« frayeur », définition dans le dictionnaire Littré

frayeur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

frayeur

(frè-ieur) s. f.
  • Grande peur. Grâces aux dieux, Cinna, ma frayeur était vaine, Corneille, Cinna, III, 4. Ce monarque étonné à ses frayeurs déjà s'était abandonné, Corneille, Nicom. V. 8. Mais enfin, dans l'obscurité, Je vois notre maison, et ma frayeur s'évade, Molière, Amph. I, 1. La conscience du parricide [Caïn] agitée de continuelles frayeurs, Bossuet, Hist. I, 1. Comme les magistrats, après avoir fait rouer quelques malfaiteurs, ordonnent que l'on exposera en plusieurs endroits, sur les grands chemins, leurs membres écartelés, pour faire frayeur aux autres scélérats, Bossuet, Serm. pour le 9e dim. après la Pentec. 2. Voici ce qui glacera le cœur, ce qui achèvera d'éteindre la voix, ce qui répandra la frayeur dans toutes les veines : je m'en vais vo comment Dieu me traitera, Bossuet, Ann. de Gonz. Les chrétiens ne connaissent plus la sainte frayeur dont on était saisi autrefois à la vue du sacrifice [l'hostie], Bossuet, Louis de Bourbon. Il donne à la frayeur ce qu'il doit au respect, Boileau, Lutrin, v. Par de vaines frayeurs cessez de m'offenser, Racine, Phèdre, I, 3. La frayeur les emporte [les chevaux], Racine, ib. V, 6. Et lorsque avec frayeur je parais à vos yeux, Racine, Brit. II, 3. Ah ! sais-tu mes frayeurs ? sais-tu que dans ces lieux J'ai vu du fier Orcan le visage odieux ? Racine, Bajaz. IV, 1. Que ne peut la frayeur sur l'esprit des mortels ? Racine, Athal. II, 5. Que la pénitence dans ce dernier moment [à l'agonie] n'est plus qu'un désespoir sans confiance ou qu'une frayeur sans mérite, Massillon, Carême, Inconst.

    Par exagération. Faire frayeur, exciter un sentiment de malaise que l'on compare à une grande crainte. La longueur de nos réponses fait frayeur, Sévigné, 241. Il y eut l'autre jour une vieille décrépite qui se présenta au dîner du roi ; elle faisait frayeur, Sévigné, 310.

    Racine a dit : la frayeur d'un jour, pour la frayeur que cause ce jour. Nous voici donc, hélas ! à ce jour détestable Dont la seule frayeur me rendait misérable, Racine, Théb. I, 1.

HISTORIQUE

XIIe s. Naymes li dus fu moult en grant freor, Ronc. p. 138. N'aiez pas freor, Que tres qu'au jor [vous] Poez demener joie, Romancero, p. 67.

XIVe s. À Poitiers [ils] puent bien cheminer sans freour ; Entre Englois et François estoit l'eaue grignour, Guesclin. 19543.

XVe s. Frayeur souvent l'omme devoye, Myst. du siége d'Orléans, p. 697.

ÉTYMOLOGIE

Picard, freu ; prov. freior, frior. D'après le provençal esfreidar, effrayer, qui a un d, Diez voit dans ces mots le radical latin frigidus, froid, et tire frayeur du latin frigorem, frigdorem, froid, frisson, la frayeur causant du froid, du frisson. On a proposé aussi le latin fragor, fracas ; mais, outre le sens, qui ne cadre pas très bien, on ne voit pas comment le d serait venu dans le provençal.