reine d'Anglet.J'ai su, par une longue et pénible industrie, Des plus mortels venins prévenir la furie
, Racine, Mithr. IV, 5.Ils les ont arrachés à la mer en furie
, Voltaire, Oreste, IV, 8. - 9L'état le plus violent d'une chose, la plus grande intensité. La furie de la mêlée. Dans la furie de son mal. La furie de la fièvre.
- 10 Terme de musique. Nom donné, dans les ballets, à certains morceaux d'un mouvement vif, avec un caractère analogue à l'action des passions violentes.
- 11Ancienne étoffe de soie des Indes, ainsi nommée des figures hideuses qui y étaient imprimées.
- 12 Terme de médecine. Furie infernale, affection observée en Suède, caractérisée par une éruption furonculeuse très douloureuse.
HISTORIQUE
XIVe s. Anciennement l'en creoit estre trois deesses d'enfer apelées Furies
, Bercheure, f° 23, verso.
XVe s. Tout à l'entour de nos rempars Les ennemis sont en furie : Sauvez nos tonneaux, je vous prie !
Basselin, LXII.
XVIe s. Les furies l'ont sonné [mon hymen] Et donné Le signe à ma destinée
, Du Bellay, J. IV, 31, verso. Icy se teut ; mais pleine de furie La grand prestresse impatiente enrage Par la caverne
, Du Bellay, J. IV, 42, recto.
ÉTYMOLOGIE
Ital. furia ; du lat. furia ; de même radical que furor, fureur.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
FURIE. - HIST. Ajoutez : XIIe s. Et enprès si [Calchas] lor anoncia Que jà li venz n'abessereit Ne la mers ne s'apesereit, Desi [de ci] que les infernax fures Eüssent eü lor dreitures
, Benoit de Sainte-Maure, Roman de Troie, V. 26286. (on remarquera que fure est la forme française, le lat. fúria ayant l'accent sur fu ; furie a été refait au XIVe siècle sur le latin).