« défigurer », définition dans le dictionnaire Littré

défigurer

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défigurer

(dé-fi-gu-ré) v. a.
  • 1Gâter la figure. L'amour que la seule beauté d'une femme aura excité sera éteint par une maladie qui la défigure tout à coup, Bossuet, Libre arb. 7. La même parure qui a autrefois embelli sa jeunesse défigure enfin sa personne, éclaire les défauts de sa vieillesse, La Bruyère, III. Ils défiguraient leur visage pour faire connaître qu'ils jeûnaient, Massillon, Carême, Jeûne.

    Fig. [Il voulut] faire voyager dans quelques villes principales d'Allemagne les jeunes demoiselles moscovites, afin qu'elles prissent une politesse et des manières dont la privation les défigurait entièrement, Fontenelle, Czar Pierre.

    Défigurer quelqu'un, lui attribuer en mal un caractère qu'il n'a pas. Si les traîtres qui m'ont ôté toutes les consolations de la vie, n'eussent profité de mon éloignement pour abuser sa vieillesse et me défigurer à ses yeux, Rousseau, Confess. XI. Je leur demande si Despréaux et Lamotte n'ont pas défiguré l'Ajax d'Homère, Diderot, Lett. sur les sourds et muets.

  • 2Gâter la forme d'une chose. Défigurer un tableau en le retouchant. On n'a rien défiguré dans le parc, il est le plus beau du monde ; une rivière qui passe au milieu fait des étangs et des beautés admirables, Sévigné, 410.

    Altérer, dénaturer. On tient qu'il va, ce scrupule, jusques à défigurer notre langue, et qu'il n'y a point presque de mots dont la sévérité de cette dame ne veuille retrancher la tête ou la queue pour les syllabes déshonnêtes qu'elle y trouve, Molière, Critique, sc. 6. Ils ont défiguré l'histoire du monde par un chaos de siècles innombrables et imaginaires, dont il n'est resté aucun événement à la postérité et que l'histoire du monde n'a jamais connus, Massillon, Car. Vérité de la relig. Les vices qui défigurent en elles son image, Massillon, Carême, Avenir. De nos propres couleurs nous chargeons leurs portraits Et les défigurons en leur prêtant nos traits, Saurin, Spartacus, II, 1. Après cinq jours de marche, il se trouve sur le rivage du fleuve Hypanis, aujourd'hui nommé le Bogh par les barbares, qui ont défiguré jusqu'au nom de ces pays que des colonies grecques firent fleurir autrefois, Voltaire, Charles XII, 4.

  • 3Se défigurer, v. réfl. Se gâter la figure. Cette femme s'est défigurée

    Perdre sa première forme. Ce visage si tendre se défigura, Fénelon, Tél. XX.

HISTORIQUE

XIIe s. Il defigurent, dist-il, lor fazons [faces], Saint Bernard, 564.

XIIIe s. Mais or voil [je veux] que tu le congnoisses, Qui tant en as eü d'angoisses, Que tout en es deffigurés, la Rose, 4279. La beste desfigurée [le démon] Par cui li monde deschaÿ, Rutebeuf, II, 10. … Miex ameroit Estre enmurez, Ou desfez ou desfigurez, Rutebeuf, 84. Porroit ce donc estre voirs que nus hom mortex se poïst si deffigurer [changer de figure] ? Merlin, f° 61, verso. Cis maus [ce mal] qui si me deffigure, Qui si me vait anientant, Guillaume de Palerme.

XVIe s. Elle se alla getter toute nue en chemise à ses pieds, estant merveilleusement desfigurée, tant pour ses cheveux qu'elle avoit arrachez…, Amyot, Anton. 106. Celle maladie est la plus mauvaise et la plus dangereuse qui defigure le visage de l'homme et le rend dissemblable à soy mesme, Amyot, Comment refréner la colère, 10. Elle desfiguroit sa face [Marthe la démoniaque], Faisoit grimace sur grimace, D'Aubigné, Faen. II, 6. Il en deterra quinze ou seize, si deffigurez de fange et de sang, qu'il ne put connoistre son maistre, D'Aubigné, Hist. I, 159. Son païs estant desfiguré de troubles, D'Aubigné, ib. II, 132.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et figure ; provenç. et espagn. desfigurar ; ital. disfigurare.