« digne », définition dans le dictionnaire Littré
Définition dans d'autres dictionnaires :
digne
- 1Qui mérite, en parlant des personnes. Il est digne de récompense. Digne d'être admiré.
Il est faux que nous soyons dignes que les autres nous aiment ; il est injuste que nous le voulions
, Pascal, Pensées, art. XXIV, 56, éd. Lahure, 1860.Approchez, ô vous qui courez avec tant d'ardeur dans la carrière de la gloire, âmes guerrières et intrépides ; quel autre fut plus digne de vous commander ?
Bossuet, Louis de Bourbon.Digne de notre encens et digne de nos vers
, Boileau, Sat. VII.Je mourais ce matin digne d'être pleurée
, Racine, Phèd. III, 3.Jamais femme ne fut plus digne de pitié
, Racine, ib. II, 5.Qui mérite, en parlant des choses. Conduite digne d'éloges. Langage digne d'être applaudi. Exemple digne d'imitation.
Il t'offre une oraison, il t'offre des louanges, Dignes de se mêler à celles de tes anges
, Corneille, Imit. III, 48.Digne de créance, digne de foi, se dit des personnes et des choses.
- 2En mauvaise part. Il est digne de punition, de mépris. Cette action est digne d'un châtiment.
Car c'en est une [trahison] enfin bien digne de supplice Qu'avoir d'un tel secret donné le moindre indice
, Corneille, Héracl. II, 1.Et toutes les hauteurs de sa folle fierté Sont dignes tout au plus de ma sincérité
, Molière, F. savantes, I, 3.Voilà le digne fruit de tant de travaux et, dans le comble de leurs vœux, la conviction de leur erreur ; venez, rassasiez-vous, grands de la terre, saisissez-vous, si vous pouvez, de ce fantôme de gloire, à l'exemple de ces grands hommes que vous admirez
, Bossuet, Louis de Bourbon.Qu'elle nous parut au-dessus de ces lâches chrétiens qui s'imaginent avancer leur mort quand ils préparent leur confession ; qui ne reçoivent les saints sacrements que par force ; dignes certes de recevoir pour leur jugement ce mystère de piété qu'ils ne reçoivent qu'avec répugnance !
Bossuet, Duch. d'Orléans. - 3 Absolument. Honnête, honorable ; en ce sens digne se met toujours avant son substantif. Un digne homme. Un digne magistrat.
Et demandons aux dieux, nos dignes souverains…
, Corneille, Nicom. V, 10.Rodrigue aime Chimène, et ce digne sujet De ses affections est le plus cher objet
, Corneille, Cid, I, 7.Quand je semais partout la terreur et l'effroi, J'étais un grand héros, j'étais un digne roi
, Corneille, Perthar. I, 4.Que pouvait penser le prince, si ce n'est que, pour accomplir les plus grandes choses, rien ne manquerait à ce digne fils que les occasions ?
Bossuet, Louis de Bourbon.Paraissez, cher enfant, digne sang de nos rois
, Racine, Athal. V, 5.Il se jeta au milieu d'une colonne romaine, où il périt en digne fils d'Amilcar et en digne frère d'Annibal
, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. I p. 460, dans POUGENS.Dis-leur que j'ai donné la mort la plus affreuse à la plus digne femme, à la plus vertueuse
, Voltaire, Zaïre, V, 10.Capable. C'est un digne sujet.
Et s'il n'avait laissé dans de si dignes mains L'infaillible secret de vaincre les Romains
, Corneille, Nic. III, 2.Cependant, si digne, en ces emplois, est modifié par quelque autre mot, on peut le mettre après son substantif.
Quand, à la fin du repas, il [Pierre 1er] vit son portrait qu'on venait de peindre, placé tout d'un coup dans la salle, il sentit que les Français savaient mieux qu'aucun peuple du monde recevoir un hôte si digne
, Voltaire, Hist. de Russie, II, 8.On le dit aussi des choses ; et alors digne se met encore après son substantif. Une conduite digne. Rien de plus digne que sa conduite.
- 4Convenable, mérité ; il se met en ce sens, avant son substantif.
