« bouger », définition dans le dictionnaire Littré

bouger

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

bouger [1]

(bou-jé), nous bougeons ; je bougeais ; je bougeai ; que je bougeasse ; bougeant v. n.
  • 1Se mouvoir, changer de place. Si vous bougez, vous tomberez.

    Se remuer. Cette femme est avancée dans sa grossesse, elle a senti son enfant bouger, ou, elliptiquement, elle a senti bouger.

  • 2Avec la négation, demeurer assidûment dans un lieu, auprès d'une personne ; en ce cas on supprime souvent pas ou point : Je n'ai presque point bougé d'ici, Bossuet, Lett. Corn. 32. Vous qui… touchés de la grâce, ne bougez plus comme elle [Marie Madeleine] des pieds du sauveur…, Massillon, Carême, Lazare. Je croyais que je ne bougerais d'ici ou de Vitré, Sévigné, 70. M. de Larochefoucauld ne bouge plus de Versailles, Sévigné, 168. Je n'ai bougé toute nuit d'auprès d'elle, La Fontaine, Berc. Et mesurant les cieux sans bouger d'ici-bas, Il connaît l'univers et ne se connaît pas, La Fontaine, Fabl. VIII, 26. Désormais je ne bouge et ferai cent fois mieux, La Fontaine, ib. VII, 12. On trouvera insupportable de ne bouger de la ville, Pascal, Div. 2. Sans bouger de la terre, allez au firmament, Régnier, Sat. IX. [Plaisirs] qu'il abandonnait pour ne bouger d'auprès de ses charmes, Hamilton, Gramm. 10. La famille du duc n'en bougeait, Hamilton, Gramm. 6. Du coin d'où le soir je ne bouge, J'ai vu le petit homme rouge, Béranger, H. rouge.
  • 3 Fig. S'agiter, se soulever. Les mécontents n'osèrent pas bouger.

REMARQUE

1. Molière a fait de bouger un verbe actif et réfléchi : Et personne, monsieur, qui se veuille bouger Pour retenir des gens qui se vont égorger, Dép. am. V, 7. C'est un archaïsme (voy. l'historique) qui n'est plus usité : bouger est neutre maintenant, et ne peut plus devenir réfléchi.

2. Les puristes du siècle de Louis XIV, Marguerite Buffet et Caillières trouvaient que bouger d'un lieu était un terme fort rude ou une façon de parler bourgeoise ; mais, comme on a vu, les meilleurs écrivains s'en sont servis.

HISTORIQUE

XIVe s. … Li verseïs [la chute] de Pierre Qui dort ne ne se bouge ne que fait une pierre, Girart de Ross. 1789. Se li consuls se bouge, Bercheure, f° 47, recto.

XVe s. L'argent ne devoit estre contourné ailleurs ni bouger de Paris, Froissart, II, II, 128. Le mareschal les convoya jusques à la vue de Galipoli, et de là ne se bougea afin de les secourir si aulcune chose leur advenoit, Bouciq. I, ch. 30. Tenez-vous saintement en cloistre ; Là mettez peine à vous cognoistre ; N'en bougiez ; car le villoter Fait mains et maintes assoter, Miracles de sainte Geneviève. Je croy bien que je ne bougeray d'ici encore d'un mois, Bibl. des chartes, 4e série, t. I, p. 26. Et un peu de reconfort leur est venu, c'est que ladite dame, princesse de Castille et royne de Portugal, a esté grosse d'un enfant bougeant, Commines, VIII, 17. Et tira [le roy] à l'avant garde, qui jamais n'estoit bougée, Commines, VIII, 6.

XVIe s. Ponocrates advisoyt quelque jour bien serain, onquel bougeoient on matin de la ville, et alloyent à Gentilly, Rabelais, Garg. I, 24. Maintenant je suis fort bien, et ay senti bouger mon enfant, Marguerite de Navarre, Lett. 58. Je vous prie encores me mander si l'intention du roy est que je ne bouge d'avecques la royne, Marguerite de Navarre, ib. 147. Elle n'a bougé de couchée [de son lit] depuis vostre partement, sinon ung jour ou deux qu'elle alla jusques en la garde-robe, Marguerite de Navarre, ib. 46. Le dieu leur respondit qu'ils ne bougeassent rien, Montaigne, I, 123. Il ne feut d'advis de bouger de sa place, Montaigne, I, 342. Ilz se desfirent l'un l'autre à combattre d'homme à homme au milieu de leurs deux armées, sans qu'elles se bougeassent, Amyot, Rom. 24. Sa coustume estoit de frapper rudement, jamais ne bouger le pied, ny reculer en arriere, Amyot, Caton, 3.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. bojar. Ménage a parlé de l'allemand wogen, s'agiter ; mais wogen donnerait guoguer et non bouger. Diez a mis le doigt sur la vraie étymologie, remarquant, dans le provençal, bolegar, remuer, s'agiter, dont bojar et bouger sont des contractions et qui répond à l'italien bulicare, bouillonner, qui est un fréquentatif du latin bullire, bouillir : bouillonner, et, de là, par métaphore, ne pas rester en place, bouger.