« voici », définition dans le dictionnaire Littré

voici

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

voici

(voi-si. Veci dit par quelques-uns au XVIIe siècle et condamné par Chifflet, Gramm. p. 201) loc. prépos. qui n'est autre que l'impératif du verbe voir avec l'adverbe ci : vois ci.
  • 1Il sert à désigner une personne ou un objet proche de la personne qui parle. Me voici. Monsieur que voici. Mais le voici qui vous dira le reste, Corneille, Poly. III, 2. Voici votre roi, peuple, et voilà votre reine, Corneille, Rodog. v, 3. Le voici qu'à propos sans suite et sans défense Le sommeil m'abandonne et livre en ma puissance, Rotrou, Bélis. II, 8. Voici votre Mathan ; je vous laisse avec lui, Racine, Ath. II, 4.

    Il se dit aussi de la proximité dans le temps. Voici l'instant affreux qui va nous éloigner, Voltaire, Brutus, IV, 3.

  • 2Il se met avant l'infinitif du verbe venir, pour exprimer arrivée, approche. Comme il continuait cette vieille chanson, Voici venir quelqu'un d'assez pauvre façon, Régnier, Sat. VIII. Tremblez, tremblez, méchants, voici venir la foudre, Corneille, Pomp. II, 2. Mais les voici venir, Molière, l'Ét. v, 14. Des maux que j'ai prédits voici venir le temps, Delille, Parad. perdu. VI. Cependant les tonnerres se taisent, et voici venir une voix : Écoute, ô toi Israël, Chateaubriand, Génie, I, II, 4.
  • 3Il annonce qu'on va exposer, détailler quelque chose. Jamais vous ne cesserez de prétendre ; ce que vous croyez la fin de votre course, quand vous y serez arrivés, vous ouvrira inopinément une nouvelle carrière ; la raison, messieurs, la voici : c'est que votre humeur…, Bossuet, 2e sermon, Impénit. 2. Mais voici ce qui glacera le cœur, ce qui achèvera d'éteindre la voix, ce qui répandra la frayeur dans toutes les veines : je m'en vais voir comment Dieu me traitera, Bossuet, Anne de Gonz. Voici dans un jeune prince victorieux quelque chose qui n'est pas moins beau que la victoire : la cour, qui lui préparait, à son arrivée, les applaudissements qu'il méritait, fut surprise de la manière dont il les reçut, Bossuet, Louis de Bourbon. Je m'en rapporte à vous, écoutez, s'il vous plaît, Voici le fait : depuis quinze ou vingt ans en çà…, Racine, Plaid. I, 7. Voilà tous mes forfaits ; en voici le salaire…, Racine, Brit. IV, 2.

    Familièrement. En voici d'une autre, en voici bien d'une autre, se dit en parlant d'une chose inattendue, singulière. Mais en voici bien d'une autre… que diable fait là ma sœur ? Genlis, Théât. d'éduc. Tendresse matern. sc. 8.

  • 4Il exprime un état actuel, ou une action qui a lieu dans le moment même. Nous voici arrivés. Voici la fin de nos souffrances.

    Voici que, même sens. Voici que de notre heur la fortune jalouse Vient arracher l'époux du sein de son épouse, Mairet, Soliman, I, 5.

    Ironiquement. Nous voici bien ! Quelle chose, quelle sottise nous dit-on là ! Vraiment, nous voici bien ! lorsque je suis à jeun, Tu me viens parler de musique ! La Fontaine, Fabl. IX, 18. Mais voici bien une autre fête, La Fontaine, ib. III, 28.

    Fig. M'y voici, je suis arrivé au point où je désirais arriver. Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ? - Nenni. M'y voici donc ? - Point du tout…, La Fontaine, Fabl. I, 3.

    Fig. Nous y voici, la chose arrive comme je l'avais prévu.

    Nous y voici se dit aussi pour exprimer qu'on arrive à la question. Comme te voilà fait ! je t'ai vu si joli ! Ah ! vraiment, nous y voici, Reprit l'ours à sa manière ; Comme me voilà fait ! comme doit être un ours, La Fontaine, Fabl. XII, 1.

REMARQUE

1. Il ne faut pas confondre, comme cela se fait souvent, voici avec voilà. Voilà se rapporte à quelque chose d'antécédent ; voici, à quelque chose de subséquent. Voilà ce que vous avez fait, voici ce qui vous reste à faire. Il y a entre voici et voilà la même différence qu'entre ci et là.

2. Dans les cas où l'on peut les employer l'un pour l'autre, on dit voilà pour voici ; mais on ne dit pas également voici pour voilà.

3. Voltaire (Comm. Corn. rem. Hor. II, 3) a condamné la locution voici venir ; mais à tort ; en effet elle est correcte ; car voici est pour vois ci, et voir se construit avec l'infinitif. De plus elle est appuyée par l'usage des bons auteurs.

4. Ne dites pas le voici qu'il vient, mais le voici qui vient, ou voici qu'il vient. Racan a fait cette faute : La voici qu'elle vient plus belle que l'aurore, Racan, Berger. le Sat. II, 2. La raison en est évidente. Voici équivaut à vois ci. On peut dire vois le ci qui vient, ou vois ci qu'il vient, mais non vois le ci qu'il vient.

HISTORIQUE

XIe s. Dreiz emperere, veiz me ci en present, Ch. de Rol. XXII.

XIIe s. Vez-ci mon gage, je voil qu'il aille avant, Ronc. p. 181.

XIIIe s. Sire, voici l'ost près de vos, en Venise…, Villehardouin, XLVII. Nous vous en rapportons le cuer, et ve le ci, Berte, XXIII. Vez-ci teles nouveles dont Diex loés sera, ib. CXXII.

XVe s. Armez vous tost et appareillez, car vez-ci gens d'armes qui approchent ceste forteresse, Froissart, I, I, 131.

XVIe s. Je luy cede ceste mestyrie : voyez ci le contract de la transaction, Rabelais, Garg. I, 32. Voicy ce que il me falloyt, Rabelais, ib. I, 34. Voyez cy de nos ennemyz qui accourent ; mais je vous les tueray ici comme bestes, Rabelais, Pant. II, 25. Voicy de la vertu la penible montée, Voilà de l'autre part le grand chemin battu, Où au séjour du vice on monte sans échelle, Du Bellay, J. VI, 45, recto. Voici venir un homme assez agé, Nuits de Straparole, t. I, p. 221. Voici marcher de rang par la porte dorée L'enseigne d'Israël dans le ciel arborée, D'Aubigné, Tragiques, édit. LALANNE, p. 163.

ÉTYMOLOGIE

Vois à l'impératif, et ci ; wallon, vocial, voci ; Berry, voi le ci, le voici, voi les ci, les voici ; bourg. veci ; nivernais, voiqui ; prov. vec, ve.