« bigot », définition dans le dictionnaire Littré
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bigot, ote [1]
- 1Qui est livré à une dévotion étroite et superstitieuse.
La différence est totale entre une armée fanatique et une armée bigote
, Montesquieu, Rom. 22. - 2 Substantivement. Un bigot, une bigote.
L'un, défenseur zélé des bigots mis en jeu…
, Boileau, Épît. VII.Vous moquez-vous des gens d'avoir fait ce complot ? Votre fille n'est point l'affaire d'un bigot
, Molière, Tart. II, 2.Les soubrettes sont comme les bigotes, elles font des actions charitables pour se venger
, Lesage, Turc. I, 9.Sais-tu bien cependant, sous cette humilité, L'orgueil que quelquefois nous cache une bigote ?
Boileau, Sat. X.
HISTORIQUE
XIIe s. Moult ont Francheis Normans laidis Et de meffais et de mesdis ; Souvent lor dient reproviers, Et claiment bigos et draschiers ; Souvent les ont meslez au roi ; Souvent dient : Sire, pourquoi Ne tollez la terre as bigos ?
Wace, Rou, dans DU CANGE, bigothi.
XVe s. Des bigotz ne quiers l'accointance, Ne loue leur oppinion
, Orléans, Bal. 78. Icelui Rebours en appelant l'abbé de Creste bigot, qui est un mot très injurieux selon le langage du pays
, Du Cange, bigothi.
XVIe s. Cette Roxolane fit la devotieuse, et cognoissant Soliman bigot et grand bastisseur de chapelles…
, D'Aubigné, Hist. I, 31. [L'hypocrisie] Qui parle doucement et sur son dos bigot Va par zèle porter au bucher un fagot
, D'Aubigné, Tragiques. Bigot denote celui qui avec une trop grande superstition s'adonne au service divin
, Pasquier, Recherches, liv. VIII.
ÉTYMOLOGIE
Bas lat. bigoti. Une vieille chronique latine (DUCHESNE, III, 360) dit que Rollon, sommé de baiser le pied du roi Charles, s'écria : Ne se bi god, jamais par Dieu, et que le sobriquet de bigot vint de là aux Normands : by, par, et god, Dieu. On peut soupçonner que l'anecdote (ce qui arrive souvent) a été imaginée pour expliquer le mot. Remarquez (et cela s'oppose à l'étymologie) que le mot est commun aux langues romanes : espagn. ligote, moustache (dans le Dictionnaire de l'Académie de 1696 : bigotelle ou bigotere, pièce d'étoffe ou de cuir dont on se sert pour tenir la moustache relevée), hombre de bigote, homme d'un caractère ferme ; ital. s-bigottire, effrayer, ôter le courage. Fr. Michel a proposé visigothus, visigoth. Cette étymologie n'est pas sans probabilité ; car elle permet, dans bigot, à la fois un terme de mépris et un terme d'éloge ; ayant pu, selon le point de vue, exprimer ou un homme méchant ou un homme brave et courageux ; d'où l'italien s-bigottire ; et le changement du v en b, toujours difficile en français, a pu se faire dans les autres langues romanes, qui le comportent davantage. Le sens moderne de bigot ne commence, d'après l'historique, qu'au XVe siècle.