« armer », définition dans le dictionnaire Littré

armer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

armer

(ar-mé) v. a.
  • 1Munir d'armes. Il y a dans cet arsenal de quoi armer cinquante mille hommes.

    Revêtir d'armes défensives. Armer quelqu'un de toutes pièces, de pied en cap.

    Par analogie. Ma sœur du fil fatal eût armé votre main. Racine, Andr. II, 5.

    Armer quelqu'un chevalier, le recevoir dans l'ordre de la chevalerie avec le cérémonial d'usage.

    Armer une place, garnir ses remparts de canons.

    Armer une batterie, y établir le nombre de canons nécessaires.

    Armer un canon, y mettre le boulet.

  • 2Faire une armée ; mettre dans l'armée. Les Romains ont quelquefois armé des esclaves. Cet État peut armer cent mille hommes.

    Absolument. Les circonstances devenant menaçantes, la France arma. Si vous étiez crue, L'Égypte pour Pompée armerait à sa vue, Corneille, Pomp. II, 1. Après avoir armé pour venger cet outrage, D'une paix mal conçue on m'a faite le gage, Corneille, Rodog. III, 3. En Irlande où l'on veut armer pour le roi, Sévigné, 511. Les esclaves armèrent encore dans la Sicile, Bossuet, Hist. I, 9.

  • 3Exciter à prendre les armes, soulever, irriter. La cause des Stuarts arma longtemps une partie de l'Écosse contre le gouvernement anglais. Ma mère en sa faveur arma la Grèce entière, Racine, Andr. V, 2. Quelle aveugle fureur pourrait l'armer contre elle ? Racine, Iphig. II, 5. Je pourrais contre Achille armer Agamemnon, Racine, ib. IV, 1. Je sais que descendu de ce sang malheureux, Une éternelle haine a dû m'armer contre eux, Racine, Esth. II, 1. Avantage Qui dut à sa ruine armer votre courage, Corneille, San. II, 2.

    Fortifier, munir. Il faut d'un noble orgueil armer votre courage, Racine, Iphig. II, 4. Il n'est pas moins nécessaire d'armer votre vigilance, Massillon, Prof. 2.

  • 4Armer un fusil, un pistolet, tendre le ressort qui fait partir le coup.

    En termes de fauconnerie, armer l'oiseau, lui attacher des sonnettes.

    En termes de musique, armer la clef, indiquer le ton par un certain nombre de dièses et de bémols.

    En termes de manége, un cheval arme ses lèvres, c'est-à-dire qu'il couvre les barres avec ses lèvres, ce qui rend l'appui du mors trop ferme.

    En termes de marine, armer les avirons, les mettre sur le bord de la chaloupe, prêts pour l'usage.

    En termes de forges, aciérer, acérer.

  • 5Garnir, munir. Armer une poutre de bandes de fer. Armer un arbre, l'entourer d'épines. Armer un jeune arbre, en garnir la tige d'épines pour le protéger.
  • 6 En termes de blason, armer un écusson, en composer les armes.
  • 7Armer un bâtiment, l'équiper, le pourvoir de tout ce qui est nécessaire pour prendre et tenir mer.
  • 8 V. n. En termes de marine, armer sur un vaisseau, s'y embarquer pour faire partie de l'équipage. Cette expression a vieilli ; on dit maintenant embarquer ou s'embarquer.
  • 9S'armer, v. réfl. Se munir d'armes. S'armant aussitôt. Il s'arma d'une épée. Chacun s'arme au hasard du livre qu'il rencontre, Boileau, Lutr. v.

    Fig. Le ciel s'arma d'éclairs et de feux, Fénelon, Tél. XVIII.

    Prendre les armes. Il s'arma contre sa patrie. De ta gloire animé, lui seul de tant de rois S'arme pour ta querelle et combat pour tes droits, Racine, Esth. Prol. Mais s'arma-t-elle toute en faveur d'un proscrit ? Corneille, Sertor. II, 2. Toutes les familles s'armeraient les unes contre les autres, Fénelon, Tél. XII.

