« blé », définition dans le dictionnaire Littré

blé

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

blé

(blé) s. m.
  • 1Nom vulgaire du froment ordinaire (graminées) avec le grain duquel on fait le pain. … Qui voulait bien abattre ses murailles, Qui fit avec le feu la moisson de ses blés, Rotrou, Antig. IV, 1.

    Les grands blés, le froment et le seigle. Les petits blés, l'orge et l'avoine.

    Blé noir, blé rouge, le sarrasin.

    Blé de Turquie, blé d'Espagne, blé de l'Inde, le maïs.

    Blé d'abondance, blé de miracle ou blé de Smyrne, variété de froment à épis rameux.

    Blé blanc, variété de froment.

    Blé de la Saint-Jean, seigle qu'on sème en juin.

    Blé ergoté, dit aussi blé cornu, blé devenu malsain et malfaisant par l'effet d'un cryptogame parasite, dit ergot, qu'on emploie en médecine. Le blé ergoté, moulu et employé en pain, cause une maladie des plus graves caractérisée par des convulsions et des gangrènes.

    Terme de jurisprudence. Blé en vert, blé dont la récolte n'est pas faite.

  • 2Une pièce de blé. Se cacher dans un blé. Je n'ai rien caché à l'homme que vous m'avez envoyé ; je l'ai mené dans un blé ; j'ai abattu en sa présence les épis qui s'élevaient au-dessus des autres, Fénelon, Périandre.

    Fig. Être pris comme dans un blé, être attrapé de manière à ne pas pouvoir s'échapper.

  • 3Le grain. Un tas de blé. Un sac de blé. La halle au blé.
  • 4Blé de Guinée, nom donné, dans quelques cantons de la France, à la houque sorgho, dite ailleurs sorgho.

    Blé de vache, nom donné à la saponaire pentagone, qui croît parmi les blés dans la France méridionale et en Italie, et aussi au mélampyre des champs.

    Blé d'oiseau, alpiste.

    Blé de Tartarie, espèce de renouée.

PROVERBES

Manger son blé en herbe, dépenser son revenu d'avance.

Crier famine sur un tas de blé, se plaindre au sein de l'abondance.

C'est du blé en grenier, c'est-à-dire c'est chose bonne à garder, c'est une réserve sûre.

HISTORIQUE

XIe s. Soleil n'i luist, ne blet n'i puet pas creistre, Ch. de Rol. LXXVI.

XIIIe s. Sur espices, sur cire, et sur blés, et sur vins, Berte, LXIV. Asseiz et robes et deniers, Et de bleif toz plains ces greniers, Que li prestres savoit bien vendre, Rutebeuf, 274. Qui garison [provisions] amenent et pain et vin et blés, Chans. d'Ant. II, 393.

XIVe s. Et quant nulle des parties n'en reporte plus ne moins, mais tant vaillant pour tant vaillant, ou pour ce meisme si comme blé pour blé, tant pour tant, tel pour tel, Oresme, Eth. 150. Grant force de peuple ha soubdainement cuillie la dite blée et portée et getée dedans le Tybre, Bercheure, f° 29, recto.

XVe s. Cils de Reims douterent cette menace d'ardoir leurs bleds aux champs, Froissart, II, II, 66.

XVIe s. Un pourceau en un blé ; une taupe en un pré ; et un sergent en un bourg ; c'est pour achever de gaster tout, Despériers, Contes, XXIX. Ce mot de bled, plustost barbare, corrompu de l'italien, que tiré d'autre langue. est prins generalement pour tous grains jusques aux legumes, bons à manger, De Serres, 106. En plusieurs endroits de ce roiaume, par le bled, est entendu le pur froment, De Serres, ib. Le pur blé froment, De Serres, 230. Et tout ainsi que les nouvelles blées, Gresles et tendres, de petit vent troublées, Saint-Gelais, dans PALSGR. p. 170.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. bliai ; provenç. et catal. blat ; ital. biada ; piémontais, biava ; bas-lat. bladum, blavum, blava, blavium. On tire ordinairement ce mot de l'anglo-saxon blaed (féminin), fruit ; mais le caractère germanique de ce mot anglo-saxon n'est pas assuré, et il se pourrait qu'il vînt du roman : aussi Grimm a-t-il songé au celtique : kymri, blawd ; bas-breton, bleûd, farine. Mais, la forme n'en concordant pas très bien avec le roman, Diez a proposé une autre étymologie : le latin neutre pluriel ablata, c'est-à-dire les choses enlevées (des champs, la dépouille, la récolte), d'où, avec l'article, l'ablata, l'abiada et la biada ; à quoi il y a une objection considérable, c'est que le français et le provençal perdent difficilement la voyelle initiale du mot ; quant au bas-latin ablatum, abladus, abladium qui est dans Du Cange avec le sens de moisson, et que Diez cite à l'appui de son opinion, ces mots paraissent être bien plutôt formés du français (ablais, ablaier ou ablaver, de à et blé) qu'être vraiment les représentants du latin ablata, au sens de récolte. Il est donc difficile de prononcer entre ces deux étymologies, qui ont chacune leur objection. On remarquera l'orthographe blef ou bleif ; le t ou d se change sans peine en f, par exemple, soif de sitis, mœuf de modus ; c'est cette f qui a permis de former le dérivé emblaver, l'f et le v permutant, comme on sait, ensemble. On remarquera aussi qu'on a dit blée au féminin, comme en italien.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BLÉ. Ajoutez :
5Blé bleu ou de Noé, blé provenant de l'Orient. Les caractères orientaux du blé de Noé…, Bella, Bullet. Société centr. d'agric. 1872, p. 600.
6 Blé brouillé, nom, dans l'Oise, de la nielle, les Primes d'honneur, Paris, 1872, p. 64.