« fléau », définition dans le dictionnaire Littré

fléau

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fléau

(flé-ô) s. m.
  • 1 Terme d'agriculture. Instrument qui sert à battre le blé, et qui se compose de deux bâtons liés l'un au bout de l'autre avec des courroies ; celui qui sert de manche est plus long que l'autre. Battre le blé avec le fléau, au fléau.

    La partie de cet instrument qui fait sortir le grain en tombant sur les épis. Le manche et le fléau.

    Fléau d'armes, arme contondante en forme de fléau, dont on se servait dans le moyen âge.

  • 2 Fig. Fouet qui châtie (ce qui est le sens de flagellum en latin) ; il se dit des personnes ou des choses qui semblent être instruments des punitions divines. On me craint, on me hait, on me nomme en tout lieu La terreur des mortels et le fléau de Dieu, Corneille, Attila, III, 1. Ô Dieu, que nous recevons mal les afflictions !… notre faiblesse gémit sous les fléaux de Dieu, et notre cœur endurci ne se change pas, Bossuet, 1er serm. quinquag. 2. Pour réunir tout en un mot, Séjan, si fort vanté dans Paterculus, était un fléau de la colère des cieux contre l'empire romain, Rollin, Hist. anc. t. XII, liv. XXV, chap. 2, art. 2.
  • 3 Fig. Toute grande calamité ou souffrance. Vous savez quels fléaux ont éclaté sur nous, Voltaire, Œdipe, II, 3. Et quand la religion se joint à la guerre, ce mélange est le plus horrible des fléaux, Voltaire, Mœurs, 197. Aujourd'hui, après un moment passé et oublié depuis des années, la plus chaste union peut être suivie du plus cruel et du plus honteux des fléaux [la syphilis] dont le genre humain soit affligé, Voltaire, Mœurs, 145.
  • 4 Par analogie, il se dit de ce qui est nuisible, funeste. Il est hors des atteintes de l'injustice, de l'envie, et des autres fléaux de la vie humaine, Patru, Lett. 4 à Olinde, dans RICHELET. L'inquisition et la Société [des jésuites] sont les deux fléaux de la vérité, Pascal, dans COUSIN. Son gendre [de Jacques II] le prince de Danemark, et son autre fille, qui est encore une Tullie et que j'appelle la demoiselle de Danemark, sont allés trouver ce fléau de prince d'Orange, Sévigné, Lett. 13 déc. 1688. Les rois qui ne songent qu'à se faire craindre et qu'à abattre leurs sujets, pour les rendre plus soumis, sont les fléaux du genre humain, Fénelon, Tél. II. Il a passé sa jeunesse à être le fléau de toutes les familles, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 105, dans POUGENS. Le prince de Condé, qui avait été le soutien de la France, en devint le fléau ; et Turenne, après avoir trahi la cour, en fut le libérateur, Voltaire, Hist. parl. chap. 56. Fléaux du nouveau monde, injustes, vains, avares, Nous seuls en ces climats nous sommes les barbares, Voltaire, Alz. I, 1. Les sauterelles sont encore une des proies favorites du martin, il en détruit beaucoup, et par là il est devenu un oiseau précieux pour les pays affligés de ce fléau, Buffon, Ois. t. VI, p. 136, dans POUGENS. Des jardins mutilés en partie par la spéculation des architectes, ce fléau du Paris moderne, Ch. de Bernard, Un homme sérieux, § XVIII.

    Fléau de famille, celui qui fait la désolation de toute sa famille.

  • 5 Par exagération. Personne ennuyeuse, fatigante, insupportable. Un bavard est un fléau dans un salon.
  • 6Dans une balance, tige de fer ou levier du premier genre, soutenu en son milieu sur des couteaux, et aux extrémités duquel sont suspendus les plateaux de la balance.

    Forte balance dont on se sert dans les magasins d'artillerie et même dans les boulangeries.

  • 7Barre de bois ou de fer, qui, tournant par le moyen d'un bouton de fer, tient fermés les deux ventaux d'une porte cochère.
  • 8Bascule chargée d'un contre-poids servant à fermer une écluse.

    Poignée en fer avec bouton tourné servant de fermeture à une persienne.

  • 9 Terme de métallurgie. Tringle d'un soufflet ayant un mouvement d'oscillation.
  • 10 Au plur. Espèce de crochets sur lesquels les vitriers portent les panneaux de verre, lorsqu'ils vont en ville.
  • 11Fléau, un des noms de la phléole des prés.

HISTORIQUE

XIIe s. Ainsi [ils] fierent des haches com vilain de flael, Sax. IX. Ceste pestilence et cest flael, Rois, f° 7, dans RAYNOUARD, Gloss.

XIIIe s. Et vinrent as portes et coperent les fleaus, et entrerent ens cil de l'ost, Chr. de Rains, p. 100. Fourches, fleaus, restiaus, fauches, ne doivent riens de tonlieu, Liv. des mét. 323.

XIVe s. Dieu voulut corriger les François par son flaiel [la bataille de Crécy], Chr. de St Denis, t. II, p. 216, dans LACURNE.

XVe s. Par quoy maintes fois depuis en leur droit aveuglement, sont venus comme flayau de Dieu les Anglès, Chastelain, Chr. du duc Philippe, Proesme.

XVIe s. Qui peult estre ce roy qui assomme et travaille Les orgueilleux et fiers, les vivans de rapines, Comme s'il fust le fleau de justice divine ? Marot, J. V, 141. [Fontarabie] Le fleau d'Espaigne et la seureté de France, Marot, J. V, 231. Fleaux des poissons [nageoires], Cotgrave Fleaux de la vigne [ses vrilles], Oudin, Dict. La curiosité de cognoistre a esté donnée aux hommes pour fleau, dict la Sainte parole, Montaigne, III, 33.

ÉTYMOLOGIE

Génev. flau ; picard, flager, flayer, fli, fleyeur ; Berry, flau (dans l'ouest clô) ; bourguign. fla ; norm. fiau ; provenç. flagel, flachel ; catal. flagell ; portug. et ital. flagello ; du lat. flagellum, fouet, fléau, diminutif de flagrum, fouet. Dans l'ancien français, li flaels ou flaaus est le nominatif, et le flael est le régime. Dans J. Marot fleau est monosyllabe. Les choses à bascule, fléau de balance, etc. ont été peut-être ainsi dites à cause du va-et-vient qui s'y passe comme dans le fléau véritable. Flagrum tient au radical flag ou flig (dans af-fligere) qui signifie franpper, blesser, appuyer sur.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

FLÉAU. Ajoutez :
12Fléau d'armes, masse métallique d'une forme variable, sphérique ou allongée, armée ou non de pointes, et réunie par une chaîne à l'extrémité d'un manche.

REMARQUE

Fléau, qui était monosyllabe au XVIe siècle, l'était encore au commencement du XVIIe siècle : Quoi ! filles de la nuit, monstres espouvantables, Dont les fers, dont les fouets et les fleaux effroyables Estonnent l'univers…, Histoire recueillie, la Magicienne estrangere, tragedie, Lyon, 1718, p 10. Fléau est un des rares exemples où la langue moderne n'a pas accepté la coalescence en une seule syllabe des deux voyelles que la chute de la consonne intermédiaire avait mises en présence. Seür est devenu sûr, paor est devenu peur, et ainsi en très grand nombre.