« couteau », définition dans le dictionnaire Littré

couteau

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

couteau

(kou-tô) s. m.
  • 1Instrument tranchant composé d'une lame et d'un manche. Couteau de table. Couteau de poche. Ce couteau coupe bien. Mettre couteaux sur table, donner à manger.

    Fig. Porter le couteau sur, supprimer sans miséricorde. Il veut porter le couteau jusqu'aux inclinations les plus naturelles, Bossuet, I, Pâq. 1.

    Fig. Couteau pendant, homme qui en accompagne toujours un autre ; locution tirée de l'habitude d'avoir, en certaines professions, un couteau pendu à son côté. Un tel est toujours avec lui, c'est son couteau pendant.

    Couteau de tripière, couteau qui tranche des deux côtés ; et fig. C'est un couteau de tripière, c'est un couteau à deux tranchants, c'est un couteau qui tranche des deux côtés, celui qui dit du bien et du mal d'une même personne.

    Familièrement. On vous en donnera de petits couteaux pour les perdre, se dit aux enfants à qui l'on refuse quelque chose.

    Boîte à couteaux, boîte où l'on serre les couteaux.

  • 2 Terme de chirurgie. Instrument tranchant dont on se sert pour diviser les parties molles et qui ne diffère du bistouri que parce qu'il est ordinairement plus grand et que la lame est toujours fixée à demeure sur le manche.

    Couteau à deux tranchants ou couteau interosseux, dit ainsi parce qu'il sert particulièrement pour pratiquer les amputations dans les articles, et pour diviser les chairs des espaces interosseux à la jambe ou à l'avant-bras.

    Couteau lenticulaire, couteau dont on se sert dans la trépanation, pour détruire les inégalités que la couronne du trépan a laissées au voisinage des bords de l'ouverture faite à l'os.

  • 3 Poétiquement, coutelas, poignard. Où toi-même, des tiens devenu le bourreau, Au sein de ton tuteur enfonças le couteau, Corneille, Cinna, IV, 2. Qu'on lui fasse en mon sein enfoncer le couteau, Racine, Athal. V, 6.

    Fig. Plonger le couteau dans le sein de quelqu'un, lui causer un violent chagrin. Vous par qui je plongeai le couteau dans le sein maternel, Rousseau, Hél. II, 5. Comment mettre le couteau dans le cœur de ses parents ? Voltaire, Blanc et noir.

    Être sous le couteau, avoir le couteau sur la gorge, être contraint par force ou par menace. Rien n'est changé, je suis encor sous le couteau, Voltaire, Tancr. III, 7.

    On dit dans le même sens : mettre le couteau sur la gorge.

    Couteaux sacrés, ceux qui servaient à égorger les victimes dans les anciens sacrifices. [Elle] tend la gorge aux couteaux par son père apprêtés, Racine, Iph. V, 4. C'est peu que de vouloir, sous un couteau mortel, Me montrer votre cœur fumant sur un autel, Racine, ib. III, 6. Les victimes qui tombaient sous le couteau sacré, Fénelon, Tél. X.

  • 4Instrument de supplice. L'abandonnerez-vous à l'infâme couteau Qui fait choir les méchants sous la main du bourreau ? Corneille, Hor. V, 3.

    Le couteau de la guillotine.

  • 5Couteau de chasse, courte épée qui ne tranche ordinairement que d'un côté, pour couper les branches quand on brosse au travers des bois.
  • 6Courte épée. Il ne porte qu'un couteau. Vieux en ce sens.

    Fig. En être aux couteaux tirés, être à couteaux tirés, être en inimitié ouverte. Il était avec lui ouvertement aux épées et aux couteaux, Sévigné, 244. D'Achy était aux couteaux tirés avec Puyrobert, Saint-Simon, 11, 126. Mme de Montespan fut toujours aux couteaux avec ce ministre [Louvois], Saint-Simon, 229, 69.

    Aiguiser ses couteaux, se préparer au combat, à la dispute.

    Jouer des couteaux, se battre à l'épée. J'en suis, et j'y jouerai, comme il faut, des couteaux, Scarron, D. Japhet, III, 4.

  • 7 Terme de vétérinaire. Couteau de feu, instrument qui est de fer ou de cuivre, et qui, étant chauffé dans la forge, sert à brûler quelque partie malade d'un cheval.

    Couteau anglais, instrument dont les maréchaux anglais se servent pour rogner la corne des sabots et qui remplace le boutoir des ouvriers français.

    Couteau de chaleur, latte de bois polie sur ses bords, dont on se sert pour racler la surface de la peau du cheval et abattre la sueur après un exercice forcé.

  • 8Couteau à papier, autrement dit plioir, ustensile en bois ou en ivoire qui sert à couper le papier.

    Couteau sourd, instrument des corroyeurs dont le tranchant est fort émoussé.

    L'arête du prisme triangulaire qui porte le fléau d'une balance.

    Couteau ramasseur, couteau qui ramène constamment la pâte de cacao sous la meule.

  • 9Couteau aimanté, sorte d'instrument en forme de couteau qui servait à des recherches sur le magnétisme. Le couteau aimanté nous découvre, dans les cendres de plusieurs espèces, des particules ferrugineuses, Bonnet, Consid. corps org. œuvres, t. V, p. 151, dans POUGENS.
  • 10 Terme de marine. Partie saillante du faux étambot, et mèche du gouvernail qui lui est opposée.
  • 11Couteau de St-Jacques, nom d'un coquillage long et plat.

    Manche de couteau, coquillage bivalve.

    Couteau polonais, espèce du genre solen.

  • 12 Terme de fauconnerie. Premières pennes des ailes des oiseaux qu'on emploie à la chasse.

PROVERBES

Les mauvais couteaux coupent les doigts et laissent le bois.