  • 10 Fig. S'armer de constance. S'armer contre la douleur. Le peuple s'était armé de résolution. J'ai pris soin de m'armer contre tous les poisons, Racine, Mithr. IV, 5. Armez-vous d'un courage et d'une foi nouvelle, Racine, Athal. IV, 1. Si de tous ses efforts mon cœur a dû s'armer, Racine, Mithr. III, 5. Tout fuit, et sans s'armer d'un courage inutile, Racine, Phèd. V, 6. Arme-toi de courage contre toi-même, Fénelon, Tél. XIX. Oubliant les injures… Ils s'arment de philosophie, Régnier, Épît. III. S'armer d'un généreux mépris, Molière, Mis. IV, 3. S'armant de toute son effronterie, Hamilton, Gramm. 11. Armez-vous de courage, et montrez-vous ma sœur, Corneille, Hor. II, 4. Il s'arme en ce besoin de générosité, Corneille, ib. III, 5. Armons-nous de courage, et nous ferons trembler Ceux dont les lâchetés pensent nous accabler, Corneille, Nicom. I, 1. S'armant à regret de générosité, Corneille, Pomp. I, 1.
  • 11 En termes de manége, ce cheval s'arme contre le mors, il place sa langue de manière à empêcher l'effet du mors.

    Ce cheval s'arme contre son cavalier, lorsqu'il n'obéit pas à la main, et lorsqu'il baisse la tête vers son poitrail pour résister à la bride.

HISTORIQUE

XIe s. Car à mes ieux [je] vi quatre cenz armez, Ch. de Rol. LIII.

XIIe s. Mil chevalier me remanront armé, Ronc. p. 35. Et vit Franzois qui s'arment par la prée, ib. p. 48. S'il voit cheoir un armé chevalier, ib. p. 189. Endementres s'armerent là fors li chevalier, E osterent les cotes, ceinstrent les brans d'acier, Th. le mart. 144.

XIIIe s. Et l'endemain par matin s'armerent li François et firent cinq escieles de lor gens, Chr. de Rains, p. 63. Et s'il sunt gentil home, il se doivent presenter sor cevax armés de toutes armes, Beaumanoir, LXIV, 4. Nous nous armasmes à l'anuitier, Joinville, 276.

XVe s. Si le roi est bien conseillé, il ne se mettra jà entre tel peuple qui vient contre lui à main armée, Froissart, II, II, 205. Et s'armoit d'argent à trois oreilles d'or [Rob. Bruce], Froissart, I, I, 47.

XVIe s. La lanterne provinciale du bas Poictou feut servye d'une chandelle armée [armoriée], Rabelais, Pant. V, 34. Ils ont, par complot, armé le monde à l'encontre de lui, Montaigne, I, 97. Les mains armées de fouets, Montaigne, I, 183. La nature eust armé d'une peau plus espesse ce qu'elle eust abandonné à la batterie des saisons, Montaigne, I, 259. Alexandre, le plus hazardeux capitaine qui feut jamais, s'armoit fort rarement, Montaigne, II, 94. Certains hommes d'armes, poisamment et malayséement armez, Montaigne, ib. Il obtint que le public luy armeroit 500 vaisseaux, Amyot, Pomp. 40. Il allongea un coup d'espée au cavalier qui se trouva armé, de sorte qu'il lui en fournit un second au deffaut de la cuirasse, D'Aubigné, Vie, XXVI. Il porte de gueule à un lion d'argent rampant, armé et lampassé d'or, D'Aubigné, ib. LXXI. En approchant de la contr'escarpe, ils plongerent plus bas et armerent les claies de dessus eux de madriers et de sacs de laine, D'Aubigné, Hist. II, 94.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. armar ; ital. armare ; du latin armare (voy. ARME).