« étancher », définition dans le dictionnaire Littré
Définition dans d'autres dictionnaires :
étancher
- 1Arrêter l'écoulement d'un liquide. Étancher une source.
Des plus fraîches beautés une foule choisie Vient étancher leur sang, leur verser l'ambroisie
, Delille, Imag. VIII.Étancher ses larmes, cesser de pleurer. Étancher les larmes de quelqu'un, le consoler.
- 2 Terme de marine. Étancher une voie d'eau, la boucher, l'arrêter.
- 3Étancher la soif, l'apaiser en buvant.
Dans une extrême disette d'eau que Marc Aurèle souffrit en Germanie, une légion chrétienne obtint une pluie capable d'étancher la soif de son armée
, Bossuet, Hist. I, 10.Et de l'eau de ce puits sans relâche tirée, De ce sable étancher la soif démesurée
, Boileau, Épît. X. - 4S'étancher, v. réfl. Être arrêté, en parlant d'un liquide qui coule. Le sang s'est étanché. Ses larmes se sont étanchées.
Être apaisé, en parlant de la soif. La soif de l'hydropique ne s'étanche jamais.
HISTORIQUE
XIIe s. Se jà vos plaies se pourront estanchier
, Ronc. p. 97. E jo i leverai un altel à nostre Seignur, si estancherad à tant la murine [mortalité] e l'ocision
, Rois, 219.
XIIIe s. Qui sa soif en puisse estanchier
, la Rose, 6011. Tant que j'en soie si venchiés, Que lor orguex [leur orgueil] soit estanchiés, Ou qu'il seront tuit condampné
, ib. 16086. Dont li fu ses chevaus devant lui amenés, Grans ert [était], fort et isniaus, Baiars fu apelés, Ainc ne pot encore estre estanchiés ne lassés
, Ch. d'Ant. v, 543.
XIVe s. Car la mortalitez des boces [bubons pestilentiels] Qu'on apeloit epidemie, Estoit du païs estanchie, Et que les gens plus ne moroient
, Machaut, p. 76. Si le sans i commence à courre, il est à paine estanchié
, H. de Mondeville, f° 40. [Le sang] Mout petit apriès estanca
, Jean de Condé, v. 364.
XVe s. [L'écuyer anglais] savoit paroles pour estancher [il s'agit d'une blessure]
, Froissart, II, II, 85. Ne trouveroit qui sa fain lui estanchast
, Lancelot du Lac, t. III, f° 93.
XVIe s. Et qu'ainsi soit en ce val miserable Jesus mourut pour la guerre estancher
, Marot, J. v, 203. La risée en alla incontinent de main en main en la plus part du camp, et ne se pouvoit pas Hannibal mesme estancher de rire
, Amyot, Fab. 31. Il en sortit du sang en si grande abondance que l'on ne le pouvoit estancher
, Amyot, Agés. 45. Disant ces paroles, elle fondoit en larmes, de telle sorte qu'on ne la pouvoit estancher
, Pasquier, Recherches, p. 526, dans LACURNE. Pour m'estancher de ce long discours [y mettre un terme]
, Pasquier, ib. p. 724. Ceulx especialement qui avec Bertrand chevauchoient eurent du mal à foison ; car il chevaucha si fort qu'il estancha [fatigua] soubz luy deux bons chevaulx
, Menard, Hist. de du Guesclin. p. 414, dans LACURNE.
ÉTYMOLOGIE
Wallon, sitanchî, stanchi ; provenç. estancar, estanquar ; espagn. et portug. estancar ; ital. stancare. Estancher signifie dans l'ancien français : fermer une plaie, faire cesser l'écoulement (Lors respondi la dame franche, Qui del plorer esteit estanche, Grég. le grand, p. 75), abattre l'orgueil, faire cesser une mortalité, fatiguer un cheval, apaiser la soif ; l'espagnol estancar signifie arrêter le cours ; l'italien signifie lasser, manquer, s'épuiser ; le provençal signifie étancher, rassasier. Diez le tire du latin stagnare, être stagnant, auquel le sens actif d'empêcher l'écoulement a été donné, et qui a pu prendre le sens figuré de fatiguer (en italien). Il nous paraît plus vraisemblable de proposer un autre stagnare ou stannare qui veut dire resserrer, d'où faire cesser soit un écoulement, soit toute autre chose ; le sens provençal de rassasier s'en déduit facilement ; et c'est de ce sens que vient étancher la soif. Celui de lasser soit dans le français soit dans l'italien est beaucoup plus obscur ; il semble pourtant que estancher, de la signification de faire cesser, est passée à celle de lasser, parce que la lassitude fait cesser l'action à laquelle on se livrait. L'expression mettre à bout ne représente-t-elle pas quelque chose d'analogue ?
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
ÉTANCHER. - HIST.XIVe s. Ajoutez : Qu'il [le roi d'Angleterre] feroit et establiroit une pareille [table] à celle table ronde pour plus estanchier l'onnour de ses chevaliers, qui si bien l'avoient servi
, J. le Bel, Vrayes Chroniques, t. II, p. 25.