« réclamer », définition dans le dictionnaire Littré

réclamer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

réclamer

(ré-kla-mé) v. n.
  • 1S'opposer de paroles, contredire. Il réclame contre la proposition, Cela a été résolu ; y a-t-il quelqu'un qui réclame ? L'âge de M. de Montausier et je ne sais quoi de vénérable dans sa personne lui avaient acquis une espèce d'autorité universelle contre laquelle le monde n'osait réclamer, Fléchier, Duc de Mont. Il y a mille autorités qui réclament contre le témoignage de Posidonius, Diderot, Opin. des anc. phil. (Phéniciens).

    Faire une réclamation. Il faut réclamer contre l'injustice dont nous sommes victimes. Réclamer auprès de quelqu'un. Réclamer en faveur d'un absent.

  • 2Protester, revenir contre quelque acte. Un religieux qui réclame contre ses vœux. Tout acte qui est extorqué par la force ouverte est nul de tout droit, et réclame contre lui-même, Bossuet, 2e instr. past. 105.
  • 3 V. a. Implorer, demander avec instance. Je réclame vos bontés, votre indulgence. Ne les réclamez pas, Ces dieux dont l'intérêt demande son trépas, Corneille, Poly. III, 3. Je me confie pour Madame en cette miséricorde qu'elle a si sincèrement et si humblement réclamée, Bossuet, Duch. d'Orl. Vainement tes désirs pieux et légitimes Tenteraient de fléchir par cent mille victimes Du dieu des morts le cœur d'airain ; Géryon et Titye au fond des noirs abîmes Le réclament en vain, La Fare, Trad. d'Horace. La misère ose rarement réclamer les lois établies pour la protéger, Massillon, Pet. carême, Hum. des gr. Quand vous osez réclamer la nature, c'est vous seul qui bravez ses lois, Rousseau, Hél. III, 11.

    Réclamer les saints, invoquer leur secours.

  • 4Demander une chose due ou juste. Réclamer le prix d'un travail. Condamné par le pape, il [Luther] réclama le concile, que toute la chrétienté réclamait aussi depuis plusieurs siècles, comme le seul remède des maux de l'Église, Bossuet, Var. v, 1. Cassandre, en réclamant la foi qu'il a reçue, Voltaire, Olymp. V, 3.

    Déclarer sien. Il n'y a pas un beau souvenir, pas une belle institution dans les siècles modernes, que le christianisme ne réclame, Chateaubriand, Génie, IV, V, 1.

    Demander en justice. Nul ne peut réclamer un état contraire à celui que lui donnent son titre de naissance et la possession conforme à ce titre, Code Nap. art. 322. L'enfant naturel ne pourra réclamer les droits d'enfant légitime, ib. art. 338.

  • 5Exiger, avec un nom de chose pour sujet. Les soins que réclamera la vigne. L'âme trouve en soi-même un vide infini que Dieu seul pouvait remplir, si bien qu'étant séparée de Dieu, que son fond réclame sans cesse, il faut qu'elle cherche des amusements au dehors, Bossuet, la Vallière.
  • 6S'interposer en faveur de quelqu'un. Le capitaine réclame son soldat. Des jeunes gens avaient été arrêtés ; le doyen les réclama.
  • 7Demander que quelqu'un soit remis à telle juridiction. La justice réclama un accusé que l'université voulait couvrir de son privilége.

    Terme de droit féodal. Poursuivre ou faire poursuivre des serfs qui étaient allés demeurer hors de la province ou de la terre sans le congé de leur seigneur.

  • 8 Terme de fauconnerie. Réclamer un oiseau, l'appeler pour le faire revenir sur le poing ou au leurre.

    Terme de chasse. Réclamer les chiens, leur sonner la retraite et les appeler à soi.

    On dit aussi des perdrix qu'elles réclament leurs petits, c'est-à-dire qu'elles les appellent.

  • 9 Terme de turf. Course à réclamer, course dans laquelle le vainqueur peut être réclamé, c'est-à-dire acheté moyennant une somme au moins égale à la somme fixée par son propriétaire antérieurement à la course, plus certaines redevances déterminées dans les règlements des sociétés.
  • 10Se réclamer, v. réfl. Se disait, dans l'ancienne jurisprudence, pour faire un appel. Se réclamer de cour inférieure en cour suzeraine.

    Aujourd'hui, et dans le langage général, se réclamer de quelqu'un, déclarer qu'on est connu de lui, qu'on est à son service, qu'on est son parent. Il me demande si effectivement un nommé Ollery, ayant passé à Altenheim, qui s'est réclamé de moi, m'a été amené, Corresp. du général Klinglin, t. I, p. 437.

    Se réclamer de quelque chose, invoquer cette chose en sa faveur. On le conduisit [un général russe prisonnier] au duc de Trévise ; là il se réclama audacieusement du droit des gens qu'on violait, disait-il, en sa personne, Ségur, Hist. de Nap. IX, 6.

  • 11Se réclamer, s'appeler l'un l'autre, en parlant de certains oiseaux. Les kiolos se réclament par ce cri pour se rallier avant la nuit, Buffon, Ois. t. XV, p. 253.

REMARQUE

Vauvenargues a employé réclamer dans le sens de déclamer de nouveau : Il réclame ces vers pompeux et ces magnifiques tirades qu'on a tant vantées autrefois, Cotin ou le Bel esprit. Cet emploi n'est pas reçu par l'usage.

HISTORIQUE

XIe s. Mahomet [il] sert et Apollin reclaimet, Ch. de Rol. I. Mult haltement il reclaime sa culpe, ib. CXLVIII. Li empereres reclaime ses Franceis, ib. CCXLVIII.

XIIIe s. Si songent [en dormant] les choses amées, Que tant ont par jor reclamées, la Rose, 18602. Bien se gart cil qui se reclaimme à tort, il quiet [choit, tombe] en l'amende, Beaumanoir, LV, 1. Quant son doulz non [de la sainte Vierge] reclaimment pecheour, Et il dient son AveMaria, N'ont puis doute du maufei [diable] tricheour, Rutebeuf, II, 7. Il ne lour hoir… ne poent [peuvent] ne ne doient… riens reclamer ne faire reclamer à autrui, tant qu'il aient fait plain paiement…, Bibl. des ch. 6e série, t. III, p. 582.

XIVe s. Et par les champs les bestes mues Gisoient toutes esperdues ; N'estoit nulz qui les reclamast, Ne qui pour siennes les clamast, Machaut, p. 75.

XVIe s. Jusqu'à la mort, d'ame t'eusse clamée ; Mais un nouveau t'a si bien reclamée, Que tu ne veux qu'à son leurre venir, Marot, II, 400.

ÉTYMOLOGIE

Picard, erclamer, se recommander ; provenç. et espagn. reclamar ; ital. richiamare ; du lat. reclamare, de re, et clamare, crier, appeler (voy. CLAMEUR).