« dompter », définition dans le dictionnaire Littré

dompter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dompter

(don-té ; le p ne se fait jamais sentir ; et c'est une faute de le prononcer) v. a.
  • 1Faire fléchir la résistance. César dompta les Gaulois. Dompter la sédition. Ils sont domptés par les misères de la guerre, Vaugelas, Q. C. liv. IV, dans RICHELET. Il verra comme il faut dompter les nations, Corneille, Cid, I, 7. Est-il quelque ennemi qu'à présent je ne dompte ? Corneille, ib. IV, 2. Il dompta les mutins, Racine, Bérén. I, 4. Hélas ! avec plaisir je me faisais conter Tous les noms des pays que vous allez dompter, Racine, Iphig. IV, 4.

    Fig. Faire céder. Et je vois dans son cœur de tendres mouvements À dompter la fierté des plus durs sentiments, Molière, le Dép. II, 3. Vos yeux ont su dompter ce rebelle courage, Racine, Phèd. V, 3. Est-ce quelque mépris qu'on ne puisse dompter ? Racine, Mithr. III, 5. Tu m'as prêté ton bras pour dompter les humains ; Dompte aujourd'hui Brutus ; adoucis son courage, Voltaire, M. de Cés. I, 1. Je sais, pour dompter les plus impérieux, Qu'il faut souvent moins d'art que de mépris pour eux, Voltaire, Catil. III, 5. L'antiquité eût élevé des autels à ce vaste et puissant génie [Franklin] qui, au profit des mortels, embrassant dans sa pensée le ciel et la terre, sut dompter la foudre et les tyrans, Mirabeau, Collection, t. III, p. 394.

    Il se dit aussi des sentiments, des passions dont on triomphe. Dompter ses passions. Dompte la gourmandise, et plus facilement Des sentiments charnels tu dompteras le reste, Corneille, Imit. I, 19. Le patient vaut mieux que le fort, et celui qui dompte son cœur vaut mieux que celui qui prend des villes, Bossuet, Duch. d'Orl.

  • 2En parlant des animaux, les assujettir, leur faire perdre leur caractère indépendant et sauvage. Dompter un cheval. La fière panthère ne s'apprivoise pas proprement ; on ne peut que la dompter ; on la dresse même pour la chasse, Bonnet, Contempl. nat. IIe part. ch. 9.
  • 3Se dompter, v. réfl. Faire la loi à ses passions. Apprends à te dompter, Voltaire, Alz. I, 4.

    Se contenir. Je voyais sa fureur à peine se dompter, Corneille, Pomp. IV, 1. La nature est trop forte et mon cœur s'est dompté, Corneille, Rodog. IV, 3.

REMARQUE

L'Académie devrait supprimer le p de dompter, lettre qui ne se prononce pas, qui n'est pas étymologique, et qui provient d'une vicieuse tendance qu'avait le moyen âge à mettre un p après une m ou une n ; d'otemptation, qui est resté en anglais.

HISTORIQUE

XIIe s. Maint felon au danté come cheval à frain, Rou, ms. f° 32, dans LACURNE.

XIIIe s. Leur orgueil et leur folie donta Dieux par peines et par travauz, Psautier, f° 132. Il est sage et bien dontés [élevé], Poésies mss. t. IV, p. 1349, dans LACURNE. …Li oisiaus debonnaire qui touz est dontez et apris, Fabliaux mss. t. II, f° 163, dans LACURNE. Or sui si povres devenus, Que ge n'ai fors à grant dangier Ne que boivre, ne que mangier… Tant me set danter et mestir Povreté qui tout ami tolt [enlève], la Rose, 8054. Cuidiés-vous donc qu'Amors consente Que je refraigne et que je dente Le cuer qui est trestout siens quites, ib. 3090. …Il [Appius] ne peoit donter La pucele qui n'avoit cure Ne de li ne de sa luxure, ib. 5620.

XIVe s. La gent des Eques estoit damptée et sousmise, Bercheure, f° 60, verso. Dompter le pooir des tribuns, Bercheure, f° 47, verso.

XVIe s. Une aigre imagination me tient ; je treuve plus court, que de la dompter, la changer, Montaigne, III, 299.

ÉTYMOLOGIE

Berry, donzer ; provenç. domtar, domptar, dompdar ; du latin domitare, fréquentatif de domare (lequel a donné directement l'espagnol domar ; l'ital. domare) ; comparez le grec δομάω ; l'allem. zähmen ; l'angl. to tame. Palsgrave, p. 23, au XVIe siècle, remarque qu'on prononce donter. Il s'en est peu fallu que la prononciation danter n'ait prévalu, comme celle de dame au lieu de dome ; danter a été très usité et était dû à l'inclination que, pendant un certain temps, la langue eut de changer on en an.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DOMPTER. - ÉTYM. Ajoutez : Dans l'Aunis, on dit danzer, pour dompter, dresser les animaux (Gloss. aunisien, p. 94) ; cette forme est un remarquable archaïsme, témoin de l'antique substitution de l'a à l'o : anc. franç. danter, à côté de donter.