« accueillir », définition dans le dictionnaire Littré

accueillir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

accueillir

(a-keu-llir', ll mouillées, et non a-keu-yir. Se conjugue comme cueillir : accueillant, accueilli, j'accueille, j'accueillis, j'accueillerai) v. a.
  • 1Recevoir bien ou mal une personne ou une chose. Accueillir quelqu'un chez soi. Il m'accueillit avec bonté. Nulle part la députation ne fut bien accueillie. Ils accueillirent favorablement ces ouvertures. Les paroles de l'orateur furent accueillies avec des acclamations. Ce discours fut bien accueilli par le peuple. Accueillir légèrement une médisance, une accusation. Accueillir avec chaleur une idée. Jamais son père ne l'accueillit [l'enfant prodigue] avec plus de douceur ni plus d'affection ; jamais il ne parut plus sensible pour lui, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 285.
  • 2Accueillir, sans adverbe ou locution adverbiale qui le modifie, signifie toujours bien accueillir. Accueillir une proposition. Ils accueillaient cet espoir de liberté. J'ai daigné dans ces lieux D'une femme plaintive accueillir la prière, Brifaut, Ninus II, III, 4. On m'accueille, on me flatte, Voltaire, Mér. III, 4. On y voit avec joie, on accueille, on honore Tous ceux qu'à votre nom le zèle attache encore, Voltaire, Tancr. III, 1. Et toi, Marseille, assise aux portes de la France, Comme pour accueillir ses hôtes dans tes eaux…, Lamartine, Harm. A l'acad. de Marseille.
  • 3Accueillir, en parlant d'événements fâcheux qui surviennent. Nous fûmes accueillis de la tempête à la sortie du port. Un feu meurtrier accueillit le régiment. Depuis que cette tache eut obscurci ma vie, Il n'est point de malheur qui ne m'ait accueillie, Mairet, Soph. I, 2.

REMARQUE

Bouhours dit : " Ce verbe est presque passé ; on ne s'en sert plus en bonne part. On pourrait encore l'employer en mauvaise part dans le figuré : Accueilli de toutes sortes de malheurs. " Et Th. Corneille, approuvant, ajoute qu'au lieu de : Il a été favorablement accueilli, on dit : Il a été bien reçu. Le fait est qu'on ne trouve pas souvent accueillir au sens actuel dans les auteurs du siècle de Louis XIV ; mais le fait est aussi que accueillir est rentré dans la plénitude de l'usage.

HISTORIQUE

XIe s. Les aquillit et tempeste et oret, Ch. de Rol. 53.

XIIe s. Droit vers Espaigne [il] a sa voie acoillie, Ronc. 89. Donc se sont enbrunchié li quatre forsené, N'acuilent ses salus, ne ne l'ont salué, Th. le Mart. 139. L'arcevesques Thomas sovent le mercia De son bel acuilleir, et que tant l'onura, ib. 58. De saint Jame par Flandres son chemin [il] acuilli, ib. 51. Sire, fait il, pur Deu, nel faites pas ainsi ; Laissiez ester cel plait, qu'avez ore acuilli, ib. 42. Lor agait mettent dedens un val parfunt ; La proie acollent et à val et à munt, Raoul de C. 230. S'avec ces biens [beauté et courtoisie] acuilliez felonie, Vostre fin cuer en feriez blasmer, Couci, XX.

XIIIe s. Tybert a laissié le plaidier ; Si aqeut [prend] l'andoille à mangier, Ren. 2390. Lietard, qui plus celer ne veut, Ne se targe que il n'aquelt [aborde] Le garçon que il doute et crient, ib. 16388. En vostre foi, car dites ore Qui est li pires ne li mieudre ; Chascun se velt as bons acueudre, ib. 8534. Il convient faire preuve comment il puisse acuillir la preuve à soi, quand besoin lui est, Ass. de Jér. 109. Je n'acueill le congié sans la paie de ce que voz me devez, ib. I, 210. Me gart l'heür que beste m'y aient acueilloite, Berte, 29. Un grant cerf ont trové, celui ont acueilli [se sont mis à sa poursuite], ib. 108. Chapelez ont de fleur vermeille Qui trop est bele à grand merveille, Quant ele est freschement cueillie ; Mais quant li chauz l'a acueillie, Tost est morte, matie et mate, Rutebeuf, II, 31. Si sont il mort [je les tuerai], s'il ne m'acoillent, la Rose, 11206. Quant il ot aqueillie sa praie [proie]…, Joinville, 272. Pour accueillir moi et mes successeurs en leur priere, Du Cange, adcolligere.

XIVe s. Jehan coustelier se alloua ou accueilli à un maistre du dit mestier, Du Cange, ib.

XVe s. Sur le point du jour ils vinrent devant Courtray, accueillirent, entour soleil levant, toute la proie de là environ, Froissart, I, I, 107.

XVIe s. Quand les Romains se perforçoient de gravir contre mont, ilz estoient accueilliz de force coups de dard et de trait qu'ilz leur donnoient de çà et de là par les flancs, Amyot, Flam. 5. La bouche de la riviere du Rosne avoit accueilli tant de vase et si grande quantité de sable, que les ondes de la mer y amassoient et entassoient, que…, Amyot, Marius, 25. A Aubigné s'accueillent [se joignent] trente gentilshommes ou capitaines, D'Aubigné, Hist. II, 449.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, acoï, assaillir ; provenç. acuelhir ; catal. acullir ; ital. accogliere ; de accolligere, de ad, à, et colligere (voy. CUEILLIR). L'italien est le seul qui ait été fidèle à la conjugaison latine ; les autres ont changé la conjugaison de 3e en 4e : accolligire pour accolligere. Le vieux français qui avait un infinitif acueudre, akeudre, le tirait par contraction de accolgere, d'où une conjugaison qui se suivait sur ce type.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ACCUEILLIR. Ajoutez :

4En Saintonge, accueillir un domestique, se dit pour louer un domestique, faire le marché de louage.