« sauce », définition dans le dictionnaire Littré

sauce

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sauce

(sô-s') s. f.
  • 1Assaisonnement liquide où il entre du sel et des épices. Après cela, Quanto [Mme de Montespan] voulut manger, elle donna une pièce de quatre pistoles pour acheter ce qu'il fallait pour faire une sauce qu'elle fit elle-même, et qu'elle mangea avec un appétit admirable, Sévigné, 269. Quand on parle de sauce, il faut qu'on y raffine, Boileau, Sat. III. Le plus exquis de tous leurs mets [des Lacédémoniens] était ce qu'ils appelaient la sauce noire ; et les vieillards la préféraient à tout ce qu'on leur servait sur la table, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 521. De petits oiseaux sur lesquels on jeta une sauce toute chaude, composée de fromage râpé, d'huile, de vinaigre et de silphium, Barthélemy, Anach. ch. 25. Vous ne trouvez le laurier bon Que pour la sauce et le jambon, Béranger, Gourm.

    Sauce douce, sauce faite avec du sucre et du vinaigre ou du vin.

    Sauce courte, sauce peu abondante.

    Cette sauce n'est pas faite, n'est pas assez faite, elle n'a pas assez bouilli, n'est pas assez liée.

    Sauce blanche, voy. BLANC 1.

    Sauce verte, sauce faite avec du blé vert, avec du jus d'herbes crues (suivant l'Académie, voy. à REMOULADE une autre sauce verte). Pour une sauce verte avec de l'échalote, Et tels ingrédients fins, vifs et délicats, Du Cerceau, Poésies, la Ravigote.

    Sauce-Robert, sauce où les oignons dominent ; ils sont revenus jusqu'à la couleur blonde, ensuite on y ajoute du bouillon, du jus et de la moutarde au moment de servir. Boucingo, dès son âge tendre, Posséda la sauce à Robert, Avant même qu'il pût apprendre Ni son Ave ni son Pater, Chapelle, Chanson sur Boucingo.

    Sauce piquante, sauce faite avec du vinaigre, du thym, du laurier, ail et échalote, mouillée avec du bouillon, réduite à moitié et un peu épaissie avec du beurre manié d'un peu de farine.

    Sauce à ou au pauvre homme, sauce froide, faite avec de l'eau, du sel et de la ciboule.

    Familièrement. Donner ordre aux sauces, aller dans la cuisine, prendre soin que tout soit bien apprêté pour le repas.

    En termes de cuisine, le mot sauce se sous-entend quelquefois : une maître-d'hôtel, une béchamel, pour une sauce à la maître-d'hôtel, à la béchamel.

    Fig. Le prédicateur [le P. Gaillard] reprit son discours avec tant de prospérité, que, mêlant sur la fin Philisbourg, Monseigneur, le bonheur du roi, et les grâces de Dieu sur sa personne et sur tous ses desseins, il fit de tout cela une si bonne sauce, que tout le monde pleurait ; le roi et la cour l'ont loué et admiré, Sévigné, 476.

  • 2 Fig. et familièrement. Accessoire, addition. Dès le jour même, elle [Mme de Bury] entra dans le carrosse de la reine ; cette sauce rend cette place des meilleures, Sévigné, 24 janv. 1680. Mme de Bullion perdit son procès avec toutes les sauces et avec une acclamation générale, Saint-Simon, 55, 175. Je trouvai un homme [Argenson] effarouché du poids des finances, mais bien flatté de la sauce des sceaux, Saint-Simon, 480, 213.

    La sauce vaut mieux que le poisson, l'accessoire vaut mieux que le principal.

    On dit dans le même sens : La sauce fait manger le poisson. Un certain misérable serpent, nommé Magdelain, qui se dit médecin de Montpellier, c'est la sauce sans laquelle le poisson ne se mangerait pas…, Patin, Lett. t. II, p. 424.