On regarde sa mort comme un digne supplice
, Corneille, Tois. d'or, IV, 1.Choisissez-lui, Lépide, un digne appartement
, Corneille, Pomp. III, 4.Digne emploi d'un ministre…
, Racine, Brit. III, 3.Digne objet de leur crainte
, Racine, Andr. I, 4.Le plus froid mépris De vos caprices vains sera le digne prix
, Voltaire, Zaïre, IV, 2.Vous daignâtes bientôt, soit grandeur, soit pitié, Soit plutôt digne effet d'une pure amitié…
, Voltaire, ib. II, 2. - 5Qui est en rapport, qui a de la convenance, de la conformité avec. Il montra partout une vertu digne de sa naissance.
Si je n'eusse produit un fils digne de moi, Digne de son pays et digne de son roi
, Corneille, Cid, II, 9.Mais si par d'autres soins plus dignes de mon âge
, Racine, Baj. III, 2.Songez-y donc, madame, et pesez en vous-même Ce choix digne des soins d'un prince qui vous aime, Digne de vos beaux yeux trop longtemps captivés, Digne de l'univers à qui vous le devez
, Racine, Brit. II, 3.Il régit que avec le subjonctif. Il est bien digne que vous fassiez quelque chose pour lui. Il n'était pas digne qu'on fît quelque chose pour lui. Êtes-vous digne qu'on fasse quelque chose pour vous ?
- 6Grave, réservé, fier, en parlant du ton, des manières ; digne se met alors toujours après son substantif. Avoir, prendre un air digne.
C'était une personne froide, digne, silencieuse
, Staël, Corinne, XIV, 1.Il se dit quelquefois, par dénigrement, d'une affectation d'importance. Elle a un petit air digne qui me déplaît.
REMARQUE
Digne, employé avec une négation, ne se dit que du bien : Il n'est pas digne de récompense, il n'en mérite pas. C'est donc une incorrection de dire : il n'est pas digne de votre courroux, pour : il ne mérite pas que vous soyez en courroux contre lui. Autrement, il n'est pas digne de votre courroux, est très correct, signifiant : il est au dessous de votre courroux, vous lui feriez trop d'honneur.
HISTORIQUE
XIe s. Quar il ad Deu bien et à gret servit, Et il est digne d'entrer en paradis
, St Alexis, XXX.
XIIe s. Chers [riches] est li lieus, si est digne l'eglise
, Ronc. p. 179.
XIIIe s. De la folie as femes m'esmerveil ge souvent ; Femme est plus orgueilleuse que lions ne serpent ; Par femes sommes nous trestuit mis à torment ; Feme nos gita fors du disne firmament
, Chastie-Musart, ms. f° 107, dans LACURNE.
XIVe s. … que dame Dieu qui maint en Bethleent Vueille garder de mal, par son disne commant, Bertran…
, Guesclin. 5357-5363.
XVe s. Celle oriflambe est une digne banniere et enseigne
, Froissart, II, II, 196. Et si leur bataille tourne et leurs gens viennent pour les secourir, nous sommes bien dignes [capables] de les deconfire tous
, le Jouvencel, ms. p. 224, dans LACURNE.
XVIe s. Elle commença à lui dire tous les propos qu'elle pensoit dignes [capables] de le retirer du lieu où il estoit
, Marguerite de Navarre, Nouv. LXIV. Ce porteur a vu tout ce qui est digne d'escripre de ce pays
, Marguerite de Navarre, Lett. 166. Le bien de vous voir est digne d'oublier toute aultre chose pour y parvenir
, Marguerite de Navarre, ib. IX. Si j'estoys digne d'estre crue sur ces affaires
, Marguerite de Navarre, ib. XCIV. Je le vous envoie pour vous rendre conte de moy et de tout ce qui me semble digne de vous estre dit
, Marguerite de Navarre, ib. CXIX. Ceulx-là sont reputez sages et dignes, à qui l'on mette en main les resnes des grands gouvernemens
, Amyot, Préf. VII, 32. A fait d'exil les aucuns revenir, Injustement les autres forbannir, Ou mettre à mort sans digne forfaitture
, Amyot, Thém. 41. Ce senat vilain, servile, et corrompu, et digne d'un pire maistre que Tibere
, Montaigne, II, 91.
ÉTYMOLOGIE
Bourguig. doigne ; provenç. digne, deing ; espagn. digno ; ital. degno ; du latin dignus.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
DIGNE. - REM. Ajoutez :2. Au XVIe siècle, digne se prononçait dine (voy. LIVET, la Gramm. franc, p. 168). Voy. aussi ces vers de Marot à François 1er : Tant pour le bien de la ronde machine Que pour autant que sur tous en es digne.