« pardon », définition dans le dictionnaire Littré

pardon

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pardon

(par-don) s. m.
  • 1Rémission d'une faute, d'une offense. Le pardon des injures. Le pardon des ennemis. Je vous demande mon pardon, le pardon de ma faute. Et nous verrons bientôt son cœur inquiété Me demander pardon de tant d'impiété, Corneille, Poly. III, 3. Mérite le pardon qu'il cherche à te donner, Corneille, Perthar, IV, 4. Et jamais de son cœur je n'aurai de pardon, Pour n'avoir pas trouvé que son sonnet fût bon, Molière, Mis. V, 1. N'en parlons plus, madame ; Qui reçoit un pardon, souffre un soupçon infâme, Th. Corneille, Cte d'Essex, II, 7. Sans espoir de pardon m'avez-vous condamnée ? Racine, Andr. III, 6. On n'a pas tant d'esprit quand on demande pardon, que quand on offense, Hamilton, Gramm. 8. Claude, proclamé et tranquillement assis sur le trône, annonce le pardon des injures qu'on lui a faites, et pardonne, Diderot, Claude et Nér. I, 18. L'amour même est timide, et dans cet abandon La nature est sans voix sous des lois sans pardon, Delille, Pitié, III. Bien digne de pardon, si l'enfer pardonnait, Delille, Géorg. liv. IV. Allez, vil délateur d'une cause trahie, Chercher votre pardon aux dépens de ma vie, P. Lebrun, Mar. Stuart, II, 4.

    Je vous demande pardon, ou, par ellipse, pardon, et aussi mille pardons, formules de civilité dont on se sert pour faire des excuses. Pardon, charmant objet ; un valet a parlé, Et j'ai vu malgré moi notre hymen différé, Molière, Dép. am. III, 9. Monsieur, je vous demande mille pardons de tout ce que je prends la liberté de dire ; pourquoi lisez-vous mes lettres ? est-ce que je parle à vous ? Sévigné, 607. Cela ressemble assez à l'homme qui se bat en duel à la comédie, et qui demande pardon à tous les coups qu'il donne dans le corps de son ennemi, Sévigné, 23 août 1678. Il se retira, me demandant pardon de la liberté grande, Hamilton, Gramm. I, 3.

    Fig. Je demande pardon à Aix, mais Marseille est bien joli, Sévigné, 156.

    Je vous demande pardon, ou, simplement, pardon, se dit aussi pour signifier : je suis d'un autre avis que vous. Vous croyez qu'il est midi ; je vous demande pardon, il n'est qu'onze heures et demie.

  • 2Lettres de pardon, lettres que le prince accordait en petite chancellerie pour remettre la peine de certains délits moins grands que ceux qui exigent des lettres de grâce.
  • 3Le jour du pardon ou de la propitiation, jour que les Juifs célèbrent le 10 de leur mois tisri, qui correspond à notre mois de septembre ; ils s'abstiennent du travail, comme le jour du sabbat, jeûnent jusqu'au soir, et font profession ce jour-là de pardonner toutes les injures qu'ils ont reçues.
  • 4 Au plur. Indulgence de l'Église. Il est allé gagner les pardons.

    Le grand pardon, le jubilé.

    Fig. et familièrement. Croire gagner les pardons, croire faire une action méritoire. En second lieu il trompe une cruelle, Et croit gagner les pardons en cela, La Fontaine, Richard.

    Fig. et familièrement. Aller chercher des pardons à Rome, aller chercher quelque chose bien loin. Il n'allait pas quérir pardons à Rome, Quand il pouvait en rencontrer plus près, La Fontaine, Gageure.

  • 5On appelait, et dans quelques provinces de France on appelle encore les pardons ou le pardon ce qui se nomme aujourd'hui l'angélus, c'est-à-dire les trois sons de cloche par lesquels on avertit du lever ou du coucher du soleil, et de l'heure du midi ; parce qu'il y a des indulgences ou des pardons accordés par le pape à ceux qui récitent alors la salutation angélique. Quoi ? le pardon sonnant te retrouve en ces lieux ? Boileau, Lutr. II.
  • 6Certains pèlerinages. Le pardon de Sainte-Anne d'Auray.
  • 7Pardon d'armes, sorte de jeu, de tournoi, au moyen âge. Ces jeux s'appelaient, chez les Français, emprises, pardons d'armes, Voltaire, Mœurs, 99.
  • 8Grand pardon, le houx.

HISTORIQUE

XIIe s. La Maudelene feïs tu le pardon, Ronc. p. 48. [je] N'eüsse pas souspiré en pardon [pure perte], Couci, VI. S'onc fins amans ot de mesfait pardon, ib. X. Charle mande et commande que treü lui devon, Chascun quatre deniers sanz lais [remise] et sanz pardon, Sax. XX.

XIIIe s. Et por ce que cis pardons [indulgence de l'Église] fu si grans, s'esm urent moult li cuer des gens, Villehardouin, I. Li chardenaus [le cardinal] qui de par l'apostole de Rome estoit, en sermona, et en fist pardon à tous ceux qui en la bataille morroient, Villehardouin, CLX. Le roy meimes y vis-je porter la hote aus fossés pour avoir le pardon, Joinville, 269.

XIVe s. Le dymenche devant le pardon de Saint-Romain de Rouen, Du Cange, pardonantia.

XVe s. Les oubloyers qui s'entremettent de aler faire gauffres aux pardons des eglises, Du Cange, ib. Pour ce que incontinent le pardon commença à sonner environ deux heures après midy, Du Cange, ib. De tous costez se commencerent à declairer gens contre ledit duc… et sembloit qu'il y eust très grant pardon à luy mal faire, Commines, V, 2.

XVIe s. Ha ! Madamoiselle, que vostre parole est esloignée (pardon, si je le dis) de raison ! Yver, p. 529. Pour neant demande pardon qui pardonner ne veut, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 374. De grand peché grand pardon, Cotgrave Ainsi allasmes, commençant à Saint-Gervais ; et je gaigne les pardons au premier tronc seulement, car je me contente de peu en ces matieres, Rabelais, II, 17.

ÉTYMOLOGIE

Voy. PARDONNER ; bourg. padon ; prov. perdo ; cat. perdó ; esp. perd-on ; port. perdão ; ital. perdono.