  • 3 Fig. et familièrement. Il se dit pour le mode de disposer des personnes ou des choses. Vous me faites trop d'honneur et à mes pauvres lettres ; je suis ravie cependant que vous me trouviez bonne quelquefois à certaines sauces, Sévigné, 23 oct. 1680. On se trouvera toujours fort bien de notre ami [Corbinelli], à quelque sauce qu'on le mette, Sévigné, 20 oct. 1682.

    Vous ne sauriez faire une bonne sauce à cela, mettre une bonne sauce à cela, se dit en parlant d'une affaire, d'une action à laquelle on ne saurait donner une apparence satisfaisante.

    On dit de même : Cela ne vaut rien à quelque sauce qu'on le mette. En apparence, un département fort étendu fut donné à M. de la Force, avec assez d'autorité ; mais, à quelque sauce que cela se pût mettre, ce n'était être, en bon français, qu'intendant des finances un peu renforcé, Saint-Simon, 475, 93.

    On ne sait à quelle sauce le mettre, on ne sait que faire de lui, à quoi l'employer.

    Mettre quelqu'un à toutes sauces, l'employer à toutes sortes de services.

    On dit de même : être bon à toutes sauces.

  • 4 Populairement. Donner une sauce à quelqu'un, faire la sauce à quelqu'un, apprêter une sauce à quelqu'un, le réprimander vertement. Tout vilain cas, dit-elle, est reniable ; Ces serments vains et peu dignes de foi Mériteraient qu'on vous fît votre sauce, La Fontaine, Confid. C'est dans le fond un impie qui, pour faire sa cour aux persécuteurs de France, s'est déchaîné sur nous… M. Allix devrait lui apprêter sa sauce, Bayle, Lett. à Minutoli, 8 juill. 1686.
  • 5Sauce du tabac, eau salée dans laquelle on a mis quelques autres ingrédients et dont on se sert pour la préparation du tabac en poudre.
  • 6 Terme d'orfévrerie. Liqueur pour donner la couleur à l'or.

    Dorure à la sauce, dorure légère obtenue par la simple immersion des objets dans un liquide aurifère.

  • 7 Terme de dessin. Crayon tendre dont on se sert pour estomper.

PROVERBES

Il n'est sauce que d'appétit, la faim est le meilleur assaisonnement.

Il ne sait à quelle sauce manger le poisson, il ne sait comment supporter cette affaire, comment prendre un discours qu'on lui tient, un procédé qu'on a avec lui.

Il a fait la faute, qu'il en boive la sauce, qu'il en subisse les fâcheuses conséquences.

HISTORIQUE

XIIe s. Ki metlera la salce, mult la bevra amere, Th. le mart. 163.

XIIIe s. Ausinc cum fet li bons lechierres Qui des morsiaus est congnoissierres, Et de plusors viandes taste En pot, en rost, en soust, en paste, la Rose, 21822. Male-Bouche soit maleois [maudit] ! Sa langue desloiaus et fausse M'a porchaciée ceste sauce, ib. 3804. Et la terre portant fruit fist Dieux revenir à sause [salsuginem], Psautier, f° 134.

XIVe s. En yver toutes saulces doivent estre plus fortes qu'en esté, Ménagier, II, 5. Une sausse blanche de poisson, ib. II, 4. Les quatre piez et les orilles et le groing, en souz de perresil et d'espices detrempé de vin aigre, Bibl. des ch. 5e série, t. I, p. 217.

XVIe s. À chair de loup sauce de chien, Cotgrave Robert, cestuy fut inventeur de la saulse Robert, tant salubre et necessaire aux connils roustiz, canars, porc frais, œufz pochez, merluz sallez, et mille autres telles viandes, Rabelais, IV, 40. Pantagruel leur donna… un mortier à piler la saulse… et [Anarche] fut aussi gentil crieur de saulse verte qui fut oncques veu en Utopie, Rabelais, II, 32. Ainsi est de tous homes : en quelle sausse qu'ils soient acoustrez, soit de la messe ou de l'evangile, ils demeurent tousjours hommes, Bonivard, Noblesse, p. 319.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. espagn. et ital. salsa ; du lat. salsus, salé, de sal (voy. SEL) : salsa aqua, eau salée.