« gourmer », définition dans le dictionnaire Littré

gourmer

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

gourmer

(gour-mé) v. a.
  • 1Mettre la gourmette à un cheval. Il faut gourmer ce cheval plus court.
  • 2Battre à coups de poings. Pressé des deux frères qui le gourmaient comme des lions, Scarron, Rom. com. II, 17. Buckingham disait qu'il avait aimé trois reines, et qu'il avait été obligé de les gourmer toutes trois, Retz, III, 384.

    Fig. Boileau et Fontenelle, qui s'attaquèrent à coups d'épigrammes, disaient tous deux que les libelles dont ils avaient été gourmés n'auraient pas tenu dans leurs chambres, Voltaire, Dict. phil. Libelle.

  • 3Se gourmer, v. réfl. Affecter un air roide et composé. Viens, et, sans te gourmer avec moi de la sorte, Laisse en entrant chez nous ta grandeur à la porte, Destouches, Glor. II, 15.
  • 4Se battre à coups de poings. Morbleu, quand il voudra se gourmer, on lui fera voir si l'on n'en sait pas autant que lui, et possible davantage, Hauteroche, Crisp. méd. I, 7. Qu'ils s'accordent entre eux ou se gourment, qu'importe ? Molière, Femmes sav. II, 6.

HISTORIQUE

XVIe s. L'on faisoit le pis qu'on pouvoit sans estre armé, essayans de se renverser, grommer, mordre, pocher, esgratigner, denouer, rompre et destordre les membres, La Colombière, Théâtre d'honneur, t. I, p. 220, dans LACURNE. Gourmer injurieusement un païsan ou un laquay, Montaigne, I, 107. J'ay eu de la peine souvent à gourmer et brider mes passions, Montaigne, I, 168. Je cherche plus la frequentation de ceux qui me gourment que de ceulx qui me craignent, Montaigne, IV, 38.

ÉTYMOLOGIE

On le tire du bas-breton gromen, gourmette, gromma, mettre la gourmette, qui paraît tenir au kimry crom, crwmm, courbe. Cette dérivation est vraisemblable, sans être tout à fait sûre ; car, lorsqu'un mot est commun au bas-breton et au français, s'il ne l'est pas aussi aux autres langues celtiques, on n'a pas une complète certitude qu'il n'est pas venu du français dans le bas-breton. Au reste, gourmer (venant de gourme) appartenait aussi à l'ancienne langue : XIIIe s. Dieu amés et Dieu reclamés, Qui si bele vous a fourmée ; Se fuissés bochue ou gormée, Espoir [peut-être] preude femme fuissiés, Du Cange, gutteria. XVIe s. Chair de tortue qui premierement aura esté nourrie en quelque jardin pour se gourmer et purger de ses humidités excrementitielles, Paré, XX, 35. Comme la gourme a souvent son siége sous la mâchoire des jeunes chevaux, il ne serait pas impossible que cette circonstance en eût fait passer le nom à la gourmette et au verbe gourmer ; et peut-être par là comprendrait-on mieux les sens divers de gourmer : gourmer, rendre roide comme fait la gourme ; gourmer, faire souffrir comme fait la gourme, maltraiter, battre.