« encre », définition dans le dictionnaire Littré
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encre
- 1Liqueur ordinairement noire dont on se sert pour écrire, pour imprimer. L'encre pour écrire la plus employée est un tannogallate de protoxyde de fer mêlé de gomme, d'indigo ou de sucre pour lui donner du brillant. Encre indélébile.
Aussi bien de penser rendre cet homme-là plus coupable qu'il ne s'est fait lui-même, ce serait jeter de l'encre sur le visage d'un More
, Guez de Balzac, liv. III, lett. 7.Je soutiendrai mon opinion jusqu'à la dernière goutte de mon encre
, Molière, Mar. forcé, 6.Mais je vois venir sur le soir Notre astronomique Émilie, Avec un vieux tablier noir, Et la main d'encre encor salie
, Voltaire, Ép. XLV.Encre rouge, bleue, etc. liquides colorés dont on se sert quelquefois pour écrire.
Encre d'imprimerie, pâte liquide qui consiste en un mélange de noir de fumée et d'huile de lin cuite.
Encre lithographique, encre servant à l'impression lithographique et à peu près semblable à l'encre d'imprimerie.
Encres autographiques, encres avec lesquelles on écrit sur un papier préparé pour transporter les caractères sur les pierres lithographiques.
Fig.
Mille soupçons plus noirs que l'encre s'emparèrent de son imagination
, Hamilton, Gramm. 8.Suer de l'encre, être dans un embarras extrême.
M. de Beauvillier, dont le rang d'opiner était le pénultième des ministres, suait de l'encre d'entendre Torcy
, Saint-Simon, 305, 226.Écrire de la bonne encre ou de bonne encre à quelqu'un, lui écrire sans ménagement, vertement.
C'est la bouteille à l'encre, se dit d'une affaire compliquée et rendue obscure ; et, en parlant d'une personne, se dit d'une personne qu'on ne comprend pas et qui ne se comprend pas elle-même.
Être dans la bouteille à l'encre, être dans le secret d'une affaire, d'une intrigue. On dit plus ordinairement être dans la bouteille.
- 2Encre de chine, composition sèche qu'on emploie en détrempe et surtout au pinceau ; elle nous est venue de Chine, où elle est en grand usage.
- 3Encre sympathique, encre sans couleur, qui se colore et devient visible quand on traite le papier par la chaleur ou par quelque agent chimique.
PROVERBE
Il n'y a plus d'encre au cornet, se dit d'un homme dont la vie est près de s'éteindre et aussi dont l'esprit est épuisé.
REMARQUE
Encre a été longtemps d'un genre indécis ; Chifflet, Gramm. p. 248, dit qu'il est des deux genres. Étymologiquement, il devrait être masculin ; mais la terminaison, qui est féminine, l'a emporté.
HISTORIQUE
XIIIe s. De l'anel de son doit seela ceste lettre ; De son sang les escrist, autre enque n'il fist metre
, Rutebeuf, II, 105.
XIVe s. Et se ce ne velt [veut] faire, je manderai mes hommes ; Tant en ferai venir par parchemin et aincre, Que mater le porrons et en bataille vaincre
, Girart de Ross. v. 1235.
XVIe s. Le roi et la roine en escrivirent de si bonne ancre qu'on le laissa poursuivre
, D'Aubigné, Hist. II, 31. Le sang qui a signé la guerre n'est pas encore sec par les champs ; et aussi peu seche l'ancre qui vient de signer la paix
, D'Aubigné, ib. 252. En descrivant pathetiquement la douloureuse tragedie qui a pali mon ancre de mes larmes
, D'Aubigné, ib. III, 537.
ÉTYMOLOGIE
Génev. encre, s. m. ; wallon, enche ; provenç. encaut ; espagn. encausto ; ital. inchiostro ; anc. vénitien, incostro ; sicilien, inga ; angl. ink. L'origine de ces mots est le latin encaustum, en grec ἐγϰαυστρον, encre rouge avec laquelle les empereurs grecs signaient (de ἐν, et ϰαυστρὸς, brûlé, voy. ENCAUSTIQUE). Le mot latin et le mot grec s'accentuaient différemment ; le latin avait l'accent sur la syllabe cau, et le grec sur la syllabe ἔγϰ ; et, comme dans tous les mots tirés du grec où l'accentuation nationale était en conflit avec l'accentuation étrangère, la prononciation de encaustum était tantôt latine : encaústum, tantôt grecque : éncaustum ; du moins c'est ce que montrent les langues romanes qui reproduisent les unes éncaustum (le français, ses patois et le sicilien), les autres encaústum (le provençal, l'espagnol et l'italien).