« ange », définition dans le dictionnaire Littré

ange

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ange

(an-j') s. m.
  • 1Être créé, mais d'une nature purement spirituelle. Bon, mauvais ange. On représente les anges sous la forme de jeunes hommes avec des ailes. L'ange exterminateur. Un ange gardien. C'est les anges que nous devons invoquer comme nos sauveurs, Fénelon, t. III, 134. Prince aimable, dis-nous si quelque ange au berceau Contre tes assassins prit soin de te défendre ? Racine, Athal. IV, 6.

    Les neuf chœurs des anges, les esprits heureux qui composent la cour céleste. Ô Dieu… qui voles sur l'aile des vents, Et dont le trône est porté par les anges, Racine, Esth. I, 5.

    Les anges, pris dans un sens spécial, ceux qui sont du dernier chœur. Les anges sont au-dessous des archanges.

    Les anges déchus, les démons. On les nomme aussi anges de ténèbres.

    Bon ange, mauvais ange, anges qu'une croyance populaire assigne à chaque homme pour présider à sa destinée. Ce parti que son bon ange et le mien nous suggéraient, Rousseau, Conf. v. Soudain le jeune chevalier, à qui son bon ange est fidèle, Trompe les regards du geôlier, Béranger, Pris. et Chev.

    Fig. Elles [Mmes d'Heudicourt et de Dangeau] le mauvais ange et le bon ange de Mme de Maintenon, Saint-Simon, 218, 184. Vous que je dois nommer l'ange [le messager] de mon bonheur, Molière, l'Étour. v, 3.

  • 2Personne d'une grande piété, d'une grande vertu, d'une extrême douceur. C'est un ange de douceur. Son gouverneur qui après tout ne sera pas un ange, Rousseau, Ém. II.

    Fille, femme charmante, adorable, spirituelle. Avant le mariage, anges si gracieux, Boileau, Sat. X.

    Comme un ange, fort bien, parfaitement. Vous chanteriez ces airs-là comme un ange, Sévigné, 144. Elle était belle comme un ange, Sévigné, 29. On dit qu'il parlait comme un ange, La Fontaine, Pâté. Ce n'est pas que vous ne soyez jolie comme un ange dans cet habillement, Hamilton, Gramm. 9. Avec quelques femmes de ses amies qui ont de l'esprit comme les anges, Vauvenargues, Ernest.

    Mon ange, mon cher ange, mon petit ange, expressions familières d'amitié et d'affection.

  • 3Être aux anges, être dans le ravissement. Je chante un roi devenu bœuf : Surtout la cour en fut aux anges, Béranger, Nabuchod.

    Rire aux anges, être transporté de joie. En mauvaise part, rire sans sujet, niaisement. À qui en as-tu donc ? Ou si c'est aux anges que tu ris ? Hamilton, Gramm. 2.

    Boire aux anges, ne savoir plus quelle santé porter.

    Fig. Voir des anges violets, avoir des visions creuses. Locution qui vieillit.

  • 4 En termes d'artillerie, boulet coupé en deux, trois ou quatre parties enchaînées ensemble, dont on se servait autrefois dans les combats de mer.
  • 5En histoire naturelle, ange de mer, et plus communément ange, poisson du genre des squales, dont la peau sert à polir le bois ou l'ivoire.

    Ange de mer est masculin et non pas, comme le disent quelques dictionnaires, féminin.

  • 6Lit d'ange ou lit à l'ange, lit sans colonnes et à rideaux relevés.
  • 7Manches d'anges, manches de robes de femmes très larges et n'allant qu'à la moitié du bras.
  • 8Ange de grève, crocheteur ; dit ainsi par plaisanterie, à cause que les crocheteurs se tenaient beaucoup sur la place de Grève et que l'on comparait leurs crochets à des ailes.

HISTORIQUE

XIe s. Anuit m'avint une avision d'angele, Ch. de Rol. LXV. Angle du ciel i descendent vers lui, ib. CLXXII.

XIIe s. Li angre Deu descendent erramant, Ronc. p. 92. Angle enpenné la porterent chantant, ib. p. 106. Le premier roi de France fist Diex par son commant Couronner à ses angeles dignement en chantant, Sax. I. Ço sace bien li reis, et tu li deiz mustrer, Que cil ki puet les angles e hummes guverner, Dous poestez suz sei fist en terre ordener, Th. le mart. 90. E de l'enfant Jesu li prist à recorder, Que li angles del ciel fist en Egypte aler, Pur la poür d'Erode…, ib. 65. Bien le sai que tu es prudum, e utle e profitables à mun os, si cume uns angeles Deu, Rois, 113.

XIIIe s. Par le commant de Dieu fu ses haubers ostés, Et de saint Michel l'angre fu amont relevés, Ch. d'Ant. IV, 994. Tant vous ama [Dieu], Dame des angles vous clama, En vous s'enclost, ainz n'entama Vo dignité ; N'en perdistes virginité, Rutebeuf, II, 4. Je en aurai une corone es ciex plus que les angres qui le voient face à face, Joinville, 198. Il leur fist entailler en la chapelle toute nostre creance, l'annonciation de l'angre, la nativité, etc. Joinville, 262.

XVIe s. Quant S. Pierre estant sorti miraculeusement de la prison, heurta à la maison où ses freres estoyent assemblez, iceux ne pouvans penser que ce fust, ils disoyent que c'estoit son ange, Calvin, Instit. 107. Allez, maudits, au feu eternel, lequel est preparé au diable et à ses anges, Calvin, ib. 112. Ange de greve [crocheteur], Despériers, Contes, LXX. Et avez-vous ouï jamais parler d'angesses, de cherubines ou seraphines ? Yver, p. 555. Ores, mon angellette…, Yver, p. 574.

ÉTYMOLOGIE

Angelus, ἃγγελος, messager ; bressan, anzo ; bourguig. ainge ; provenç. angel, angil ; espagn. angel ; portug. anjo ; ital. angelo.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ANGE. Ajoutez :

9Eau d'ange, voy. EAU, n° 22.
10 Au féminin, une ange. Je vous avoue, mon divin ange [M. d'Argental], et vous aussi, ma divine ange [Mme d'Argental], que je trouve vos raisons pour ne pas venir à Genève, extrêmement mauvaises, Voltaire, Lett. à d'Argental, 24 janv. 1766.

On peut voir à l'historique des féminins angesse et angelette. Le féminin de Voltaire vaut mieux.

REMARQUE

M. Miller dit : « Sous Henri II, deux célèbres Grecs, Ange Vergèce et Constantin Palaeocappa, rédigèrent deux catalogues des manuscrits grecs de Fontainebleau. L'écriture d'Ange Vergèce était si remarquablement belle, qu'elle servit de type pour les caractères grecs avec lesquels ont été imprimées au Louvre ces belles éditions du XVIe siècle. La fille du célèbre calligraphe ornait de charmantes miniatures quelques-uns des manuscrits copiés par son père. La réputation de celui-ci était telle, qu'on disait écrire comme un Ange. Ce nom, plus tard, ayant été détourné de son sens primitif, devint synonyme de perfection ; et, l'origine de l'expression ayant été oubliée, on a fini par dire abusivement Chanter, danser comme un ange, avoir de l'esprit comme un ange, Journ. des Savants, nov. 1875, p. 707). » Cela est curieux ; mais l'idée que les anges doivent tout faire en perfection, a pu suggérer la locution. Cependant il faut noter que l'historique ne contient aucun appel à cette habileté des anges ; cela porte à croire qu'en effet la locution n'est pas ancienne.