« roche », définition dans le dictionnaire Littré

roche

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

roche [1]

(ro-ch') s. f.
  • 1Bloc considérable de pierre très dure, en masse ou isolée. Je cours longtemps en vain ; mais enfin, d'une roche, J'en découvre le tronc [du corps de Pompée] vers un sable assez proche, Corneille, Pomp. V, 1. Tant qu'une fontaine se conserve dans son canal, telle qu'elle est sortie de la roche qui lui a donné sa naissance, Bossuet, 4e sermon, Profession, Préambule. De l'autre côté du Capitole est la roche Tarpéienne ; au pied de cette roche l'on trouve aujourd'hui un hôpital appelé l'Hôpital de la consolation, Staël, Corinne, IV, 4. Les Gaulois se retirèrent [de Rome]… ils avaient peu d'intérêt de conquérir la roche du Capitole, Lévesque, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. III, p. 228.

    Les marins ne disent pas roc ou rocher, mais toujours roche.

    Eau de roche, eau qui sourd d'une roche et qui est très limpide. Clair comme de l'eau de roche.

    Fig. Il y a anguille sous roche, voy. ANGUILLE.

    Fig. Cœur de roche, cœur dur, insensible. Avec ce beau visage avoir le cœur de roche ! Corneille, Suivante, III, 2. Et son cœur, croyez-moi, n'est point roche après tout, Molière, l'Ét. III, 2.

    De roche se dit aussi quelquefois pour indiquer la constance, la fermeté. Et bien, où maintenant est ce brave langage ? Cette roche de foi ? cet acier de courage ? Malherbe, I, 4. Dites-moi qu'elle est sans reproche, Que sa constance est une roche, Malherbe, V, 23.

  • 2 Terme de minéralogie. Il se dit des substances minérales considérées en masse. Roches volcaniques. Le schiste est une roche feuilletée. Les premières et les plus hautes montagnes, qui tiennent, par leur base, à la roche intérieure du globe, Buffon, Add. théor. terre, Œuv. t. XII, p. 447.

    Roches aqueuses, roches formées par les matières que les eaux ont déposées.

    Roche molle, se dit des cayes.

    Roche noire, se dit quelquefois des basaltes, des traps et des roches de serpentine.

    Roche morte, nom que donnait Buffon au roc vif qui a perdu sa dureté et sa consistance par l'impression des éléments humides à la surface de la terre, Min. t. I, p. 56.

    Terme de géologie. Masses minérales de la croûte terrestre, qu'elles soient molles ou qu'elles soient pierreuses ; le sable et l'argile sont compris sous cette dénomination.

  • 3Pierre de roche ou, simplement, roche, pierre la plus dure d'une carrière. Les fondations se font avec la pierre de roche, avec la roche.
  • 4Roche d'émeraudes, de topazes, etc. roche contenant des émeraudes, des topazes, etc.

    Turquoises de la vieille roche, turquoises qu'on retire de l'ancienne mine, par opposition à turquoises de la nouvelle roche, lesquelles proviennent de mines plus récemment découvertes et qui sont moins belles et moins vives.

    Fig. Un homme de la vieille roche, un homme d'une probité antique, d'une vertu éprouvée. Dieu, non pas des nouveaux venus, Mais un dieu de la vieille roche, Scarron, Virg. VII. Balzac, Voiture, Corneille, Racan, Chapelain, Desmarets, d'Ablancourt et les autres académiciens de la vieille roche, Furetière, Factums, t. I, p. 165. Il n'y a point d'esprits ni de cœurs sur ce moule [l'archevêque d'Arles, qui venait de mourir]… il n'y en a plus de cette vieille roche, Sévigné, 18 mars 1689. [Bignon] C'était un magistrat de l'ancienne roche pour le savoir, l'intégrité, la vertu, la modestie, Saint-Simon, 43, 256. Les gueux de la vieille roche, ceux qui se font un point d'honneur de marcher sur les pas de leurs ancêtres, qui les ont élevés dans la gueuserie, Lesage, Guzm. d'Alf. III, 3.

    Noblesse de la vieille roche, de vieille roche, noblesse ancienne.

    Amis de la vieille roche, amis sûrs, éprouvés.

  • 5Cristal de roche, pierre transparente, qui est une cristallisation du quartz, ou de la silice pure.
  • 6Gravier que l'on trouve dans une pierre précieuse.

    Masse de pierres à chaux ou de tuiles qui se sont collées ensemble par l'action du feu.

  • 7Sorte de fontaine faite en rocaille.
  • 8Fromages de roche, fromages ronds du poids de deux livres, que l'on tire de Roanne.

HISTORIQUE

XIe s. Les roches bises, les destreiz merveillus, Ch. de Rol. LXIV.

XIIe s. Chi tresturnad la pierre en estangs d'ewes et la roche en fontaines ? Liber psalm. p. 175.

XIIIe s. Au Seigneur qui de la roche fist sordre eve ou [au] desert, Psautier, f° 79. A esgardé, si a choisi [vu] Trois cens hermites et molt plus, Ki en la roke là desus Menoient vie d'ermitage, Gui de Cambrai, Barl. et Jos. p. 131. Et après çou n'orent guieres nagiet, quant li vens les porta à une roche et peçoia toute la barge, Chr. de Rains, p. 47. De celle place là où les Turs estoient, descendoit une roche taillée en la cité, Joinville, 276. Sire, la haute roche que tu as esgardée, C'est une fermeté qui moult est redoutée, Du Cange, rupes.

XIVe s. L'endemain s'en revont par ces estroits sentiers, Plains de roiches, d'espines, de ronces, d'esglantiers, Girart de Ross. V. 2287. Icellui Jehan avoit trouvé ladite exposant en sa roiche ou cave, Du Cange, roca.

XVe s. Il arriva en une roche [montagne] en laquelle avoit une petite chapelle, Lancelot du lac, t. III, f° 111, dans LACURNE.

XVIe s. Des roches haultaines, Marot, I, 222.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. roca, rocha ; espagn. roca ; portug. rocha ; ital. roccia et rocca ; bas-lat. rocca, dans un texte de 767, où il paraît signifier une retraite parmi les roches : multas roccas et speluncas conquisivit. Le mot se trouve dans le celtique : bas-bret. roc'h ; gaël. roc, roc ; kymri, rhwg, quelque chose de proéminent. Il se trouve dans l'anglais : rock. On a voulu le tirer de roc, ancien nom de la tour aux échecs (voy. ROC 2) ; mais il est trop ancien pour cela. Diez propose, par conjecture, une forme rupea, dérivée du latin rupes, rocher, qui rendrait raison de l'ital. roccia, et une forme rupica qui rendrait raison de rocca. Mais, vu la présence du mot dans tous les dialectes celtiques, on peut croire que c'est de là qu'il vient dans les langues romanes.