Tel couteau, tel fourreau.

C'est comme le couteau de Jeannot, se dit d'une chose qui conserve le même nom, mais qui n'a plus rien de ce qui la constituait autrefois. Cette locution est fondée sur ce que Jeannot, personnage de comédie et type des niais, des imbéciles, raconte qu'il a depuis longues années un couteau auquel il a fait remettre successivement et plusieurs fois tantôt une lame, tantôt un manche ; et il croit que c'est toujours le même couteau.

HISTORIQUE

XIIe s. Il a traite l'espée dont tranche li coutel, Ronc. p. 194. Dunc fist saint Thomas prendre li reis senz nul demur, E escorchier le chief à cutaus tut entur, Th. le mart. 101. Pristrent sun bon cultel qui valeit une cit, E sun anel ù out un safir mult eslit, ib. 152. [Ils] se trenchierent, si cume fud lur usages, de cultels, e rifflerent la charn jusque il furent sanglenz, Rois, 317.

XIIIe s. Et li quens de Pierche i fu mors par un ribaut qui li leva le pan dou haubert et l'ocist d'un coutiel, Chr. de Rains, 157. Miex vodroie à [avec] cotiaus d'acier Piece à piece estre despeciés, la Rose, 2906. Li dis Jehans courut sus à celi qui fu tués, le coutel tret, Beaumanoir, XXXIX, 12. Il se combatent à ceval, armé de toutes armeures, teles comme il lor plest, exepté coutel à pointe et mache [massue], Beaumanoir, LXI, 7. Devant le roy, tranchoit du coutel le bon conte Jehan de Soissons, Joinville, 205. Il tenoit trois coutiaus en son poing, dont l'un entroit ou manche de l'autre, Joinville, 259.

XIVe s. Li pons fu avalés, qui estoit levés haus : Chil de l'ost i entrerent, tout mirent as coutiaus, Fors que la damoiselle qui se rendi à iaus [eux], Baud. de Seb. VIII, 606. Un tel cop, que il li depart Jus les maistres coutiaus [plumes] de l'ele, Renart le novel, dans DU CANGE, Gloss. franç. Et doit avoir le chappon de rente [fourni par le fermier ou autre] couteaulz [plumes des ailes] suffisans ; et si n'estoient suffisans, on rabat de chascun couteau deux deniers tournois, Bouteiller, Somme rurale, titre 87. Je Guillaume Tirel, maistre des garnisons de cuisine du roy, certifie à tous que j'ey baillé et fait bailler dix paires de costeaux aux personnes ci-dessus nommées, De Laborde, Émaux, p. 231. Une paire de cousteaux à tranchier, c'est à sçavoir deux grands et un petit, à manche de lignum alloes, garnis d'or esmailliez de France, et a en chacun une perle au bout, De Laborde, ib.

XVe s. Un gros cousteaul d'alemaigne, garni de six cousteaulx, une lyme et ung poinsson, et d'une forsetes, pendans à une courroye de fil blanc, à clouz de leton, De Laborde, ib. Le vallet servant doibt mectre son pain et les trençoirs sur la table, et puis doibt tirer les cousteaux, et doigt asseoir les deux grans cousteaux, en baisant les manches, devant le lieu où le prince doibt estre assis, et doibt mettre les poinctes devers le prince en couvrant icelles pointes de la nappe qui est redoublée, et puis doibt mettre le manche vers le prince ; et les causes sont, que les grans couteaux se doivent retirer par l'escuyer trenchant, et pour ce sont les manches devers luy, et le petit couteau est tourné au contraire, pour ce que le prince s'en doibt ayder, De Laborde, ib. Il avoit deux coutiaulx de bouchier c'on dit rousse, en une gaigne ; et estoit de ces lairges coustiaulx de quoy qu'ils escourchent les bestes c'on appelle rousses, De Laborde, ib.

XVIe s. Gaisne garnie de deux cousteaulx, à manches d'acier, faits à combats, pour servir à ouvrir les huistres en escaille, De Laborde, ib. Celuy se monstre estre bien veau, qui par la poincte rend le cousteau, Génin, Récréat. t. II, p. 236. L'ung cousteau aguise l'autre, Génin, ib. p. 244. Ce cousteau ne vient pas de ceste gaine, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 193. Changer son couteau à une allumette [faire un troc désavantageux], Leroux de Lincy, ib. Ceuz qui portent les longs cousteaux ne sont pas tous queux [cuisiniers] ne bourreaux, Leroux de Lincy, ib. En une belle gaine d'or cousteau de plomb gist et dort, Leroux de Lincy, ib. Le cousteau n'appaise l'herésie [proverbe tiré des supplices inutiles contre l'hérésie au XVIe siècle], Leroux de Lincy, ib. Les mauvais couteaux coupent les doigts et laissent le bois, Leroux de Lincy, ib.

ÉTYMOLOGIE

Picard, coutiau, coutieu ; Berry, coutiau ; saintongeois, coutâ ; provenç. coltelh, cotelh ; catal. coltell ; espagn. cuchillo ; portug. cutello ; ital. cultello ; du latin cultellus, diminutif de culter (voy. COUTRE). Dans le vieux français au nominatif singulier, li cultels ou cultaus ; au régime, le cultel.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

COUTEAU. Ajoutez :
13Couteau à pied, sorte d'instrument du sellier. Les couteaux à pied pour sellier, et tous les gros instruments tranchants fabriqués dans les ateliers de taillanderie…, Tarif des douanes, 1869, p. 139.
14Couteau de brèche, engin qui était analogue au vouge, employé particulièrement dans les siéges, pendant le moyen âge.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : Le latin culter se rattache au zend keret, couper ; sanser. kartari, couteau, rac. krt, couper.