« céder », définition dans le dictionnaire Littré

céder

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

céder

(sé-dé ; la syllabe cé prend l'accent grave devant une syllabe muette, je cède, excepté au futur et au conditionnel où l'accent aigu est conservé, je céderai : mauvaise et inutile contradiction) v. a.
  • 1Laisser une chose à quelqu'un. Céder le haut du pavé à quelqu'un. Il céda la victoire à l'ennemi. Que cédé-je à mon frère en cédant vos États ? Corneille, Nicom. IV, 3. Sans regret il vous quitte, il fait plus, il vous cède, Corneille, Poly. IV, 5. J'ai cédé mon amant, tu t'étonnes du reste, Racine, Baj. III, 1. Elle lui céderait une indigne victoire, Racine, Mithr. I, 1. Le parti le plus sûr, c'est de respecter fort les procureurs du roi et leurs clercs, de fuir toute rencontre avec eux, tout démêlé, de leur céder non-seulement le haut du pavé, mais tout le pavé s'il se peut, Courier, I, 174.
  • 2 Terme de commerce et de jurisprudence. Transporter la propriété d'une chose à une autre personne. Céder un magasin, un fonds, un cheval, une créance, un bail, ses droits, ses prétentions.
  • 3 V. n. Plier, fléchir sous le poids, sous la pression. La porte céda sous nos efforts. Le plancher surchargé a cédé. Cette voûte cédera. Des tumeurs molles et qui cèdent à la pression du doigt. Ses greniers cédaient sous le poids du grain.
  • 4 Fig. En parlant des personnes, ne pas s'opposer, ne pas résister. Ne cède pas à l'adversité. Céder aux circonstances. J'ai cédé à mon penchant. Les autres cédèrent à l'habitude. Je cédais au sommeil. Cédant à la crainte, à la colère. Je suis vaincu du temps, je cède à ses outrages, Malherbe, II, 12. Nous n'avons point d'amis qui ne cèdent au nombre, Corneille, Sert. V, 5. On dira que je cède à la difficulté, Molière, l'Étour. III, 1. Un homme dont le corps a cédé aux tourments, Bossuet, Hist. II, 12. Prince, sans l'irriter, cédons à cet orage, Racine, Brit. III, 8. Je suivais mon devoir et vous cédiez au vôtre, Racine, Andr. IV, 5. Son téméraire orgueil, que je vais redoubler, Croira que je lui cède et qu'il m'a fait trembler, Racine, Iph. IV, 8. Le roi de son pouvoir se voit déposséder, Et lui-même au torrent est contraint de céder, Racine, ib. V, 3. Aux cris d'un vil oiseau vous cédez sans combat, Boileau, Lutr. III. Deux fois, en grand politique, ce judicieux favori sut céder au temps et s'éloigner de la cour, Bossuet, le Tellier. Poussin, rappelé de Rome à Paris, y céda à l'envie et aux cabales ; il se retira, Voltaire, Louis XIV, Peintres.

    Absolument. A la fin il céda. Tu céderas, ou tu tomberas sous ce vainqueur, Alger, riche des dépouilles de la chrétienté, Bossuet, Marie-Thér. Du moins s'il faut céder…, Racine, Mithr. III, 1. L'univers a cédé ; cédons, mon cher Zamore, Voltaire, Alz. II, 4.

  • 5Dans le même sens, en parlant des choses. Tout cède à un travail opiniâtre. Comme j'ai fait céder mon amour au devoir, Corneille, Cid, V, 6. Je sais ta passion et suis ravi de voir Que tous ses mouvements cèdent à ton devoir, Corneille, Cid, II, 2. Enfin ma bonté cède à ma juste fureur, Corneille, Poly. V, 3. Leur vaine amitié cède à leur politique, Corneille, Nic. IV, 6. Ma générosité cède enfin à sa haine, Corneille, ib. III, 4. Peu savent, comme vous, s'appliquer ce remède [la patience], Et dans leur intérêt [affliction], toute leur vertu cède, Corneille, Hor. V, 2. La constance du pape Libère cède aux ennuis de l'exil, Bossuet, Hist. I, 11. Je vois que la raison cède à la violence, Racine, Phèd. II, 2. Et que me direz-vous qui ne cède, grands dieux ! à l'horreur de vous voir expirer à mes yeux, Racine, ib. I, 3. Dont la beauté ne cédait qu'à celle d'Achille, Fénelon, Tél. XX. Que l'éclat de l'ancien temple céderait à la majesté du nouveau, Massillon, Myst. Nouvelle vie. Ce nom si redoutable à qui tout autre cède, Voltaire, Tanc. II, 1. Dès sa première jeunesse, tout cédait aux lumières de son esprit, Bossuet, le Tellier. Tout devait céder à ses désirs fougueux, Fénelon, Tél. II.
  • 6Se reconnaître au-dessous de quelqu'un, et aussi être au-dessous de quelqu'un. Et comme ses rivaux lui cèdent en mérite, Corneille, D. Sanch. I, 1. Les Gaulois ne leur cédaient pas en courage, Bossuet, Hist. III, 6. Le roi ne cédait à personne ni pour la taille ni pour la mine, Hamilton, Gramm. 6. Elle ne cède point à la reine pour communier souvent, Sévigné, 411. Il aurait été tenté de nous regarder comme des intelligences supérieures, s'il n'avait éprouvé combien nous lui cédions à d'autres égards, Diderot, Lett. s. l. aveugles.

    On dit aussi le céder, dans le même sens. Il le cède en habileté à son frère. Il ne le cède à personne en vertu. L'Académie ne donne pas cette tournure ; mais elle est continuellement employée, et, à l'historique, on voit qu'Amyot s'en est servi.

  • 7Être diminué, en parlant d'un mal physique, cesser. La violence du mal ne cédant pas aux remèdes. Quand la douleur vient à céder. Le mal paraissait céder.

HISTORIQUE

XVIe s. Je luy cede la mestairye de la pomardiere, à perpetuité, Rabelais, Gar. I, 32. Si les ennemis ne cedent et viennent à accord, Montaigne, I, 25. En presence, toutes choses luy cedent ; mais…, Montaigne, II, 80. La commodité particuliere doibt ceder à la commune, Montaigne, II, 87. Ces ouvrages montrent qu'ils ne nous cedoient non plus en l'industrie, Montaigne, IV, 18. Ilz refuserent tous le tripié, et le cederent en tour les uns aux autres par une honneste humilité, Amyot, Solon, 7. Il ne le cedoit en bonté d'entendement à nul d'eulx, Amyot, Sertor. 1.

ÉTYMOLOGIE

Espagn. ceder ; ital. cedere ; du latin cedere, proprement, aller, puis s'en aller, et, finalement, céder.